Témoignage. "Bande de phoques !". Victime d'homophobie, ce couple jette l'éponge et ferme son bar-épicerie

Publié le Écrit par Carole Collinet-Appéré

"Puisque l'on n'est pas les bienvenus, on s'en va". Face à l'homophobie qui les cible, Gwen et Olivier ont décidé de fermer leur bar-épicerie, seul commerce du bourg rural de Plougar, dans le Finistère. Il y a huit mois, ils s'étaient installés dans l'ancien café-restaurant (fermé depuis 20 ans), grâce au dispositif SOS-Villages lancé par la mairie.

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"On ne s'en va pas parce que notre bar-épicerie ne fonctionne pas mais parce que, humainement, nous ne sommes pas au bon endroit". Gwen et Olivier veulent faire taire les rumeurs qui courent dans le petit village de Plougar, près de Landivisiau. Le couple, qui a ouvert La P'tite Bedaine en mars dernier, jette l'éponge après avoir été la cible de propos homophobes. "Voilà la vraie raison. On ne peut pas rester ici, avec ce climat" disent-ils.

LIRE : Grâce à SOS Villages, ils ouvrent un bar-épicerie dans cette commune rurale. "C'est le seul commerce du bourg"

Insultés sur les réseaux sociaux

"Bande de phoques" est l'une des insultes postée sur les réseaux sociaux par un jeune de la commune, à peine deux mois après l'ouverture du bar-épicerie. "Olivier et moi, on a mis du temps à réagir, admet Gwen. On venait de lancer notre affaire, on avait la tête dans le guidon. Et puis, on s'est dit que ce n'était pas normal". D'autant, relatent-ils, que le post en question reçoit de nombreux "likes et commentaires émanant de personnes qui fréquentent" la P'tite Bedaine. "Cela nous a blessés, confie Olivier. On a compris que l'on n'était pas les bienvenus".

Ils ont également signalé la publication à Facebook, "mais, un phoque, pour l'algorithme, c'est un animal, pas une insulte. Elle n'a donc pas été supprimée".

Si nous parlons aujourd'hui, c'est pour que l'homophobie cesse. Pour que chacun puisse vivre comme il l'entend

Gwen et Olivier

Alors, évidemment, ils ne mettent pas tout le monde dans le même sac puisqu'ils ont aussi trouvé du soutien parmi la population. "Des gens que l'on remercie d'avoir été à nos côtés" tiennent-ils à préciser. Mais, dans leur voix, s'entend toute la détresse qu'ils traversent depuis des mois. "Oui, il y a encore de l'homophobie dans le Haut-Léon en 2023" lâche Gwen qui raconte n'y avoir jamais été confronté avant d'arriver dans ce coin du Finistère. "Peut-être que certains diront que l'on est trop sensibles. Mais non ! On a gardé le silence jusque-là mais on ne peut plus se taire. Si nous parlons aujourd'hui et prenons le risque de nous exposer, c'est pour que l'homophobie cesse. Pour que chacun puisse vivre comme il l'entend sans que cela ne suscite des commentaires ou des insultes".

Arrivée d'eau bétonnée

Oliver cite cette femme arrivée en larmes dans leur bar. "Elle venait souvent à la boutique et ce jour-là, elle nous raconte qu'elle voulait y boire un café avec une personne de sa famille mais que celle-ci a refusé car nous étions un couple homo". 

Aux propos homophobes, se sont ajoutées des dégradations sur leur établissement. "L'arrivée d'eau a été bétonnée" racontent-ils. Une annonce a même été publiée sur Le Bon Coin, mentionnant leur numéro de téléphone, dans laquelle il était écrit qu'ils vendaient une caravane d'une valeur de 40.000 euros au prix de 3.000 euros. "On a été submergés d'appels, c'était complètement dingue".

Gwen et Olivier déposent plainte. Sur les conseils de la gendarmerie, ils installent une caméra de surveillance sur leur propriété. Les auteurs sont rapidement identifiés, interpellés et entendus. Selon le maire de Plougar, Laurent Le Borgne, "ils devraient passer devant la justice en novembre prochain".

L'élu ne cache pas sa déception face à toute cette "triste histoire. La mairie, qui avait lancé un SOS Villages pour la reprise de ce commerce fermé depuis 20 ans, le seul commerce du bourg, avait choisi ce couple car il était motivé. Je ne pensais pas qu'on en serait là huit mois plus tard" se désole-t-il.

La clef sous la porte le 30 novembre

Gwen et Olivier imaginaient qu'en s'installant en milieu rural, ils pourraient mener une vie tranquille, "que les mentalités avaient évolué". "Or, on est devenus l'attraction du coin, déplorent les deux hommes. On alimente les ragots et ce n'est pas ce que l'on recherche".

Le 30 novembre prochain, ils mettront la clé sous la porte. La P'tite Bedaine fermera définitivement son rideau. La mairie cherche un repreneur.

Sur leurs futurs projets, les deux gérants ne diront rien. "On ne se laisse pas abattre mais on s'en va ailleurs". Eux qui avaient pourtant parcouru les 9.000 kilomètres qui séparaient Plougar de leur vie en Guyane pour répondre au SOS-Villages de cette commune finistérienne, heureux de poser leurs valises en territoire rural et de participer à la redynamisation du bourg.

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