Témoignage. Le combat de Valérie, mère isolée, pour toucher sa pension alimentaire

Un nouveau système est expérimenté depuis octobre 2020 pour les parents séparés confrontés à des problèmes de pensions alimentaires impayées. Il est élargi depuis le 1er janvier. Ce dispositif s'attaque à un phénomène de grande ampleur qui touche près de 350 000 parents en France.

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La réforme est entrée en vigueur au 1er janvier 2021 et elle doit mettre fin aux impayés qui concernent une pension alimentaire sur trois : un couple séparé peut désormais confier la gestion du versement de la pension à la Caisse d'allocations familiales ou la MSA, qui assure un minimum garanti de 116 euros par mois et par enfant.

Ce phénomène des impayés de pensions alimentaires touche environ 350 000 parents séparés en France et notamment les familles monoparentales. Dans 85 % des cas, ce sont des femmes seules avec enfant. 

C'est le cas de Valérie. Cette mère de famille, âgée de 48 ans, vit seule à Sens avec ses trois filles depuis 2012. Séparée depuis 2006, et divorcée depuis 2008, son mari ne donne plus signe de vie depuis deux ans. Valérie et ses filles n'ont plus de lien avec lui. "Le père a disparu et on n’a plus de nouvelles depuis deux ans. Mes filles n’ont plus de nouvelles de lui."

Je lui ai versé une pension alimentaire pendant un an mais depuis que j'ai récupéré la garde de mes filles, il n'a jamais rien donné. Je trouve ça injuste."

Valérie, mère isolée de 3 enfants.

Une situation délicate pour la mère de famille qui doit prendre en charge la vie de ses filles d'autant plus que le père n'a jamais versé de pension alimentaire. "Il n'a jamais contribué. Il n’y a jamais eu de contribution de faite comme j’avais le soutien de l’allocation familiale. Il ne donnait rien."

Jusqu'à présent, les ex-conjoints qui ne recevaient pas la pension alimentaire pouvaient demander auprès de la Caf une allocation de soutien familale mais après une procédure assez lourde, surtout pour Valérie. "A chaque fois, tous les 3 mois, la CAF me demande une preuve comme quoi il y a une procédure juridique d’engagée pour la pension alimentaire." 

Actuellement en recherche d'emploi, Valérie touche le revenu de solidarité active (RSA) pour subvenir aux besoins de la famille. Et depuis 2012, elle touchait jusqu'en septembre dernier l'allocation de soutien familial de la part de la Caisse d'allocations familiales (CAF). "Par contre, depuis 2012, mon avocate me fournissait tous les trois mois une attestation pour que je puisse obtenir l’allocation de soutien familial de 115 euros par mois", souligne la mère de famille. "

Une procédure lourde, l'obligation de passer par un représentant de justice connait parfois des ratés. 

Depuis septembre 2020, sans aucune explication, son avocate ne  lui fournit plus les attestations en question. La CAF a décidé de lui couper le versement de l'ASF. "On m'a donc supprimé le soutien familial et on m’a également diminué le RSA et je me retrouve avec la moitié de mes revenus", déplore Valérie. "Aujourd'hui, je ne vous cache pas que c'est compliqué. Je vais à la Croix-rouge et je vais demander d’aller aux restos du coeur car je me retrouve avec beaucoup moins."

Elle espère donc aujourd'hui qu'avec la nouvelle réforme mise en place par le gouvernement, elle puisse récupérer le versement de l'allocation. "Ce que j'espère, c'est récupérer le soutien familial jusqu'à la majorité de mes filles. Je ne demande que ça."

Un nouveau service public des pensions 

Pour cela, elle compte tirer profit du "nouveau service public" des pensions alimentaires mis en place par le gouvernement. Emmanuel Macron s'est engagé à lutter contre les impayés. Avec ce nouveau système, inspiré du modèle québécois, il est désormais possible que la CAF (ou la MSA pour les agriculteurs) se charge de la perception et du versement de la pension alimentaire et ce, jusqu’aux 18 ans de l’enfant, sans qu’il soit nécessaire de renouveler la demande.

Cette intermédiation peut être mise en place à la demande d’un seul parent, sans l’accord du deuxième, sur simple présentation d’un jugement de divorce ou du titre exécutoire indiquant le montant de la pension alimentaire.

Depuis le lancement de l'expriemtnation près  de 10 000 personnes ont déjà pu en bénéficier. 

 

Ce nouveau dispositif mis en place par le gouvernement est censé faciliter les procédures. C'est ce qu'espère en tout cas Noémie Charpy. Pour cette conseillère juridique au Centre d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles de l'Yonne (Cdiff), "la réforme promet de simplifier les choses mais cela n'empêche pas qu'il faille un jugement. Et aujourd'hui, les délais sont assez long savant d'arriver à la Caf.

"Je ne pas sûr que ce soit la révolution car c'est quelque chose qui existe déjà" en faisant référence à l'Agence de recouvrement et d' intermédiation des pensions alimentaires (Aripa) , mis en place en 2017. "Le nouveau dispositif est censé alléger les procédures pour les femmes en n'ayant pas besoin de l'avis de la personne en face mais ce n'était jamais le cas et ce ne le sera jamais." 

Pour elle, l'intérêt de cette nouvelle mesure permettrait surtout d'éviter des désaccords entre les parents séparés. "Les deux parents peuvent décider de passer par la Caf comme intermédiaire. Cela permet de faciliter les échanges qui souvent compliquent les choses. Donc on peut quand même se féliciter que certains choses soient prises en compte." 

Une garantie en cas de disparition du parent

En cas de défaut de paiement, la CAF se charge de procéder au recouvrement de la somme et verse en attendant au parent bénéficiaire l’allocation de soutien familial, d’un montant de 116 euros mensuels. Le montant moyen des pensions alimentaires s’élève à 170 euros par enfant et par mois.

L'objectif du gouvernement est de supprimer environ 100 000 impayés par an dans les prochaines années. Seul bémol, l’exécutif bute encore sur le recouvrement des pensions alimentaires quand le parent est à l’étranger. "Quand ils partent à l'étranger, là, la Caf ne pourra plus rien faire. Ce qui arrive régulièrement", déplore Noémie Charpy. "On le voit plusieurs fois par an dans l'Yonne".  

La juriste rappelle que le non recouvrement est une infraction pénale. "On dit aux femmes qu'au bout de deux fois où elles n'ont pas touché de pension alimentaire, elles peuvent déposer plainte. Mais dernièrement j'ai appris que les plaintes pour non-versement des pensions alimentaires quand il y a une prise en charge par la caf sont classées sans suite." 

Si elle reconnait des améliorations avec cette réforme, elle craint qu'en pratique, il reste un certain nombre de démarches à réaliser, certes facilitées mais qui restent lourdes. J'espère que les services de la Caf et de la Msa auront les moyens de suivre tous les dossiers." 

Ce dispositif, dont le coût est estimé à 85 millions d’euros en 2021 puis à 122 millions par an à partir de l’année suivante.

Un travail de sensibilisation et d’information des professionnels concernés (personnels des CAF, magistrats, greffiers, notaires, avocats) est en cours pour faire connaître la réforme, affirme l’Elysée. 

 

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