Albi, 28 juillet 2023. Le Bretillien Tom Reux, qui s'entraîne à Dinard et vit à Saint-Benoît-des-ondes, devient pour la deuxième fois champion de France. À 24 ans, sa carrière reste devant lui. Mais le discobole breton file désormais vers un objectif : se qualifier pour les Jeux de Paris. Pour cela, il lui faut trouver des partenaires, des sponsors pour pouvoir vivre de son sport.
Chaque fin d’après-midi, c’est la même rengaine. Tom Reux pose son sac, machinalement, sur le bord du cercle du COSEC de Dinard. Puis il monte les filets de protection. Enfile ses chaussures. "Des chaussures spéciales pour pouvoir tourner sur le plateau et en même temps que ça ne glisse pas trop ", précise-t-il.
Entraînements en toute discrétion
Alors que l’hiver s’est planté sur Dinard, Tom semble bien seul à propulser ses disques, inlassablement. Pourtant double champion de France, c’est ici, loin des hourrah des foules, qu’il prépare discrètement son accès à la lumière. Une qualification pour les Jeux de Paris.
En cet après-midi de novembre, il lance des disques de 2,3 kg, contre 2kg pour un disque officiel.
"Allez, bien fléchi. Pour pouvoir remettre un maximum de l’énergie du sol dans le disque". A ses côtés, son entraîneur de toujours, devenu un complice, Régis Quérard.
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De la force, mais surtout de la technique
Le lancer du disque est un sport très technique. Un pied bien placé, un bras bien tendu et relâché peuvent faire gagner 2 à 3 mètres sur un lancer. Chaque détail a son importance. "Ça va être sur des capacités à sentir qu’on dissocie le bas et le haut du corps, détaille Régis, qui est également professeur de sport au collège et en STAPS à Rennes, qu’on met plus de retard dans le haut. Tout ça, c’est fin. Ça veut dire être plus bas sur les jambes et avoir ce pied droit qui s’active, qui ne s’arrête jamais, pour que le bas du corps prenne de l’avance sur le haut du corps, ce qui va créer un étirement et boom" !
Tom, 24 ans, est un grand gaillard d'un mètre 88 et 110 kg. Comme son coach, il est inscrit à l'Athlétique Club d'Emeraude.
À la salle de sport 6 fois par semaine
Six matins par semaine, il vient soulever de la fonte dans une salle de sport de Saint-Malo, en client anonyme. "Il est explosif, il est technique, confie Régis, mais il lui manque un peu de force pour rivaliser avec le gratin mondial".
Or, un bon discobole est un athlète complet. "L’important c’est que le disque on le lâche de notre main le plus rapidement possible. Donc ça fait appel à pas mal d’explosivité et de vitesse. Plus on a de force, plus on sent que le disque est léger et plus on peut l’envoyer vite. Donc c’est tout un travail de qualité physique qui fait qu’on performe au plus haut niveau".
Un lanceur de disque doit aussi être un micro-entrepreneur
Midi, quand il quitte la salle, Tom n’en a pas fini avec sa journée d’athlète, loin de là.
Avec un record à 61,18m, il est loin des minimas pour se qualifier directement pour les Jeux de Paris (67,20m).
Pour se qualifier pour les Jeux 2024, Tom va devoir partir en Australie et Nouvelle-Zélande cet hiver. Là-bas, il pourrait disputer en janvier et février quatre tournois qui pourraient lui attribuer les points nécessaires. Et dans cette aventure, il est tout seul.
La mi-journée, il l’occupe notamment à gérer ses réseaux sociaux et trouver des partenaires pour l’aider à vivre de son sport.
C’est à nous de trouver nos propres fonds, de constituer notre propre équipe. On est un peu des micro-entrepreneurs. Voilà, on fait notre projet tout seul dans notre coin avec l’aide des collectivités et des différents partenaires, qu’on doit aller chercher.
Tom Reux, athlète, lanceur de disque
La ville de Dinard en soutien
A Dinard, Tom peut compter sur le soutien de la mairie. La ville va aider Tom à hauteur de 4500 euros cette semaine. De quoi payer au moins le voyage dans l’hémisphère Sud
"Le sport transmet les valeurs, explique Arnaud Salmon, le maire, je n’ai pas besoin de revenir là-dessus. C’était important pour nous de soutenir Tom et on fera tout pour qu’il puisse se qualifier pour les jeux olympiques".
Le lancer, sport ingrat ?
Tom a été repéré par sa prof de sport, au collège, sur la côte d’Emeraude, au début des années 2010. Il a alors une douzaine d’années. Une prof qui n'est autre la femme de Régis.
Aux yeux de beaucoup, le lancer est un sport assez ingrat, peu considéré, peu médiatisé. Tom, lui, y trouve une forme d’épanouissement. "Il y a les sensations de vitesse, d’étirement, de relâchement, de force aussi qu’on met dans nos jambes. Et puis il y a tous les à-côtés, l’entraînement, c’est toujours enrichissant de s’entraîner tout le temps vers un objectif final. Et voilà, on a toute notre vie centrée autour de ça".
Le Dinardais préfère de toutes façons l’ombre à la lumière. Mais jusqu’à l’été prochain, il est prêt à tous les sacrifices pour se retrouver au stade de France lors des Jeux de Paris. Sur la piste aux étoiles.