Bretagne : pourquoi la PAC pourrait mettre les agriculteurs bio "à poil" ?

Une trentaine d'agriculteurs bio bretons ont manifesté à Paris ce 2 juin avec plusieurs centaines de leurs collègues venus de toute la France. Ils protestent contre la nouvelle PAC qui pourrait les mettre "à poil". Elle risque de les amputer des deux tiers de leurs aides.

Julien Sauvée a fait le calcul : si le projet du ministre de l’agriculture passe, il va perdre les deux tiers de ses aides PAC. 132 euros par hectare et par an. Julien produit du porc bio sur paille, il élève 45 truies et leur suite sur 70 hectares de terre. Un élevage moyen breton." On va tous perdre, dit il, et perdre beaucoup."

"Il faut se souvenir de l’histoire, explique l'éleveur qui est aussi président de la Fédération Régionale des Agriculteurs Biologiques bretons, à l’origine, la  PAC, c’est une sorte de contrat social entre le citoyen-consommateur et l’agriculteur : le citoyen investit dans les productions agricoles en contrepartie d’un projet qui lui convient. Dans les années 60, le projet était très clair : nourrir la France. Mais aujourd’hui, on ne demande plus l’avis du citoyen. Est-ce qu’il souhaite vraiment investir dans une agriculture qui pollue les cours d’eau, dégrade l’air et favorise les algues vertes ? " Il est persuadé du contraire. 

 

Le 21 mai, le ministre de l’agriculture, Julien Denormandie a présenté son projet de Plan Stratégique National pour la PAC 2023-2027. "Il n’arrête pas de parler de verdissement, constate Julien Sauvée, mais dans les actes, il fait le contraire."

En 2014, lors de l’élaboration de la dernière PAC, il avait été décidé de verser une aide au maintien de l’agriculture biologique de 122 euros par hectare et par an à laquelle s’ajoutait un paiement vert de 80 euros par hectare et par an. Les agriculteurs bio bretons touchaient donc en moyenne 202 euros par hectare.

En 2017, l’état a soudain cessé de financer l’aide au maintien mais a autorisé les régions qui le souhaitaient à la distribuer. La Bretagne a continué à la verser.  

"30 000 euros de moins sur la ferme"

Désormais, l’aide au maintien à l’agriculture biologique serait remplacée par une aide de 70 euros/hectare/an pour tous les agriculteurs qui adoptent des méthodes plus respectueuses de l’environnement, comme les pratiques HVE pour Haute valeur environnementale.

"En gros, résume Julien, on prend l’enveloppe qui aidait l’agriculture biologique et on donne un peu à tout le monde. Mais ça n'est pas comme ça que ça marche, renchérit il, l’agriculture biologique n’a pas les mêmes rendements que l’agriculture conventionnelle."

"Aujourd’hui, avec la vente de notre lait, on ne fait pas tourner la boutique, on aimerait bien, mais ça ne suffit pas, ajoute Sébastien Baron, producteur laitier à Allaire, 132 euros de moins par hectare, ça fait 30 000 euros de moins sur la ferme. Un gros, gros trou !" 

"Le président parle souvent de paiement pour service environnemental rendu. La reconnaissance doit être proportionnelle à l’effort, renchérit -t-il. Et ce ne sera plus le cas."

 

HVE bidon ?

Haute valeur environnementale… on se moque de qui ?" demandent les éleveurs. "Raisonner les apports d’intrants et limiter les fuites", c’est écrit noir sur blanc dans la charte HVE. "Ca veut dire que tu peux traiter, mettre des OGM, elle est où la haute valeur ?" demande Sébastien. 

Il raconte l’histoire de Munich. Au début des années 2000, la municipalité a eu de gros soucis de qualité de l’eau. Elle a obligé les éleveurs à se convertir à l’agriculture biologique et leur a donné des aides pour compenser les baisses de production. "Cela leur a coûté 9 centimes d’euros par mètre cube, avant ça leur coutait 27 centimes du mètre cube pour dénitrifier l'eau. CQFD. Chaque hectare en bio contribue à protéger l’eau, la qualité de l’air, la biodiversité, et donc le climat. "

Certains agriculteurs, les plus petits notamment, vont perdre beaucoup. La Frab évoque le sort d’un couple de maraichers installé sur quelques hectares, ils vont perdre 86% de leurs aides.

"Car depuis le début, c’est comme ça, râle Sébastien, les aides sont données à l’hectare, plus on est gros, plus on touche ! Les petits n’ont souvent rien et n’auront pas plus ! Zéro moins zéro égal zéro !"

 

Sans aide, quel avenir pour le bio ?

"En 10 ans, le nombre de fermes bio en Bretagne a été multiplié par trois," se félicite Julien Sauvée. "Mais sans aide, l’avenir est incertain. Plus personne ne voudra se lancer alors que l’on était sur une belle dynamique." Avec 3 619 fermes bio en Bretagne au 1er janvier 2021. L’agriculture biologique représente 13,6% des exploitations dans la région.

Le projet du ministre de l'agriculture n’est pour l’instant qu’un projet. Il devra ensuite être soumis à la Commission européenne. Les agriculteurs bio espèrent donc qu'il sera corrigé. 

" Sinon, préviennent ils, il faudra sans doute oublier l'objectif 15% des surfaces en bio en 2022. Plus personne ne voudra croire vos salades. Parole d'agriculteur ! "

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