Ce jeudi commencent les barrages pour la montée en Ligue 1 entre Auxerre et Saint-Etienne. Une confrontation que Guy Roux connaît bien. Supporter des Verts dans les années 60-70 puis entraîneur de l'AJA, le coach mythique revient sur son lien particulier avec l'AS Saint-Etienne.
Des gradins de Geoffroy Guichard au banc de touche de l'AJ Auxerre, Guy Roux noue une relation particulière avec Saint-Etienne. Au moment où l'AJA et l'ASSE s'affrontent ce jeudi et ce dimanche pour savoir qui sera en Ligue 1 l'année prochaine, il était évident de donner la parole à Guy Roux. Non sans garder une pointe d'admiration pour l'équipe stéphanoise, l'entraîneur s'est confié dans un entretien sur les confrontations entre les Verts et les Ajaïstes.
Avant même vos débuts en tant qu'entraîneur, quel est votre rapport à l'AS Saint-Etienne ?
Cela remonte à une époque où j’étais très jeune. 1961, c’est une période où Sainté faisait ses grands périples européens. Il m’arrivait fréquemment d’aller les voir jouer. Je me souviens avoir vu des matchs formidables dans la boue.
Il y avait des supporters de toute la France qui venait voir jouer Saint-Etienne, et j'en faisais partie.
Guy RouxEntraîneur de l'AJ Auxerre de 1961 à 2005
Le trajet ne se faisait pas aussi bien qu'aujourd'hui. Entre Auxerre et Saint-Etienne, il y a près de 400 km. Il n’y avait pas d’autoroute et je passais par la Nièvre avec ma Simca 1000 ! Je partais en fin de matinée pour arriver au match et je revenais presque au lever du jour pour aller travailler. On avait vraiment une passion phénoménale pour Saint Etienne que des grandes équipes actuelles comme le Paris Saint Germain n’ont jamais eues.
Depuis Reims, c’était le vide en France. L’équipe de France ne gagnait rien et les clubs non plus. Et puis Saint-Etienne est arrivé avec ses jeunes. Ils ont été aimés par tout le monde.
En tant qu'entraîneur, vous-êtes vous inspiré de l'AS Saint-Etienne ?
Ça a dû m'inspirer mais j’ai principalement fait ma méthode à partir de beaucoup de voyages réalisés en Europe. Quand j’étais un jeune entraineur en DH (aujourd'hui la première division régionale), je mettais l’argent que j’aurais fumé (rires) pour me payer un voyage de deux semaines dans un club. Je suis allé à Barcelone voir l’entraîneur Rinus Michels et jouer Johan Cruyff. Je suis également allé à Kiev voir Lobanovski qui était l'entraîneur de l’URSS.
Je me suis évidemment rendu à Saint-Etienne. En dehors des jours où j’allais voir leurs matchs, j’allais voir Albert Battheux et ses entraînements. J’ai acquis certaines notions, notamment la ligne d’attaque avec trois joueurs. J’étais complètement admiratif de cette équipe. Je me suis inspiré de leur centre d’entraînement et j’ai construit une salle d’entraînement à Auxerre. Mais la mienne est mieux puisqu'elle est chauffée (rires) !
Vous souvenez-vous de matchs particuliers face aux verts ?
Bien sur, j'en ai quelques-uns en tête. Je les ai d'abord rencontrés en CFA et quand on jouait Saint-Etienne B chez eux, le tarif la bas c’était 3-0. Dans ce temps-là, on n’avait pas le souci des terrains de football d'aujourd'hui. Un jour en levée de rideau d’un match entre Saint-Etienne et Auxerre, il y avait un match de deux entreprises. Ils ont joué dans la boue juste avant nous, le terrain était impraticable mais on jouait quand même.
En 1977, on les a rencontrés en coupe de France. On a joué le premier match chez nous un jour de pluie. On a failli ne pas jouer, la piste autour du terrain était inondée, on ne voyait plus le terrain. C’était une équipe avec Jean-Michel Larqué et Michel Platini.
J’avais d'ailleurs travaillé une réplique révolutionnaire aux coups francs de Platini. Je mettais deux murs, de trois et deux joueurs, et le gardien de but au milieu. J’ai travaillé ça pendant toute la semaine, fait une révision le matin. L’après-midi, il n’y même pas eu un seul aucun coup-franc !
On a fait 0-0 chez nous avec un stade plein mais sans tribunes. Il y a avait juste une tribune de 1 800 places et c’était déjà quelque chose puisque j’ai commencé à entraîner Auxerre, il y avait à peine 200 places. On a fait un joli match mais au retour on a perdu 3-1 ou 4-1. Je retiendrais qu'on était qualifiés pendant huit minutes lorsqu’il y avait 1-1 (rires).
J’ai perdu une fois sur terrain gelé 1-0 dans les années 80. Je me rappelle très bien, on prend un but sur penalty. Laurent Paganelli a glissé sur le terrain, il a fait un beau plongeon et on a perdu là-dessus.
Le dimanche 19 novembre 1994, l'AJA s'impose largement 5-0 à Geoffroy Guichard. J'imagine que cette victoire est encore dans votre mémoire…
Oui mais c'est anecdotique. Le grand Saint-Etienne était en train de s’écrouler, et Auxerre faisait partie des meilleures équipes. Je ne me réjouissais pas d’avoir gagné 5-0 parce que c’était Saint-Etienne, je me réjouissais d'avoir une bonne équipe et que je gagnais deux tiers de mes matchs.
Ce résultat a peut-être joué pour le transfert de Laurent Blanc, présent dans l'équipe des verts lors de ce match. Saint-Etienne était dans un très mauvais état financier. Un soir en 1995, les agents de Laurent Blanc m’appellent à 8h du matin, et à 18h nous étions à la caisse d’épargne pour conclure l'affaire ! Il participe grandement à notre belle saison où on remporte le championnat et la coupe.
En parlant de Laurent Blanc, de nombreux grands joueurs sont passés par les deux clubs. Doit-on cela à une relation particulière entre Auxerre et Saint Etienne ?
Il faut savoir que Roger Rocher, emblématique président de l’AS Saint Etienne de 1961 à 1982, avait de la famille près d’Auxerre. Dans ses dernières années de président et lorsqu'il était dans la région, une rencontre amicale à titre privé se déroulait avec le président de l’AJ Auxerre Jean-Claude Hamel (président de l'AJA de 1963 à 2009).
Ça a facilité le transfert entre certains joueurs, notamment Jean Marc Schaer en 1977. Ce dernier sortait d'une très bonne saison et des clubs étaient attirés par lui. Mais Roger Rocher nous a fait une gentillesse et nous sommes parvenus à un accord. Jean-Marc Schaer était là lors de la montée en première division et le parcours jusqu’en finale de coupe.
J’ai également eu Patrice Garande, un jeune qui n’avait pas beaucoup joué à Saint Etienne. Il a eu un parcours très favorable à Auxerre puisqu'il finit meilleur buteur du championnat devant son coéquipier Andrej Szarmach. Schaer et Garande sont des Stéphanois qui nous ont vraiment rendus service.
Qu'est ce que ça fait de jouer à Geoffroy-Guichard dans une telle ambiance ?
J’ai joué sur beaucoup de terrains prestigieux. Mais ce n’est pas le terrain qui m’a remué le cœur pour être honnête, c'est surtout l’équipe adverse ! Les supporters, je les ai connus sous toute leur forme. Avant d'entraîner, j’étais un jeune homme qui voyageait la nuit et qui s’agrippait aux grillages des tribunes de Geoffroy-Guichard. J'étais l'un d'entre eux.
Il y a une telle ferveur, l'AS Saint Etienne est un club qui sait recevoir
Guy RouxEntraîneur de l'AJA de 1961 à 2005
Je les ai connus en tant qu’entraîneur de l’équipe adverse et consultant à Canal +. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il y a de la ferveur. Il y a un accueil toujours très chaleureux, c’est un club qui a toujours su recevoir.
Comment voyez-vous la confrontation entre l'AJ Auxerre et l'AS Saint Etienne dans le cadre des barrages ?
J’ai une très bonne impression de l'attaque de Saint Etienne. J’ai découvert Hamouma lorsqu'il jouait à Besançon contre Marseille en coupe de France. Je me suis intéressé à lui mais à ce moment- là on était un petit club et on ne l'a pas eu. Un soir de transfert, j’ai appelé Wahbi Khazri. C’est vraiment un des meilleurs joueurs du championnat de ces dernières années.
L’AJA est encore loin de ce niveau là. Il y a une différence, l’ASSE a l’habitude de jouer en première division. On va voir qui sera le meilleur mais le favori des deux matchs reste Saint Etienne.