Il y a 10 ans, le 11 octobre 2013, l'abattoir Gad de Lampaul-Guimiliau était liquidé, laissant 889 salariés sur le carreau. Depuis, ces hommes et ces femmes ont dû changer de métier et de vie. A l'instar de Joëlle et Olivier qui racontent ce qu'ils sont devenus depuis la fermeture de l'usine.
Le 11 octobre 2013, la fermeture de l'abattoir Gad, situé à Lampaul-Guimiliau dans le Finistère, est prononcée. Sur ce site historique de l'entreprise, 889 postes sont supprimés.
Depuis, certains salariés en ont appelé à la justice. Ils ont fait valoir des licenciements abusifs pour pouvoir être indemnisés : sans succès.
Le souvenir de l'entreprise et de la solidarité qui s'y est créée reste vif pour ces anciens et anciennes de Gad. Le site, à l'abandon depuis l'annonce de la fin des activités, pourrait être repris. Une certitude : il n'y aura pas de nouvel abattoir, à cet endroit. Ils se sont résolus à devoir changer de vie, de travail, bien malgré eux.
10 ans tout juste après cette fermeture, subsiste une question : quel horizon pour ces ex-employés ? France 3 Bretagne a retrouvé deux d'entre eux : Joëlle, aujourd'hui gérante d'un restaurant à Bodilis, et Olivier, devenu agent hospitalier à Landivisiau.
Des expéditions de carcasses à la restauration
Au restaurant l'Hermine, à Bodilis, c'est l'heure du déjeuner. Joëlle, presque 61 ans, s'active, car son établissement est très rempli ce midi. Les commandes des clients s'enchaînent. "C'est tous les jours comme ça, tous les jours 70-80 couverts. C'est une petite affaire qui marche. J'espérais que ça marche bien, et je n'ai pas été déçue. Tout le monde se connaît et c'est une clientèle très sympa" confie-t-elle. Si elle se dit contente d'avoir changé de métier, Joëlle ne s'imaginait pas du tout être aux commandes d'un restaurant dix ans auparavant.
Les premières années chez Gad se passent bien. "J''ai été responsable des expéditions de carcasses, pendant 13 ans, relate-t-elle. Ensuite, responsable du quai expédition à la congélation, pendant quatre ans."
Plus tard, viennent quelques soupçons sur la santé financière de l'entreprise : "En 2011, quand on a senti les prémices de la catastrophe, j'avais créé mon entreprise de restauration à domicile. Si on avait continué chez Gad, je serais à la retraite. Et là, je ne vais pas arrêter, mais mettre la pédale douce et travailler à temps choisi."
Il y avait une ambiance, chez Gad. C'était une grande usine, mais c'était très familial
JoëlleEx-salariée Gad devenue restauratrice
Quand l'abattoir ferme ses portes, la surprise et la colère saisissent les salariés. Ils doivent alors se résoudre à trouver rapidement un travail. Gad, ils s'y plaisaient pourtant, ainsi que Joëlle le rappelle : "Il y avait une ambiance, il y avait du relationnel, dit-elle. C'était une grande usine, mais c'était très familial. J'ai eu de la chance de travailler essentiellement avec des hommes et le contact passait très bien."
Ce qu'elle regrette aujourd'hui, c'est la solidarité entre collègues qui existait chez Gad : "Ce sont des regrets parce qu'on a perdu énormément. On a perdu déjà les amis, les copains qui sont tous partis un peu dans leur direction, souligne Joëlle. J'espère que tout le monde s'en est bien sorti, même si on sait que c'est compliqué toujours pour beaucoup et que ça a été compliqué pour de nombreuses personnes."
De Gad à la fonction publique en hôpital
La difficulté, Olivier aussi l'a connue. Trouver un nouveau travail fut un peu compliqué pour cet homme qui est désormais aide-soignant dans un hôpital. Il reconnaît avoir eu toutefois un bon concours de circonstances. "J'avais déjà la qualification de sauveteur secouriste chez Gad, relève-t-il. Avec ma famille, on s'est dit qu'on me verrait bien soit ambulancier, soit soignant. J'avais une ex-belle-sœur, qui était soignante, qui m'a alors dit 'je t'emmène à un stage et puis on verra si ça te plaît ou pas'. Cela m'a plu, et je suis parti à temps."
La formation le mène d'abord à être ASH : agent hospitalier "simple, sans diplôme", comme il le rappelle lui-même. Il exerce alors à l'Ehpad de Landivisiau. En parallèle, l'homme commence à passer le concours de la fonction publique hospitalière.
Olivier ne l'obtient pas du premier coup et retourne alors à l'Ehpad en tant qu'aide-soignant. À la troisième tentative, il réussit le concours. L'ex-salarié de Gad retrouve le chemin des cours. "L'année d'école, ça n'a pas été très facile, on va dire, explique Olivier. À 45 ans, quand on a quitté l'école depuis des années... Mais bon, ça l'a fait. J'ai obtenu mon diplôme."
À présent titulaire de la fonction publique, il se dit "fier" de son parcours. "Ça me plaît, sourit-il, c’est enrichissant. Je travaille beaucoup avec les anciens. Après j'aurais pu travailler en hôpital, mais en fait je préférais travailler avec les anciens. Ils m'apportent plein de choses."
Retrouvailles avec les anciens de Gad le 4 novembre
Il admet éprouver parfois de la tristesse en pensant à son ancien travail à l'abattoir. "Ce n’est pas possible que ça soit arrêté comme ça, quoi. Ça me remue un peu les tripes, j'y pense encore. Quand ça a fermé, tout le monde s'est regroupé, on a été vachement soudés et c'était quelque chose" se souvient-il avec émotion.
On se dit qu’on travaille à vie. Et en fin de compte, en fait, il n'y a rien d'acquis
OlivierEx-salarié Gad devenu agent hospitalier
De ce changement non prévu, il en retient une leçon principale : "On se dit qu’on travaille à vie. Et en fin de compte, en fait, il n'y a rien d'acquis. Il faut trouver après quelque chose à faire derrière. Cela ne m'a pas pris longtemps, mais pour d'autres, c'est sûr que c'était plus dur."
Il a appris à s'adapter et se faire accepter de ses nouveaux collègues : "Apparemment, ils aiment bien travailler avec moi. On a une super équipe en plus. On est assez soudés aussi, parce qu'on est passés par le Covid, donc cet instant long a été un peu compliqué, mais on s’en est sortis."
Des nouveaux collègues avec qui il travaille depuis 9 ans, sans toutefois oublier ses camarades d'infortune. Le 4 novembre prochain, Olivier retrouvera Joëlle mais aussi des anciens de chez Gad près du site de ce qui fut autrefois un abattoir.