Le 11 octobre 2013, Gad annonçait sa fermeture. 10 ans plus tard, la cicatrice est toujours là

Le 11 octobre 2013, Olivier Le Bras prend la parole sur le parking de l'abattoir Gad, à Lampaul-Guimiliau dans le Finistère. Au milieu des palettes en feu, les salariés l'écoutent annoncer la fin de l'entreprise. Des cris, des larmes et presque aussitôt, des milliers de petites croix brandies dans le ciel du Finistère. Dix ans plus tard, les anciens des abattoirs restent partagés entre le traumatisme du plan social et la fierté d'avoir su rebondir.

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Virés, malgré des mois de lutte collective, les anciens des abattoirs Gad, à Lampaul-Guimiliau dans le Finistère, restent partagés, dix ans après, entre le traumatisme du plan social et la fierté d'avoir su rebondir.

Le 11 octobre 2013, à 17h15, la sentence tombe pour les dizaines d'ouvriers rassemblés sur le parking de Gad. Après des mois de mobilisation, le site historique de Lampaul est fermé et 889 postes supprimés (dont 64 à Saint-Nazaire).

Dans cette commune rurale de 2.000 habitants, entre Brest et Morlaix, c'est la fin d'une histoire industrielle commencée en 1956, avec la création par Louis Gad d'un modeste abattoir de porcs.

"Success story" bretonne, les établissements Gad s'étaient développés jusqu'à devenir le troisième abatteur porcin français (2,35 millions de porcs abattus par an), employant 1 562 personnes pour un chiffre d'affaires de 454,7 millions d'euros fin 2012.

A l'époque, la société est une institution régionale. "Une icône, le fleuron du bourg", se souvient Claudio Falsaberla, patron du bar-tabac local.

A tel point que, lorsque les nuages s'amoncellent au-dessus de la filière porcine bretonne, personne ne veut croire à sa fermeture. "Ça reste difficile à expliquer dix ans après", reconnaît Olivier Le Bras, 50 ans, ancien leader syndical FO.

Du jour au lendemain, près d'un millier de salariés se retrouvent sans emploi. Peu qualifiés (90% d'ouvriers), relativement âgés (44,2 ans en moyenne), leur profil est "plutôt défavorable à un retour rapide et durable à l'emploi", euphémise la Cour des Comptes, dans un rapport de juillet 2020.

Des salariés "pour beaucoup illettrés", osera même Emmanuel Macron, tout nouveau ministre de l'Économie, en septembre 2014, avant de s'excuser pour cette bourde. 

"Zombies"

 

"Au début, on les reconnaissait, les anciens de chez Gad: ils marchaient comme des zombies dans le bourg de Lampaul", se souvient Joëlle Crenn, 60 ans dont 17 chez Gad, encore marquée par les suicides qui ont suivi le plan de licenciement.

"On savait que c'était à cause de ça: ils avaient laissé des mots", précise-t-elle.

Beaucoup d'anciens évoquent aussi ces collègues qui ont enchaîné petits boulots, alcoolisme et divorce, avant de mourir prématurément.

"On n'oubliera jamais ce qu'il s'est passé", répète l'ancien maire divers droite Jean-Marc Puchois, qui y a perdu "un très bon copain".

Un "cataclysme hyper violent, dur à digérer", résume Pascale Moigne, 51 ans dont 21 chez Gad, dont le licenciement s'est accompagné d'un divorce et d'un déménagement, avec trois adolescents à charge.

"Ces actionnaires, ceux qui nous ont foutu dehors, ils se rendent compte de ce qu'ils ont fait comme malheur ?", interroge Joëlle Crenn.

Deux ans après leur licenciement, seuls 24% des ex-Gad avaient retrouvé un CDI, selon la Cour des Comptes.

 

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Le reportage de Séverine Breton ©France 3 Bretagne


"Merci à Gad"

 "Ce conflit m'a tellement fait mal que je ne voulais plus travailler: 18 ans à la chaîne pour être viré comme un malpropre...", maugrée Olivier Le Bras. "J'ai la chance d'avoir rebondi mais c'était pas garanti".

Ceux qui, comme lui, ont réussi à retrouver du travail, se réjouissent aujourd'hui d'avoir abandonné le labeur éprouvant des abattoirs. Et voient dans leur licenciement une opportunité personnelle au milieu d'un malheur collectif.

"Plus jamais ma vie d'avant", promet Olivier Le Bras, devenu agent de sûreté à l'aéroport de Brest et conseiller régional (divers gauche).

"Je dis merci à Gad", abonde Joëlle Crenn, dont le restaurant fait salle comble tous les midis. "Si Je n’avais pas été licenciée, j'y serais toujours: le statut de salarié est très confortable".

Embauchée par une coopérative légumière, Pascale Moigne en tire même une certaine fierté: "ça m'a permis de me dire que je suis capable de faire autre chose".

La région, dynamique économiquement, ne s'est d'ailleurs pas enfoncée dans le chômage. Toujours en friche dix ans après, le site de Gad doit être repris par une société de teillage de lin d'ici février 2025. 

Quelques anciens se retrouveront, eux, le 4 novembre autour d'un repas. "Il suffirait qu'on dise Gad repart, je suis sûre que plus de la moitié reviendraient", lâche Joëlle Crenn.

( Avec Antoine AGASSE )

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