Happés par les préparations du 150ème anniversaire de la naissance de l'écrivaine, les Amis de Colette mènent depuis quelques temps un nouveau combat : restaurer la sépulture de Juliette, la demi-sœur oubliée de l'auteure des "Claudine", à Charny, dans l'Yonne.
"Juliette était aussi noire que Colette était lumineuse." Quelques mots qui, d'emblée, donnent le ton. Juliette, elle, ne s'est pas illustrée dans la littérature ni n'a obtenu la renommée de sa demi-sœur. N'était pas non plus libre comme elle. "En fait, elle n'a rien fait. C'est ce que me disaient les éditeurs, quand j'ai voulu écrire mon livre", nous explique Françoise Cloarec, auteure du roman "Dans l'ombre de sa sœur". "Oui, certes, mais je pense que c'est un personnage clé de l'histoire de Colette."
Avis que partagent les membres de la Société des amis de Colette, basée dans l'Yonne. Il y a un an, l'association s'est donnée une nouvelle mission : lancer la restauration de la tombe de ladite Juliette, à Charny-Orée-de-Puisaye, et laissée à l'abandon.
"C'est tout à fait normal, surtout en cette période de 150ème anniversaire [Colette aurait eu 150 ans en 2023, ndlr], que la Société se positionne pour pouvoir préserver ce lieu de mémoire", détaille Frédéric Maget, président de l'association et directeur de la Maison de Colette. "Nous insistons toujours pour que la mémoire s'incarne dans les bâtiments, noms de rues, places... et aussi dans les cimetières. C’est aussi une façon, non pas de réconcilier ces deux femmes, mais en tout cas de mettre un peu plus de lumière sur cette part d’ombre de l’histoire familiale."
Juliette occupe une place très particulière dans la fratrie et dans le destin de Colette.
Frédéric Maget,président de la Société des amis de Colette
Car la relation entre l'écrivaine et sa demi-sœur était, au mieux, ténue. Sa puînée de 13 ans, Colette passe une enfance heureuse dans la maison de Saint-Sauveur-en-Puisaye où elle réside. Mais tout s'effondre lorsque Juliette épouse Charles Roché, un médecin exerçant à Charny. Ce dernier demande dot et héritage et ce faisant, contraint la famille Colette à déménager.
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Pour François Cloarec, "tout le monde a été traumatisé par cette histoire. Le propre frère de Juliette a interdit à Sido, leur mère, d'avoir le moindre rapport avec elle, même si elle l'a transgressé assez rapidement." "Ses frères et sœur l'ont rendue responsable de leur départ de Saint-Sauveur à l'automne 1891", abonde Frédéric Maget. "Juliette a renoué avec sa mère mais elle n'a jamais revu son frère et sa sœur. Elle occupe une place très particulière dans la fratrie et dans le destin de Colette."
Une tombe en déshérence
Place si particulière que Juliette repose donc à Charny et non à Châtillon-Corbigny avec le reste de la famille... ce qui complique les choses. La Société avait en effet déjà entrepris un travail de restauration de la sépulture familiale en 2012, pour le centenaire de la mort de la mère de Colette.
"Là, toutes nos démarches prennent beaucoup plus de temps qu'elles n'ont pris pour Sido", avoue Frédéric Maget. "Pour intervenir dans l'entretien de cette tombe, nous avons besoin de l'autorisation des ayants droit. On savait qui ils étaient mais on a appris au cours des démarches qu'ils étaient morts, sans descendance." Or, seuls les ayants droits ou descendants peuvent intervenir sur l'entretien du monument.
La procédure de reprise de la concession se fait de concert avec la mairie de Charny et est en bonne voie, selon le président des amis de Colette. "Il y a quinze jours, nous avons eu la personne en charge du dossier. Elle nous a envoyé le formulaire pour que nous puissions reprendre la concession. Maintenant, l'administration doit en vérifier les modalités."
Dans l'hypothèse où l'association obtient gain de cause et où les travaux se déroulent sans anicroche, la tombe restaurée pourrait être présentée en 2024.