Il y a une semaine, Ayman, 20 ans, était touché au visage par une balle de revolver lors d'une intervention de police à Saint-Florentin, dans l'Yonne. Mais Ayman n'était pas le bon suspect. Son avocat, maître Arash Derambarsh, vient de déposer plainte pour "tentative de meurtre en bande organisée".
La police a-t-elle commis une bavure la semaine dernière dans l'Yonne ? Maître Arash Derambarsh en est persuadé. Il est l'avocat d'Ayman, ce jeune homme de 20 ans, ainsi que de ses trois amis de 16 et 21 ans. Le 30 mars, ils ont subi une violente interpellation, au cours de laquelle Ayman a été touché par une balle au menton. Sauf qu'au fil des heures, on a découvert que la police s'était trompée de cible.
Les premiers éléments laissaient penser que le fuyard recherché était dans la voiture
"Mes clients n'ont aucun antécédent judiciaire. Aucun", assure Arash Derambarsh. "Donc quand j'entends le procureur d'Auxerre dire qu'effectivement, une des personnes dans la voiture faisait l'objet d'une enquête criminelle, je dis que ce sont des allégations mensongères. Le procureur devrait faire preuve de prudence, il devrait plutôt protéger et défendre ces jeunes victimes plutôt que des fonctionnaires de police qui agissent de la sorte."
"Je souhaite que le procureur puisse revenir sur ses propos, qu'il présente ses excuses aux familles, à ces jeunes, et qu'une enquête préliminaire puisse s'ouvrir pour tentative de meurtre en bande organisée."
La semaine dernière en effet, le procureur de la République d'Auxerre, Hugues de Phily, expliquait à notre micro : "Un équipage de police de région parisienne suivait un individu recherché par le parquet d'Evry, et l'a localisé à Saint-Florentin où il a fait l'objet d'une tentative d'interpellation. À cette occasion, il y a eu tirs d'arme à feu."
La voiture louée par les jeunes pour une sortie dans un parc d'attractions
En réalité, les policiers n'étaient pas après les bonnes personnes. Selon leur avocat, les quatre jeunes avaient loué cette Peugeot 208 pour se rendre dans un parc d'attractions. "Visiblement, c'est ce véhicule qui faisait l'objet d'une enquête. Mais je pense qu'avant d'interpeller les personnes qui étaient à l'intérieur, il aurait fallu s'assurer que c'était les bonnes personnes."
Autre détail : maître Derambarsh précise que la voiture était une automatique. Résultat, lorsque les policiers en civils "les ont tout à coup abordés avec des revolvers, sans s'identifier en tant que policiers, mes clients ont été effrayés et le conducteur a levé le pied, ce qui a fait partir la voiture toute seule. Ça a été considéré comme une tentative de fuite, ce qui est absolument faux."
Quatre à six tirs d'arme à feu
L'avocat estime également que les policiers ont agi de manière "scandaleuse" et qu'ils ont pris des risques en intervenant sur une station-essence fréquentée par des clients. L'une des balles tirées s'est logée dans la voiture d'une mère de famille. Il y a eu six tirs selon l'avocat, quatre selon les déclarations du procureur jeudi dernier.
"Ils auraient pu tirer sur une bonbonne de gaz, des carburants, tout aurait explosé."
Arash Derambarsh réclame que toute la lumière soit faite sur cette affaire. "Je souhaite savoir qui a donné les instructions pour cette interpellation dans une station-essence avec tous les dangers qui étaient encourus, et qui a donné l'ordre de tirer sachant qu'il n'y avait pas de danger imminent, pas de proportionnalité, pas de concomitance. Les policiers ont usé de la force de la puissance publique à tort et à travers."
Ayman a eu son menton "arraché" par le tir
Ayman, le conducteur touché par une balle, est gravement blessé, selon son avocat. "Il n'a plus de menton, son menton a été arraché. Il va devoir se reconstruire." Lui et ses trois amis sont "évidemment choqués, en dépression". Arash Derambarsh estime aussi que ce geste a porté "une atteinte grave à la confiance que les citoyens donnent aux fonctionnaires de police".
La semaine dernière, au lendemain de l'interpellation, des proches et des habitants de Saint-Florentin se sont rassemblés pour réclamer "Justice pour Ayman". Le cortège avait dégénéré dans la soirée, en arrivant au niveau de la gendarmerie. "Je condamne évidemment toute forme de violence, il faut que la justice travaille sereinement", affirme l'avocat. "Mais c'est tout à fait compréhensible que les personnes ressentent de la colère et des interrogations. C'est pour cela que le procureur a une très grosse responsabilité, et je lui donne aujourd'hui cet humble conseil : qu'il saisisse rapidement les services appropriés pour ouvrir une enquête préliminaire."