L'observatoire national de la sécurité des médecins publie son rapport pour l'année 2018. 1126 agressions ont été recensées en France, un record. Jamais ce chiffre n'a été aussi élevé. En Bretagne, c'est dans les Côtes d'Armor qu'il y a eu le plus d'incidents.
1126 agressions en 2018. L'observatoire national de la sécurité des médecins fait l'état des lieux des incidents que vivent les médecins. Premier constat : ce chiffre n'a jamais été aussi élevé. La moyenne sur 15 ans s'élevait alors à 783 déclarations.
La Bretagne est concernée même si elle apparaît comme l'une des régions les moins touchées par le phénomène. Les chiffres s'affichent pourtant en hausse. En 2018, la région a connu 36 incidents, contre 27 en 2017. Les Côtes d'Armor représente le département où il y en a eu le plus, avec 15 agressions, suivi par l'Ille-et-Vilaine (8), le Morbihan (7) et le Finistère (6).
Les généralistes apparaissent comme les plus exposés. Parmi les spécialistes, ce sont les ophtalmologues les plus touchés, avec les dermatologues, les gynécologues, les psychiatres et médecins du travail. Les hommes sont autant concernés que les femmes. Le médecin lui-même est concerné mais aussi ses collaborateurs. Dans la majorité des cas, l'agresseur est un patient, ou un proche de celui-ci.
Pourquoi les médecins se font agresser ?
Les agressions sont le plus souvent verbales. Viennent ensuite le vol, le vandalisme et les agressions physiques.
Les motifs concernent d'abord des reproches liés à la prise en charge, le vol (les médecins se font dérober leurs ordonnanciers, leur tampon...), un refus de prescription, des falsifications de document et un temps d'attente jugé excessif. Baptiste Beaulieu, médecin généraliste, évoquait cette problématique dans une vidéo dans laquelle il explique l'attente.
Dans les salles d'attente, certains médecins affichent de plus en plus des messages à l'attention de leur patientèle sur la thématique des violences, les incitant à garder leur calme. C'est le cas chez ce médecin qui exerce en centre Bretagne, dans une commune de 2000 habitants. "Les plus à plaindre sont nos secrétaires." Il ajoute "Les agressions verbales sont nombreuses, plusieurs fois par jour" tout en compatissant car la désertification médicale pèse lourd "les patients sont écoeurés par ce qu'il se passe en milieu rural. La plupart ont perdu leur médecin et se font jeter car les cabinets ne prennent plus de nouveaux patients." Il mise sur le dialogue pour apaiser les tensions et n'a jamais vécu de violences.
Du côté de Loudéac, le message d'attente de la maison médicale invite carrément à ne pas hausser le ton avec les secrétaires.
Les agressions sont bien plus nombreuses que ça.
La parole ne se délie pas forcément alors que l'Ordre des médecins incite à déposer plainte systématiquement. Seuls 34 % des praticiens choisissent cette option, surtout si l'agression est physique. Le docteur Eric Henry installé dans le Morbihan et président de l'association SPS (soins aux professionels de santé) rappelle que les femmes qui s'installent peuvent devenir des proies. "Les débuts, c'est forcément les rencontres avec les pervers du quartier."
Lui a déjà vécu plus cas d'agressions physiques, dont une qui a fini au tribunal. "Deux hommes sont venus un jour au cabinet, ils voulaient être pris tout de suite. Ils ont stressé toute la salle d'attente. J'ai répond que ce ne serait pas possible. Cela s'est fini sur le parking où je me suis fait tabasser. Lorsque j'ai contacté les gendarmes, ils n'ont pas réagi." Au tribunal, c'est à lui qu'on reproche d'avoir levé le poing. Eric Henry ne cache pas son écoeurement et explique avoir reculé "face à cette agressivité permanente." "J'attends que ça passe. On finit par accepter d'être une victime.". Il ne déclare plus rien à l'ordre des médecins et aimerait que la sécurité des soignants soit davantage assurée et considérée. "On vous dit vous êtes médecin, qu'avec votre intelligence vous êtes capable de désamorcer une situation."