La rade de Brest n'est pas en bonne santé. La qualité de ses eaux se dégradent et favorisent la prolifération d'algues vertes dans les fonds marins. Avec des conséquences "catastrophiques" pour l'écosystème, selon ce scientifique de l'office français de la biodiversité. Lequel observe une mortalité plus importante des espèces et une destruction de leurs habitats.
La rade de Brest. Une baie peu profonde de 180 km2 réputée pour la richesse de son écosystème. On y trouve des poissons, des huîtres, des pétoncles, des crustacés, des coquilles saint-jacques, ainsi que des bancs de maërl, parmi les plus abondants d'Europe, où les espèces vivent et se cachent pour se protéger de leurs prédateurs.
Sur le papier, le site fait figure de paradis pour la biodiversité. En réalité, d'année en année, la qualité de ses eaux se dégrade. En cause : les polluants charriés par les rivières des bassins versants qui finissent dans la rade. Conséquence : une prolifération d'algues vertes, lesquelles se nourrissent de ces nitrates et phosphates provenant de l'activité agricole et humaine.
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Blooms
On ne les voit pas, contrairement aux marées vertes que l'on observe sur les plages, mais elles sont bien là. Tapies au fond de l'eau. Les blooms algueux constituent un danger pour ce milieu marin semi-fermé qui se renouvelle peu et lentement, favorisant le stockage de nutriments toxiques.
Biologiste et coodinateur du programme européen Life Marha pour l'office français de la biodiversité (OFB), Alain Pibot constate "une augmentation importante" de la présence des algues vertes cet été. "Comme tous les végétaux chlorophylliens, elles réagissent à la lumière, à la chaleur et aux nutriments, explique le chercheur. Dans la rade de Brest, on a un cocktail favorable avec trop de nutriments, une chaleur qui s'est faite sentir tôt dans la saison et de la lumière".
Zones mortes
Agir devient "urgent si l'on veut conserver le potientiel écologique de la rade" selon le biologiste. "On ne peut pas agir sur la lumière ni sur la chaleur ou très peu, mais on peut agir sur les nutriments en limitant leur arrivée" insiste-t-il.
Les couches épaisses d'algues vertes envahissent et asphyxient la faune et la flore. "Dès qu'elles vont s'accumuler en trop grandes quantités, les algues vertes vont mourir et consommer l'ensemble de l'oxygène de la masse d'eau, souligne Alain Pibot. Elles provoquent alors des zones mortes, privant les bancs de maërl ou les herbiers de zostères de la lumière dont ils ont besoin et accélérant leur dégradation. Or ces habitats ont une fonction essentielle pour les espèces marines dont certaines, comme les mollusques ou les crustacés, affichent désormais une mortalité importante. Perdre ces habitats, cela veut dire aussi une perte pour les activités économiques de la rade".
Contrat de rade
Pour protéger ce site en partie classé Natura 2000 et améliorer la qualité de ses eaux, un nouveau contrat de rade a été lancé en janvier 2022, réunissant autour de la table élus, syndicats des bassins versants, scientifiques, professionnels de la pêche, agriculteurs, associations, etc. Objectif : bâtir un plan d'action sur 5 ans.
L'enjeu est de taille et ne se limite pas aux 180 km2 de baie. Il vise un territoire plus vaste : celui des fleuves côtiers, l'Aulne et l'Elorn, ainsi que leurs affluents, qui se jettent dans la rade, après avoir traversé trois départements et une centaine de communes. Autrement dit : il va falloir travailler en amont pour que les eaux qui arrivent jusqu'à la mer n'apportent plus avec elles ce qui détruit l'écosystème.
Le comité qui pilote ce futur contrat de rade a donc du pain sur la planche. Les premières mesures devraient être dévoilées en 2024.