Deux ex-dirigeants du Crédit Agricole de l'Yonne et deux responsables d'une société immobilière, Eurocef, réclament plus de 18 millions d'euros de dommages à la banque et à l'Etat pour une procédure qu'ils estiment abusive et trop longue.
C’est quoi l'affaire du "milliard de francs disparu du Crédit Agricole de l'Yonne" ?
L'affaire remonte à 1993, quand une nouvelle direction de la Caisse nationale du crédit agricole (CNCA) découvre "une situation catastrophique" dans la caisse régionale de l'Yonne, en raison de diversifications dans la construction d'immobilier défiscalisé en outremer, notamment un programme de 700 logements à Cayenne, en partenariat exclusif avec Eurocef.
Une plainte est déposée à Auxerre en mai 1994 dans le cadre de ce qui deviendra dans les médias l'affaire du "milliard (de francs à l'époque, soit 150 millions d'euros) disparu du Crédit Agricole de l'Yonne".
Plusieurs mis en examen ont effectué de la détention provisoire dans ce dossier qui a fini par être dépaysé à Paris en 2002. L’affaire a débouché sur une relaxe quasi-générale des chefs principaux, qui a été confirmée en appel. Seul un des prévenus a été condamné à trois mois avec sursis dans un volet annexe.
Patrice Bourbier, ancien directeur général du Crédit Agricole de l'Yonne, Pierre Bérengier, fondé de pouvoirs, Jean-Philippe Lehmann, fondateur d'Eurocef et Olivier Campredon, gérant de la société avaient été déboutés en première instance de leurs demandes de dommages.
"Le procès d'un procès"
Que demandent les plaignants qui font appel ?
Leurs avocats ont plaidé mercredi 1er juillet 2015 devant la cour d'appel de Paris. Ils dénoncent "le procès d'un procès", car le dossier a connu "des dysfonctionnements majeurs", selon Me Johann Bioche, avocat de Patrice Bourbier.
"Le Crédit Agricole a été le meneur" de l'instruction, a dénoncé Me Olivier Pardo pour Pierre Bérengier. De son côté, Me Alain Thuault pour Jean-Philippe Lehmann dénonçait un premier juge d'instruction ayant "abandonné les commandes de son dossier à la partie civile", avec selon l'avocat "pas moins de 80 interventions de la partie civile en quatre ans".
Et tous les avocats de citer en exemple une liste de questions adressée par fax par la banque aux experts... avant même leur saisine officielle par le magistrat instructeur.
"Vingt ans c'est trop" a fustigé Me Thuault en évoquant les "ravages" de la procédure sur les accusés depuis blanchis.
En face les avocats de la banque ont dénoncé les dérives d'une direction régionale qui "n'avait aucune compétence pour conclure des accords avec une société marseillaise concernant des produits immobiliers outremer". "Le Crédit Agricole pouvait-il ne rien faire, ne pas suspecter (des actes délictueux) au vu de ces dysfonctionnements, de ces pertes", demande Me Ludovic Malgrain.
L'avocat demande à la cour de confirmer le rejet des demandes, tout comme l'agent judiciaire du Trésor, représentant l'Etat. La décision est attendue le 20 octobre 2015.