Ce mercredi 9 décembre, un nouveau monstre sacré de la haute cuisine vient de tirer sa révérence : Marc Meneau est décédé à l’âge de 77 ans. Il a été le chef cuisinier du restaurant L'Espérance de Saint-Père, dans l'Yonne, en Bourgogne. De nombreux chefs et politiques lui rendent hommage.
Marc Meneau, le chef autodidacte, triplement étoilé, s'est éteint ce matin à l'âge de 77 ans. Son décès a été révélé par l'un de nos confrères, le journaliste indépendant d'Auxerre TV Pierre-Jules Gaye ce matin.
Une information confirmée ce matin par le maire de Saint-Père-sous-Vézelay, Christian Guyot. "Marc Meneau est décédé et nous en sommes navrés et bien tristes", a déclaré le maire. "J'ai reçu la nouvelle comme chacun ici avec consternation parce que c'est un homme qui a marqué la vie du village. Il a connu les plus grands moments mais aussi des difficultés. Et je ne peux être qu'admiratif devant son parcours et devant son courage surtout dans les derniers instants."
Un enfant du pays
Selon Christian Guyot, "Marc Meneau a marqué l'histoire de Saint-Père et elle restera gravée cette histoire bien entendue car c'est un enfant du pays".
C'était un ami, un ami très proche et très cher. C'était aussi l'un des plus grands cuisiniers français.
L'ancien maire d'Auxerre, député et ministre, Jean-Pierre Soisson, a accepté de nous livrer son sentiment concernant la disparition du chef cuisinier. "C'était un ami, un ami très proche et très cher. C'était aussi l'un des plus grands cuisiniers français."
L'ancien homme politique nous raconte quelques souvenirs marquants notamment "les déjeuners magnifiques à Saint-Père-sous-Vézelay, d'y avoir accueilli avec lui l'ancien président de la république François Mitterrand et d'y avoir célébré les 80 ans du président de l'AJ Auxerre. Il a rythmé toute ma vie de moments heureux."
Jean-Pierre Soisson l'avait revu il y a peu de temps à l'hôpital d'Auxerre. "Il me paraissait aller mieux. C'était un grand croyant donc j'espère que le seigneur va l'acceuillir à la place qu'il mérite."
C'est une étoile qui s'éteint."
La veille de sa mort, le député de l'Yonne, André Villiers s'était rendu au chevet de Marc Meneau, hospitalisé à la polyclinique d'Auxerre. "J'ai découvert un homme au bout du rouleau mais complètement conscient." Les deux hommes très proches, se sont échangés quelques mots. "Il y avait des livres sur sa table. Je lui ai demandé s'il lisait. Il m'a dit oui une page à la fois."
Le député raconte qu'un court instant, le chef cuisinier a levé les yeux et lui a dit, "je rêve d'un saucission brioché. C'est le résumé de sa vie l'attachement à son métier. C'est une étoile qui s'éteint."
Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat au tourisme, a tenu à lui rendre hommage sur les réseaux sociaux. "Tes étoiles illumineront à jamais l’Yonne et ce Vézelien à qui tu as tant apporté. Nul doute que tu continueras à inspirer les chefs et la gastronomie. Respect l’artiste."
Pour Jean-Michel Lorain, grand chef étoilé du retaurant la Côte Saint- Jacques à Joigny, a "l'impression de l'avoir toujours connu. Il est plus de la génération des mes parents et ils ont participé ensemble à tellement de choses qu'il a fait un peu parti de la fmaille."
Selon le chef étoilé, "c'était quelqu'un de très inspirant pour beaucoup de chefs. Ce n'est pas quelqu'un qui est passé par les grandes cuisines qui n'a pas suivi un chemin traditionnel et qui s'est fait tout seul. Il est doublement méritant pour ça.
Jean-Michel Lorain tient également à adresser une pensée à sa femme. "Et il ne faut pas oublier Françoise, à qui j'adresse mes pensées. Il ont réussi tous les deux à force de courage. Pour aller développer un restaurant comme ça dans un petit village comme Saint-Père au coeur du Morvan, il fallait avoir du talent."
Pour l'Elysée, "la gastronomie, la Bourgogne et la France perdent aujourd’hui un de leurs meilleurs ambassadeurs et les chefs français sont nombreux à lui tirer leur toque". Emmanuel Macron a présenté ses condoléances "à sa famille et ses proches, à tous ceux que sa cuisine avait réjouis et inspirés".
Un chef autodidacte
Marc Meneau est né le 16 mars 1944 à Saint-Père-sous-Vezelay. Son père était le bourrelier du village, sa mère tenait le bistrot restaurant- épicerie. Après ses études secondaires, il entre à l’Ecole Hôtelière de Strasbourg en 1961. Il ne pense pas encore à la cuisine car il choisit l’option gestion.
Après son mariage avec Françoise en 1966, il reprend le bistrot des parents de celle-ci à Saint-Père. Puis en 1969, ils transforment la vieille maison familiale en restaurant. Des travaux d’embellissement entrepris chaque année ont fait du bistrot familial une des plus belles maisons de France, l’Esperance.
Serge Gainsbourg et le musicien Mstislav Rostropovitch y avaient leur rond de serviette. Outre François Mitterand et Helmut Kohl en octobre 1988, le président des Etats-Unis Richard Nixon et le chancelier Brandt seront également venus manger à la table de Meneau.
Trois étoiles au guide Michelin
Le restaurant L'Espérance a été distingué par le guide Michelin entre 1984 et 1999, puis de 2004 à 2007. En 1983, Il est élu "Meilleur Cuisinier Français de l'Année" et obtient 3 étoiles au Guide Michelin, ainsi que 19/20 au Gault et Millau. En 1999, il perd sa troisième étoile Michelin mais conserve 19/20 au Gault et Millau.
En 2004, Marc Meneau retrouve finalement son étoile perdue. "C'est un soulagement. c'est 5 ans de purgatoire et rattrapé une étoile, c'est beaucoup plus dure que de l'acquérir", déclare à l'époque le chef cuisinier.
Outre son talent aux fourneaux, Marc Meneau, inventeur du cromesquis de foie gras et de l'huître en gelée d'eau de mer, a publié plusieurs livres de cuisine et a travaillé comme consultant culinaire sur plusieurs films, notamment Marie-Antoinette de Sofia Coppola.
Il a été nommé chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres, puis chevalier de l'ordre national du Mérite, et enfin chevalier de la légion d'honneur en 1998.
Les années noires
En parallèle de l'Espérance, Marc Meneau investit dans plusieurs projets, plusieurs établissements. Mais en 2007, les dettes se sont accumulées. Sa société est placée en liquidation judiciaire. Dans la foulée, il renonce aux étoiles mais ne renonce pas à la cuisine.
En 2008, L’Espérance figure à nouveau dans le guide Michelin, avec ses 2 étoiles. En 2010, Marc Meneau plante son propre potager, certifié bio, au sein même du parc de l’Espérance.
Mais la fougue ne suffit pas. Les ennuis financiers ne le lâchent pas. En 2015, il vend l'auberge de l'Espérance. C'est la fin d'une carrière, d'une passion et d'une grande histoire d'amour entre le cuisinier et Vézelay.