Bretagne : ils révolutionnent le business de l’algue

Et si l’algue brune, verte ou rouge devenait le nouvel or vert du XXI siècle ? Et si dans cette course à l’innovation pour limiter l’impact des énergies fossiles, la Bretagne, le Finistère plus particulièrement, était le nouvel eldorado de cette ressource d'avenir ?

Elle est récoltée depuis plusieurs générations et a longtemps servi d’engrais pour fertiliser les terres agricoles. Mais depuis quelques années, des biologistes, des industriels, des transformateurs et des cuisiniers bretons s’intéressent à l’algue sous toutes ses formes ! Dans le Finistère, a Portsall, à Lanildut et à Lesconil, 4 jeunes ont fait le pari d’investir au pays des algues…

Julien Racault et ses « légumes de mer »

À tout juste 30 ans, ce jeune entrepreneur commercialise sous toutes les couleurs et sous tous les goûts sa production d’algues sur les marchés mais également dans les magasins bio et sur internet.

Des algues déshydratées, brutes ou cuisinées et assaisonnées… Il y en a pour tous les goûts !

Originaire de Portsall, il ignorait qu’il allait faire de ses plages favorites, celles de sa région natale, son lieu de travail. Ces longues plages de sable blanc deviennent à marée basse son jardin potager car c’est là qu’il ramasse avec d’extrêmes précautions, les algues de rives.

Tout est bon dans le goémon breton

Sur les plages bretonnes, dans les fonds sous-marins on dénombre pas moins de 600 espèces différentes d’algues (et près de 25 000 dans le monde) mais celles que ramasse Julien, sont les algues alimentaires : la dulse, la laitue de mer, le Kombu royal et le wakamé.
Sa passion pour les algues, il l’a découverte en Afrique pendant ses études et c’est de retour sur sa terre natale qu’il s’est décidé il y a 5 ans, à cueillir l’algue bretonne pour la valoriser.
Dans ce qui fut la poissonnerie  famililale, à proximité immédiate des plages de Portsall, Landunvez et Saint Pabu,  il a crée sa petite entreprise, Algomanne. C’est là, avec une partie de sa famille, qu’il sèche et prépare ses algues...

Privilégier la qualité à la quantité

Julien pratique une récolte sélective et cherche à tous prix à protéger la ressource. Il n’arrache pas mais coupe les algues à l'aide de petits ciseaux, laisse les racines sur le rocher afin qu'elles puissent repousser.  Pour ce goémonier, aussi cuisinier et chef d’entreprise, travailler l’algue c’est "offrir aux consommateurs l’opportunité de varier son alimentation avec des saveurs océanes" mais aussi, avec des ressources nutritives riches en fibre, vitamines, protéines.
Sur les marchés, derrière son stand, il a convaincu les consommateurs de l’intérêt de cet aliment. Il a aujourd’hui du mal à répondre à la demande croissante.


Avec Julien Tanguy, le moissonneur de la mer

À Lanildut premier port goémonier d'Europe, la famille de Julien Tanguy décharge sa récolte : de grandes laminaires qu'ils ont retirées du fond de l'océan. Loin de l’artisanat et de la découpe aux ciseaux, les grandes algues sont destinées à l'industrie agroalimetnaire. Elles vont être séchées, broyées puis entièrement transformées pour en extraire une seule substance, l'alginat : un gélifiant végétal qui entre dans la composition de nombreux produits alimentaires.
On la retrouvera dans la composition de nos crèmes desserts, de nos dentifrices et autres produits de consommation. Les applications sont multiples !

La famille de Tanguy, comme une trentaine d'autres goemoniers, perpétuent la grande tradition de la récolte du goemon breton. Leurs bateaux, dont le port d'attache est à Lanildult, prennent la mer de mai à novembre chaque année juste avant l’arrivée des premières tempêtes d’hiver. Dans les eaux tempérées froides de la mer d'Iroise, sur le plateau rocheux de l 'archipel de Molène, les pêcheurs de laminaires ramassent à l'aide de scoubidous, de grands bras munis d'un crochet,  plusieurs dizaines de tonnes d’algues chaque année. Cette récolte réglementée est soumise à quotas. Une façon de préserver cette manne sous marine, réservoir d'une biodiversité exceptionnelle.

L’algue fait travailler des goémoniers depuis plusieurs générations

Lorsque leur engin plonge en mer, c’est pour remonter par paquets entiers ces grandes lianes marines. À entendre certains, l’arrachage de l’algue abîme les fonds. Julien Tanguy lui, assure que les fonds ne sont pas impactés par cette pêche industrielle.
5 jours sur 7, ils embarquent, seuls, parfois à deux, sur leurs petits navires pour se rendre sur les sites ouverts à la récolte de laminaires : tous situés autour de l’île de Molène en plein cœur de la mer d’Iroise, sur le plateau rocheux. L’algue qu’ils décrochent du fond de l’océan avec leur scoubidou (un grand bras articulé muni d’une grosse pince), c’est la Laminaria Digitata longue de parfois plus de 2 ou 3 mètres !

Elle pousse naturellement en plein coeur de la mer d’Iroise, le second plus grand champ d’algues d’Europe :
La recherche est en marche…
Cette manne bretonne, pourrait bientôt trouver d’autres applications. L’algue est en passe de devenir l’or vert des prochaines décennies. Une alternative écologique à la chimie mais aussi pour l’élevage, l’agriculture : aujourd’hui une entreprise bretonne produit un aliment à base d’algue, un substitut au soja destiné au bétail.
Elle est aussi devenue un engrais pour l’agriculture et vient remplacer les produits chimiques dans nos champs. Côté santé, l’université de Nantes cherche à développer des applications plus thérapeutiques : anti dépresseur, anti-inflammatoire.


À Lesconil dans la nurserie de Pierre et Timothée...

Pierre Brasseur et Timothée Serraz, deux amis d’enfance, la trentaine, ont décidé il y a deux ans, de cultiver les algues en pleine mer, dans un immense champ. 
150 hectares d’océan en concession, à proximité de Lesconil où ils font grandir puis récoltent deux variétés d’algues alimentaires : le kombu royal et la wakame... les deux algues les plus consommées dans le monde. 
L’expérience est unique en France. Situé à 3 miles des côtes, le champ apparaît à la surface de l’océan : à perte de vue, de petites bouées blanches alignées les unes derrière les autres sur plusieurs kilomètres.
Sous l’eau, un incroyable maillage de grandes aussières (cordages très épais utilisés pour amarrer les navires aux quais) et de petites garcettes (cordage plus fin) sur lesquelles s’accrochent, poussent et grandissent les algues, nourries par l'océan. Ces algues mises à l'eau en pleine mer et accrochées au cordages sont microscopiques et ont été élevées à terre dans la nurserie de l’entreprise.

Il faut pendant 6 mois se battre contre les éléments pour préserver sa récolte

Les tempêtes, les navires, les prédateurs marins… Ici pas de clôture, pas d’engrais, pas de tracteur pour la récolte ! Un simple petit bateau pour assurer une surveillance quotidienne du champ et une grande barge pour la récolte. Tout se fait à la force des bras : de l'ensemencement du champ en septembre jusqu'au ramassage des grandes laminaires, en hiver puis au printemps.

Si tout se passe bien, ils pourront récolter 100 tonnes d’algues qu’ils revendront partout en Europe…dans des restaurants étoilés mais aussi à des géants de l’agro-alimentaire. C'est un vrai défi que Pierre et Timothée tentent de relever : "faire pousser de l'algue en pleine mer, tient de la prouesse technique. En plein hiver, les coups de vent, les tempêtes peuvent tout simplement arracher l'ensemble de la structure et détruire la récolte".
 Les deux jeunes entrepreneurs ont racheté une nurserie d'algues dans laquelle ils font naître artificiellement des millions de bébé-algues, prêts à ensemencer leur gigantesque potager maritime.
Pour les deux algoculteurs, on ne serait qu’au tout début de la grande aventure de l’algue comestible :

Culturellement le consommateur européen est peu habitué à manger de l’algue. Il n’a pas facilement accès à ce produit

Leur ambition à long terme ? Développer et mettre sur le marché de nouveaux produits qui pourraient séduire un consommateur en quête de qualité et d’aliments sains. L’algue sera selon eux, l’aliment de demain, la protéine végétale qui pourrait remplacer la viande.

Pour satisfaire la demande toujours plus croissante en algues, l’évaluation de l’état de la ressource est capitale. Les champs d’algues du Finistère situés au cœur du parc marin d’Iroise (réserve de biosphère classée par l’UNESCO) sont largement exploités depuis des décennies. Aujourd’hui, une vingtaine de navires goémoniers y travaillent.
Scientifiques, naturalistes et pêcheurs-goémoniers se sont mis d’accord pour mettre en place des quotas : un tonnage à ne pas dépasser afin d’assurer une bonne gestion de la ressource.
La Bretagne est la première région d’Europe pour le ramassage d’algues mais face à la demande mondiale, la région anticipe déjà une possible surexploitation de la ressource. Elle a décidé, comme le Japon ou la Chine avant elle, de se lancer dans l’algo-culture. 
Le business de l'algue dans le monde est aujourd’hui estimé à 5 milliards de dollars.
Bretagne, le très florissant business des algues, un reportage d’Isabelle Billet à retrouver dimanche 23 février dès 16h15 sur France 3 et sur France.TV

Pour aller plus loin : 
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