L'opération 'prison morte' à la maison d'arrêt de Brest a débuté, ce mercredi 15 mai 2024, dès 7h. L'attaque d'un fourgon pénitentiaire dans l'Eure, qui a coûté la vie à deux agents, laisse les personnels "sous le choc", comme en témoigne ce surveillant.
"J'ai du mal à trouver les mots et à réaliser ce qui s'est passé". Reynald Cochennec, comme ses collègues surveillants de la maison d'arrêt de Brest, se dit "sous le choc" après la mort de deux agents pénitentiaires dans l'attaque de leur fourgon ce 14 mai 2024, dans l'Eure.
"C'est un assassinat, dit-il. On ne leur a laissé aucune chance". Le surveillant a du mal à cacher son émotion matinée de colère. "Mais l'heure n'est pas à la polémique, assure-t-il, là, nous sommes en deuil et dans l'hommage aux collègues décédés et blessés".
Un moment de recueillement qui se traduit par une opération 'prison morte' ce mercredi 15 mai. Parloirs supprimés, service médical minimum, aucune extraction vers les tribunaux. "Seules les urgences médicales et les promenades sont maintenues" précise Reynald Cochennec.
"Le danger à l'esprit"
L'homme est arrivé dans la pénitentiaire en 1998. Après la région parisienne, le nord de la France, c'est à Brest qu'il a été muté en 2015 où il a intégré l'équipe locale de sécurité pénitentiaire. Sa mission principale consiste à opérer des extractions de détenus. "C'est mon boulot quotidien, que ce soit pour aller au palais de justice ou à l'hôpital" précise Reynald Cochennec, avant de lâcher : "ce qui est arrivé aux collègues dans l'Eure, cela aurait pu m'arriver aussi".
On est sur le qui-vive, tout le temps, car même l'extraction d'un détenu tranquille peut virer au drame
Reynald CochennecSurveillant à la maison d'arrêt de Brest
Il marque une pause dans la conversation puis explique qu'à chaque sortie en fourgon, "on a le danger à l'esprit. On reste en alerte constante, on regarde dans les rétroviseurs pour voir si on n'est pas suivi. On est sur le qui-vive, tout le temps, car même l'extraction d'un détenu tranquille peut virer au drame". Et de citer les intimidations, les agressions verbales subies, "les gens qui nous insultent parce qu'on représente un symbole de l'État, parce qu'ils ne nous aiment pas. On a l'impression d'avoir une cible dans le dos en permanence" souffle le surveillant pénitentiaire.
"Mesures de sécurité"
Reynald Cochennec n'a pas choisi ce métier mais a appris à l'aimer. "On ne se réveille pas le matin en se disant qu'on va devenir surveillant d'établissement pénitentiaire, souligne-t-il. Mais la solidarité entre collègues, c'est ça qui fait tenir".
Lui, il tient malgré le stress, la fatigue, l'usure d'une profession exercée dans des conditions "de plus en plus précaires". La surpopulation carcérale, avec un taux qui a franchi les 190 % à la maison d'arrêt de Brest en mars dernier, crée un climat de tensions et de conflits. "Pas un jour ne se passe sans qu'il y ait une agression de personnel, note Reynald Cochennec. Les agents deviennent les déversoirs des frustrations accumulées par la population pénale".
Le surveillant de prison, qui est aussi représentant syndical, a le sentiment que les agents pénitentiaires ne sont pas écoutés. "On demande des mesures de sécurité simples" affirme-t-il, en écho aux revendications nationales de l'intersyndicale : réduire les extractions en faisant venir les magistrats et avocats dans les prisons, privilégier les visio-conférences, obtenir plus de moyens matériels, des véhicules adaptés "à hauteur des risques encourus".
"À Brest, on attend toujours les filets anti-projection, notamment au niveau du terrain de sport, relève Reynald Cochennec. Pas plus tard que la semaine dernière, on a retrouvé des couteaux, dont un avec une lame de 18 cm, qui avaient été balancés par-dessus le mur d'enceinte de la prison. Sans parler des drones, des téléphones, de la drogue".
Ce 15 mai, à 11h, comme dans l'ensemble des prisons françaises, les personnels pénitentiaires de Brest ont observé une minute de silence à la mémoire de leurs collègues tués dans l'Eure.