Le département de l'Yonne fait effectivement partie des départements susceptibles de basculer en couvre-feu dès 18h à partir de ce dimanche 10 janvier. Ce matin, lors d'une rencontre avec le préfet, les élus de l'Yonne ont exprimé leurs doutes de manière quasi unanime sur sa pertinence.
A partir du dimanche 10 janvier, le couvre-feu pourait être avancé à 18h dans toute la région Bourgogne Franche-Comté, la Côte-d'Or et l'Yonne y ayant échappé la semaine dernière. Lors de la conférence de presse organisé le 7 janvier, le Premier ministre Jean Castex n'a pas annoncé de nouveaux départements en couvre-feu élargi. Il a évoqué au cours de sa conférence de presse une dizaine de départements, "plutôt dans l'est de la France".
Jean Castex a ajouté que "les décisions seront prises ce vendredi soir pour rentrer en vigueur dimanche", après des concertations menées par les préfets des territoires concernés. Le gouvernement a demandé à tous les préfets concernés d'organiser une concertation aujourd'hui avec les élus, pour étudier cette opportunité.
Covid-19 : "Nous constatons que la situation se dégrade dans certains territoires plus rapidement qu'ailleurs", déclare le Premier ministre Jean Castex
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Alors qu'en est-il de la concertation dans l'Yonne ? Selon nos informations, le préfet du département, Henri de Prévost, a profité ce matin d'une réunion consacrée au contrat de revitalisation et de transition pour échanger avec tous les élus présents. Etaient notamment présents à cette réunion des maires, le président du conseil départemental, les présidents de pôle d'équilibre territorial et rural et les parlementaires.
"La concertation a bien eu lieu", confirme Nicolas Soret (PS), maire de Joigny et président de la communauté de communes du Jovinien. "C'était déjà le cas il y a une semaine. Le préfet consulte. Il appelle les maires des communes principales, les représentants d'associations d'élus et les parlementaires."
"A chaque fois, la préfecture nous sollicite, nous demande un avis", témoigne le maire Les Républicains d'Auxerre, Crescent Marault. "Pour les mesures départementales, il prend l'avis de tous les élus de terrain et il remonte les avis au ministère."
Une majorité d'élus doutent de la pertinence du couvre-feu
Et à l’issue de cette concertation de ce matin, la position territoriale a été claire. Tous les élus icaunais se sont exprimés unanimement contre l’instauration d’un couvre-feu à 18 heures. "Tout le monde a dit son opposition à cette mesure et tout le monde a questionné la pertinence de cette mesure", rapporte le maire de Joigny.
"Unanimement, on a dit que le couvre-feu à 18h ne servirait pas à grand chose. Cela ne nous semble pas avoir un intérêt particulier", déclare Mahfoud Aomar (DVD), président de l'association des maires de France de l'Yonne. "Cela ne changera pas grand chose" pour Patrick Gendraud (LR), président du conseil départemental.
Certains élus avancent l'argument que le couvre-feu mis en place depuis une semaine dans 15 départements n'a pas permis pour le moment d'améliorer partout la situation. "Si l'on regarde ce qui s’est passé dans la Nièvre, le taux d’incidence est passé à 225. Je ne dis pas que c’est une vérité mais malgré le couvre-feu, le taux d'incidence a augmenté", souligne Patrick Gendraud.
Le maire d'Auxerre à contre-courant
A contre-courant, Crescent Marault (LR), maire d'Auxerre et président de la communauté d'agglomération de l'Auxerrois, ne se positionne par contre l'idée du couvre-feu à 18h. Il parle d'un "bon compromis". Selon lui, "s'il faut passer par un couvre-feu pour éviter le confinement c'est la moins pire des décisions. Le confinement avec la fermeture administrative d'activités non essentielles, c'est dramatique économiquement. C'est l'hiver, il fait nuit très tôt donc le couvre-feu ce n'est pas si mal que cela."
Selon le maire d'Auxerre, "l'effet ne se mesure pas en une semaine. Le premier confinement, il a fallut six semaines pour inverser le taux d'incidence. Il faut être lucide."
Un nouveau coup porté à la restauration et aux commerces
Parmi les arguments les plus communément avancés par les élus, une nouvelle pénalisation de l’économie des commerces et de la restauration avec en particulier la peur d’un report de la fréquentation des commerces sur le midi ou sur le weekend. "Cela créerait des difficultés économiques pour les restaurateurs qui sont organisés pour faire des repas à emporter," déplore Mahfour Aomar. "Tous les gens se retrouveraient samedi à faire leur course. Ce serait catastrophique."
"Quel est l’intérêt de concentrer le samedi dans les grandes surfaces les gens qui bossent la semaine et n’auront plus d’autres occasions que d’aller faire leur course ?", questionne Nicolas Soret.
Sur ce point, Crescent Marault parle "d'une vision étriquée. Aujourd'hui, bon nombre de personnes en sortant du travail vont dans des drive. Franchement, c'est le discours d'un autre âge", déclare le maire d'Auxerre.
Les élus craignent également que ce soit encore un nouveau coup porté à l’équilibre psychologique et au moral des habitants de l'Yonne. "Le sentiment, c'est tu bosses, tu dors, tu bosses, tu dors. Ce n'est pas la vie", déclare Nicolas Soret. "Sur un plan psychologique, les gens n’en peuvent plus. Cela devient problématique d’autant plus que l’on ne connait pas l’issue", ajoute Patrick Gendraud.
Un couvre-feu seulement le week-end ?
Parmi les solutions proposées par les élus de l'Yonne, certains ont émis l'hypothèse de la mise en place d'un couvre-feu seulement le week-end. "Cela me semblerait plus censé car c'est plutôt le weekend que les gens se rencontrent ensemble et dans la semaine, cela ne nous semble pas logique ou lucide" avance Mahfoud Aomar. "On trouve que cette solution logique d'aller faire ses courses normalement le week-end et rentrer à 18h".
Un avis que rejoint Patrick Gendraud. "C’est la période ou les gens se relâchent. La semaine, il faut que l'on donne d’autres perspectives et la possibilité de vivre, que le travail."
Cette proposition émane du maire d'Avallon, Jean-Yves Caullet. Pour l'ex-député, "ce serait de nature à éviter les préparations de soirée et inciter les gens qui n'ont pas d'obligation de travail ou d'horaires à rentrer plus rapidement chez eux et éviter de multiplier les contacts le week-end."
Un taux d'incidence remis en question par les élus
Le gouvernement a fixé deux critères pour appliquer un couvre-feu anticipé à 18h. Il regarde le taux d'incidence de l'épidémie, qui comptabilise le nombre de cas positifs pour 100 000 habitants sur sept jours glissants. Celui-ci doit être supérieur à 200 pour l'ensemble de la population ou uniquement pour les personnes de 65 ans et plus, les plus fragiles face au virus. Dans l'Yonne, on frôle tout juste la barre des 200, avec 194,8 cas pour 100 000 habitants.
Un critère selon Nicolas Soret, "un peu faussé car ce taux d'incidence prend en compte les personnes en Ehpad. Ce taux est tiré par le haut par le taux en Ehpad mais cela ne veut pas dire que les personnes de plus de 65 ans hors Ehpad sont particulièrement touchées."
Un avis partagé par Patrick Gendraud, "au-dessus de 65 ans, on est en Ehpad ou on est retraité. Dans la période d’hiver, on n'a pas besoin de couvre-feu pour ces gens là. Ce sont les gens les moins sensibles qui vont être soumis à ce couvre-feu."
J'ose espérer que l'on tiendra compte de l’avis des élus parce que le contraire serait difficilement acceptable et accepté"
Cette concertation fera l'objet d'une remontée aux autorités qui pourront prendre une décision en conséquence. "On espère être entendu. En tout cas, le préfet nous a écouté. Il a dit qu'il transmettrait nos arguments au gouvernement mais après c'est le ministre qui va prendre la décision" explique Mahfoud Aomar. Pour Nicolas Soret, "c'est là-haut que cela se décide. Je ne suis pas certain que le préfet ait la main en vrai."
Reste maintenant à savoir si la voix des édiles locaux sera ou non entendue comme il y a une semaine par le Gouvernement. L'Yonne a déjà échappé au couvre-feu tout comme la Côte-d'Or. "J'ose espérer que l'on tiendra compte de l’avis des élus parce que le contraire serait difficilement acceptable et accepté," déclare de son côté Patrick Gendraud.
Une décision attendue ce samedi
Pour l'heure, si les élus sont majoritairement contre, la préfecture n'a pas encore fait d'annonce concernant l'éventualité de sa mise en place. Selon Nicolas Soret et Patrick Gendraud, la décision ne devrait pas être communiquée ce vendredi soir mais plutôt demain dans la journée.
En cas de couvre-feu, à 18 heures, toutes les activités de loisirs, les commerces et les ventes à emporter (hors livraisons) cesseront. Seules les gardes périscolaires, l’enseignement et l’exercice professionnelle pourront se prolonger au-delà de 18 heures avec obligation d'avoir une attestation.