Le tribunal administratif de Rennes a suspendu mardi 12 novembre 2024 les arrêtés des maires de Saint-Quay-Perros, Pédernec et Châtelaudren-Plouagat (Côtes-d’Armor) qui avaient mis l'État en demeure de mettre en place un "plan d'urgence" pour l'accès à la santé.
Une fois de plus, le tribunal administratif de Rennes n'a pas donné raison à des maires costarmoricains, qui depuis des mois ont pris position pour la sauvegarde du système de santé et l'accès aux soins sur leurs territoires.
Déjà, le 13 septembre 2024, deux juges des référés du même tribunal avaient suspendu l'exécution de vingt-cinq arrêtés de maires des Côtes-d'Armor mettant en demeure l'État de mettre en place un plan d'urgence d'accès à la santé et des dotations pour les hôpitaux publics du département, sous astreinte financière de "1.000 € par jour de retard".
De nombreux élus avaient en effet pris, entre juin et août 2024, des arrêtés sommant l'État de mettre en place un "plan d'urgence d'accès aux soins" dans "les plus brefs délais" et de "doter les hôpitaux publics du département en personnels et en moyens". Certains d'entre eux n'avaient pas encore été contestés par le préfet.
Une procédure judiciaire symbolique "pour alerter"
Jeudi 7 novembre 2024, une nouvelle audience s'est donc tenue à Rennes pour examiner les arrêtés des maires de Saint-Quay-Perros, Pédernec et Châtelaudren-Plouagat.
Ces maires savaient très bien que cette procédure judiciaire lancée est très symbolique. Elle est surtout destinée alerter sur les difficultés d'accès au soin dans de nombreux territoires des Côtes-d'Armor, en particulier sur le taux de mortalité supérieur de 12 % à la moyenne nationale dans le Trégor et le Goëlo.
"Il semblerait que le tribunal se soit largement fait son opinion", avait d'ailleurs souligné le représentant de la préfecture à la juge des référés. "On ne peut pas se déjuger quelques semaines après", lui avait répondu la magistrate, à l'origine, avec sa collègue, de la première salve d'ordonnances intervenues en septembre.
L'avocat des communes s'en était, lui aussi, rapporté pour l'essentiel à ses écritures. "L'actuel préfet s'arrête, peut-être que son successeur comprendra mieux ce qu'est la médiation", espérait-il. "L'avantage de revenir quelques semaines après, c'est que rien n'a changé : aucune discussion ni concertation n'a été amorcée", avait-il ajouté.
"Il ressort que le préfet des Côtes-d’Armor s’oppose à la demande présentée par la commune défenderesse tendant à ce que le juge des référés ordonne une médiation", confirme encore une fois la juge des référés du tribunal administratif de Rennes le 12 novembre 2024.
Saint-Quay-Perros pourrait réclamer 150 000 € à l'État
L'avocat des communes s'était un peu plus longuement épanché sur la situation de Saint-Quay-Perros : l'arrêté du maire Olivier Houzet est semble-t-il passé entre les mailles du filet de la préfecture, et il est devenu juridiquement "définitif" le 6 août 2024.
"Mon arrêté municipal n'ayant pas été contesté pas la Préfecture dans le délai légal imparti, l'arrêté est devenu exécutoire et définitif et ne pouvait plus être suspendu", nous expliquait Olivier Houzet le 7 novembre à l'audience.
Cela signifie que depuis cette date, l'astreinte a commencé à courir et que l'État doit théoriquement 150.000 € à la commune. "Elle aurait pu émettre un titre", a rappelé son avocat, mais le maire, présent à l'audience, avait fait savoir qu'il n'en ferait rien. "Ce n'est pas le but", avait-il expliqué.
Olivier Houzet a toutefois mis en place "des cahiers de doléances" pour appeler les gens à "témoigner des difficultés" qu'ils subissaient. "Ils se remplissent, on les présentera au nouveau préfet à son arrivée, et on espère une méthode différente", avait-il déclaré lors de l'audience. "Les gens demandent à l'État d'assurer un accès effectif aux soins et leurs représentants se retrouvent au tribunal", avait soufflé le premier magistrat de la commune.
Mais sans surprise pour les trois autres communes, ce mardi 12 novembre 2024, la juge des référés a suspendu les trois arrêtés municipaux concernés. "Les maires (...) se sont fondés sur les pouvoirs de police administrative générale (...) pour édicter les arrêtés litigieux", a rappelé la magistrate. Toutefois, ces dispositions du code général des collectivités territoriales (CGCT) "ne sauraient permettre aux maires de prononcer une mise en demeure et une injonction sous astreinte à l’encontre de l’État tendant à ce que celui-ci prenne des mesures dans un sens déterminé relevant de sa seule compétence".
Comme les autres, ces arrêtés sont entachés "d'incompétence" juridique, explique-t-elle.