Les salariés n'avaient déjà plus d'espoir. Le tribunal de commerce de Bobigny a placé en liquidation judiciaire le transporteur MoryGlobal, ce mardi 31 mars. 2 150 salariés devraient bientôt être licenciés pour motifs économiques, dont les 51 du site de Longvic, en grève depuis 3 semaines.
La justice a donc placé en liquidation judiciaire le transporteur MoryGlobal (ex-Mory Ducros). Résultat : 2 150 salariés devraient bientôt être licenciés pour motifs économiques.L'activité du groupe va toutefois se poursuivre jusqu'au 30 avril. L'administrateur judiciaire a été chargé de "mener à bien les consultations avec les organisations syndicales" et de "procéder aux licenciements des salariés" de l'entreprise, fondée en 2014 sur les cendres de Mory Ducros, ancien numéro deux français de la messagerie, a précisé le tribunal.
Depuis 3 semaines, les salariés de MoryGlobal étaient en grève et bloquaient le site de Longvic. La plupart des 51 salariés du site côte-d'orien ont passé 25 ans ici, une histoire qui s'achève donc brutalement.
Reportage de Christophe Tarrisse et Jean-Louis Saintain, avec les interviews de :
- Patrick Balmain, délégué CGT
- Michel Dellamartir, salarié MoryGlobal
La justice examinait mardi la demande de liquidation de MoryGlobal (ex-Mory Ducros), lors d'une audience sans grand suspense en l'absence de projet de reprise pour le transporteur aux 2.150 salariés, bientôt licenciés pour motifs économiques. Une audience à huis clos était prévue à 14h30 au tribunal de commerce de Bobigny (Seine-Saint-Denis), lequel avait placé la société en redressement le 10 février dernier. La liquidation a été prononcée dans la foulée, pour cette société ayant subi en 2014 une perte nette de 43 millions d'euros. Les contrats de travail seront rompus sous 21 jours, comme la loi le prévoit dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).
Résignés depuis le retrait de la principale offre de reprise, qui concernait seulement 141 personnes, les salariés n'attendaient "pas grand chose" de la justice commerciale, "parce qu'on va être liquidé, on le sait depuis longtemps", soupire Michel Ariba (FO). "Tout est déjà prêt, il n'y a plus qu'à appuyer sur le bouton" et le couperet tombera sur les 2.150 employés, "roulés dans la farine" par Arcole Industries, l'actuel actionnaire et ancien propriétaire de Mory Ducros, ajoute-t-il. En 2014, la faillite du numéro deux français du transport routier de colis avait mis près de 2.900 personnes au chômage, constituant ainsi l'une des plus lourdes socialement depuis celle de Moulinex en 2001. Les salariés réclament un PSE au moins équivalent à celui de Mory Ducros, quand l'actionnaire avait accordé aux licenciés une enveloppe de 30 millions d'euros en plus du minimum légal.
Valls "pleinement conscient" du drame
Pour l'heure, Arcole Industries est aux abonnés absents, critiquent les syndicats. Selon eux, seuls 3 millions d'euros seraient prévus pour les mesures d'accompagnement (congés de reclassement, budget formation, etc.), et rien pour les indemnités supplémentaires de licenciement, dites "supra-légales".
Le 26 mars, l'Etat a sommé Arcole "d'assumer ses responsabilités d'actionnaire et de contribuer au financement du PSE", accusant le groupe de ne pas avoir "redressé l'entreprise, en dépit du soutien sans précédent apporté par les pouvoirs publics".
Mardi matin, le Premier ministre Manuel Valls s'est dit "pleinement conscient de ce drame que vivent les salariés". "On voit bien qu'on est au bout de quelque chose mais il faut trouver une solution pour chacun des salariés, et au niveau de rémunération auquel ils sont", a-t-il insisté. Le gouvernement "travaille sur un plan de reconversion des sites et surtout pour trouver des possibilités d'embauche dans le secteur, par exemple des cars", a ajouté Manuel Valls. Les syndicats seront à nouveau reçus jeudi à 17 heures au ministère des Transports. En février 2014, l'Etat avait accordé à la société un prêt de 17,5 millions d'euros, au titre du Fonds de développement économique et social (FDES), une aide publique qui fait l'objet d'une enquête de la Commission européenne. Dans un jugement d'une rare sévérité, dont l'AFP a obtenu copie, le tribunal de commerce de Pontoise a constaté un an plus tard que "l'actionnaire principal a semblé se désintéresser du projet de restructuration de la société MoryGlobal et de sa pérennité".
Pire, il "s'est lui-même mis en difficulté" en prélevant 7,5 millions d'euros de la trésorerie de MoryGlobal pour financer le PSE de Mory Ducros, s'étonnent les juges, évoquant un "acte de gestion anormal". Les syndicats exigent que la vente des actifs du groupe (agences, marchandises stockées, véhicules, etc.) serve en priorité au financement du plan social. Mardi, des salariés de Rennes, Nantes, Lorient et Angers ont effectué dans la matinée une "opération escargot" sur le périphérique de Nantes, à bord d'une trentaine de camions, a indiqué à l'AFP Stéphane Bouinier, délégué du personnel à Rennes.
Sur leurs véhicules, les chauffeurs avaient apposé des calicots où étaient dessinées des croix noires, symbolisant les licenciements, ou réclamant une indemnité de licenciement supra-légale.