La maire d'Avallon (Yonne), Jamilah Habsaoui, a présidé lundi soir le conseil municipal pour la première fois depuis sa mise en examen dans une affaire de trafic de stupéfiants, en avril 2024. Elle a ouvert la séance par une déclaration, tandis que l'opposition a déploré que "le spectacle continu[ait]".
Dans une courte vidéo publiée sur les réseaux sociaux, elle était sortie du silence vendredi dernier pour s'adresser aux habitants d'Avallon (Yonne), et au-delà. Ce lundi 14 octobre, Jamilah Habsaoui a participé à son premier conseil municipal depuis le début de l'affaire qui l'a vue être mise en examen, et placée en détention provisoire pendant plus d'un mois.
Sa déclaration
Des applaudissements ont salué l'entrée de la maire dans la salle du conseil municipal. Voici ce que Jamilah Habsaoui a déclaré en ouverture de la séance, à 19h30.
"Mes chers collègues. Je salue le public et les journalistes pour leur présence. Avant de passer à l'ordre du jour, je voudrais faire une déclaration."
"Je n’évoquerai pas l’affaire en cours. Si je reprends ma fonction d’élue, c’est en toute conscience et en toute connaissance de cause. Je m’étais mise en retrait du poste de maire d’Avallon, mais je suis restée informée de l’avancée des projets. Je remercie mon équipe et les agents de la ville d’avoir assuré les affaires courantes."
"Les travaux de rénovation du centre-ville vont bientôt se terminer, et c’est une réussite. L’année 2025 sera riche en projets, mais nous aurons l’occasion d’en débattre lors du conseil municipal sur le budget. Dans un contexte national tendu, nous ferons preuve de rigueur et de responsabilité, comme nous l’avons toujours fait."
L'opposition vent debout
Quelques minutes après cette prise de parole, la conseillère municipale d'opposition Sonia Patouret s'est exprimée lors d'une intervention musclée. "Le spectacle continue. On applaudit comme si de rien n'était, mais nous sommes à Avallon dans une situation curieuse et inédite." Elle a ensuite évoqué le fond de cette affaire, estimant qu'elle mettait les Avallonnais dans une situation "délicate."
"On a entaché la ville, on s'est moqué des Avallonnais et de leurs politiques. Partout où je vais, dès que j'indique que je suis élue dans le canton d'Avallon, cela fait évidemment sourire. Ce n'est pas très plaisant," ajoute-t-elle, avant de rappeler que personne ne sait quels seront les résultats de l'enquête et "ce que jugera la justice."
Elle a terminé son intervention en accusant l'édile. "En revenant, vous faites passer votre ambition personnelle avant le bien de la communauté. Avallon ne vous a pas choisi, Avallon vous subit depuis quelque temps. C'est la justice qui tranchera."
Un public partagé
Une quarantaine d'Avallonnais ont assisté à ce conseil municipal. Certains sont venus soutenir Jamilah Habsaoui. Un homme, croisé à la sortie, explique "qu'il a toujours confiance en la maire," avant d'estimer "qu'il n'a aucun doute que, d'ici la fin de l'année, cette affaire sera réglée." D'autres, en revanche, semblent plus partagés sur son retour.
Une commerçante estime qu'il y a "des éléments qui l'interpellent dans ce dossier. Certains de manière positive, d'autres de manière négative. Mais j'attends une maire qui s'occupe de la ville et là, je suis un peu perturbée." Auparavant, cette habitante d'Avallon avait confiance en Jamilah Habsaoui. Depuis ce qu'il s'est passé, elle "ne sait pas" si ce sera toujours le cas.
Une affaire hors norme
Tout débute en avril 2024. Des opérations "Place nette XXL" sont organisées dans toute la France. Le 7 avril, l'une d'entre elles a lieu à Avallon (Yonne). Des policiers perquisitionnent le domicile familial de Jamilah Habsaoui, la maire de la ville, et de ses deux frères, Rachid et Benaïssa. Les enquêteurs vont alors faire plusieurs découvertes.
Dans le cabanon du jardin, ils trouvent 70 kilos de résine de cannabis conditionnés en "savonnettes". Un kilo de cocaïne est stocké au sous-sol, dans un coffre-fort. Jamilah Habsaoui et six autres personnes sont alors interpellées. La maire d'Avallon est mise en examen et incarcérée pour trafic et détention de stupéfiants.
Dans un premier temps, plusieurs médias annoncent que d'autres découvertes ont été faites à son domicile. Mais, comme nous vous l'avons révélé, les 20 lingots d'or (après analyse, seuls deux seront vrais) sont perquisitionnés au domicile de l'un des frères de Jamilah Habsaoui. De même, l'argent liquide, plus de 7 000 euros, ne se trouve pas chez l'édile.
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Depuis le début de cette affaire, la maire d'Avallon clame son innocence. Ses frères également. Me César Lauwerie, l'avocat de Rachid Habsaoui, avait déclaré le 12 avril dernier : "Il dit qu'il a servi de nourrice dans le cadre d'un trafic de stupéfiants, dont il n'est pas le chef de réseau. Les stupéfiants étaient conservés à l'insu et sans le consentement de sa sœur. Mon client la met hors de cause."
Le 14 mai, soit six semaines après le début de sa détention, la maire d'Avallon sort de prison sous contrôle judiciaire. Elle a interdiction de paraître dans le département. Cependant, le 30 septembre dernier, cette interdiction est assouplie, ce qui lui permet de revenir à Avallon, mais aussi de reprendre ses fonctions en tant que maire de la ville.
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Les grandes dates de l'affaire
- 7 avril : Jamilah Habsaoui et six autres personnes, dont ses deux frères, sont arrêtées.
- 10 avril : Après 72 heures de garde à vue, la maire d'Avallon est mise en examen pour trafic et détention de stupéfiants et placée en détention provisoire.
- 23 avril : La demande de remise en liberté de Jamilah Habsaoui est rejetée.
- 25 avril : Benaïssa Habsaoui, l'un des frères de l'édile, obtient sa libération. Il reste sous contrôle judiciaire et a interdiction de séjourner chez lui, à Étaule, un village situé à 3,5 kilomètres d'Avallon.
- 7 mai : Jamilah Habsaoui s'exprime pour la première fois via un communiqué transmis par ses avocats : "J'ai confiance en la justice", dit-elle.
- 13 mai : Premier conseil municipal d'Avallon depuis la mise en examen de Jamilah Habsaoui. La maire se "met en retrait" de ses fonctions mais ne démissionne pas.
- 14 mai : Après six semaines de détention, Jamilah Habsaoui sort de prison. Elle est placée sous contrôle judiciaire, avec interdiction de paraître dans l'Yonne. Selon son avocat, Me Florian Grigis, elle se sent "soulagée, très soulagée".
- 30 septembre : Le contrôle judiciaire de Jamilah Habsaoui est assoupli. Elle a l'autorisation de revenir dans l'Yonne.