Une vingtaine d'adolescents victimes au sein de leur collège à Guichen en Ille-et-Vilaine, des animaux domestiques lourdement handicapés après avoir léché ou ingéré l'insecte, des campagnes d'éradication qui se multiplient : les désordres liés à l'apparition de plus en plus précoce de la chenille processionnaire ne sont pas à prendre à la légère.
Le 15 février dernier, 19 élèves du collège Noël du Fail à Guichen sont victimes de violentes allergies cutanées. Immédiatement une trentaine de pompiers interviennent sur place. Le SAMU est également envoyé sur place comme des gendarmes. Première hypothèse évoquée, une intoxication alimentaire à la cantine. Une piste qui est abandonnée. La cellule "risque chimique" du SDIS 35 est même envoyée sur place pour procéder à des analyses.
Des prurits et de fortes démangeaisons
Très vite, les secours identifient le responsable des "prurits et des fortes démangeaisons" des collégiens. Il s'agit de la chenille processionnaire. Un insecte installé en cocon d'une soixantaine d'individus dans un arbre de la cour de l'établissement. Des piqûres qui n'entraînent néanmoins aucune hospitalisation. Tous les enfants ont pu rentrer chez eux après avis du médecin du SMUR.
Cinq jours après les faits, les parents d'élèves viennent de recevoir un courriel signé de la principale du collège. Dans ce courrier, Corinne Méléard indique aux parents d'élèves que "L'hypothèse retenue est celle des chenilles processionnaires" et parle "des réactions cutanées en lien avec leurs poils urticants".
La chef d'Etablissement précise que "la municipalité a mis en œuvre tous les moyens pour retirer les nids à hauteur d'homme (...) Les nids, les plus hauts, sont en cours de retrait avec un équipement spécialisé." Plus de peur que de mal heureusement.
Une chenille source d'inquiétude
Mais la chenille processionnaire est devenue en Bretagne une source d'inquiétude nécessitant la mise en œuvre de campagne d'éradication dans des communes de plus en plus nombreuses.
Selon Patrice Emeraud, responsable technique, à la Fédération des groupements de défense contre les organismes nuisibles du Morbihan (FDGDON 56), "Le cycle s'avance de plus en plus. Les chenilles processionnaires du pin sont à un niveau très fort cette année comme en 2022/2023." À tel point que des colonies de chenilles processionnaires ont été aperçues dès la mi-décembre sur les zones de Quiberon par exemple.
Elles vont larguer brutalement des petits poils invisibles à l'œil nu, comme des petits harpons
Patrice EmeraudResponsable Technique FDGDON 56
Dès la fin de chaque été, le papillon, qui s'est accouplé va construire un nid la plupart du temps dans la cime des pins. Dans ces cocons, les larves vont devenir des chenilles. Dès que les températures vont remonter, les chenilles vont sortir en file indienne pour descendre de l'arbre et s'enterrer pour se transformer en chrysalide puis en papillon.
C'est à ce moment précis que les chenilles peuvent devenir dangereuses. "Lorsqu'elles se sentent agressées par la venue d'un animal ou d'un être humain, elles vont larguer brutalement des petits poils invisibles à l'œil nu, comme des petits harpons." explique Patrice Emeraud. Il ajoute "Et quand on frotte sur la zone piquée, on brise ces petits harpons et on libère une toxine très urticante, la thaumétopoéïne".
Un danger pour les animaux domestiques
Premières victimes de cette attaque de la chenille processionnaire, les animaux domestiques comme les chats, les chevaux mais surtout les chiens. "Les chiens trouvent ces animaux très rigolos et vont lécher ou mettre la truffe." indique le Docteur Adeline Sitbon, vétérinaire à Larmor Plage. Très vite, le chien va se mettre à saliver. Sa langue va doubler voire tripler de volume. Pour le Docteur Sitbon, "C'est le signe d'une urgence pour laquelle il faut faire vite. Il faut absolument consulter un vétérinaire. Car l'œdème de la langue empêche la circulation sanguine et peut être à l'origine d'une nécrose."
Dans les cas les plus graves, une amputation d'une partie de la langue est possible voire un décès de l'animal qui ne peut plus ni manger ni boire.
Consulter en cabinet médical ou en pharmacie en cas de doute
Marion FournierMédecin généraliste à Lanester
Des conséquences dermatologiques qui peuvent aussi affecter les humains. "Les patients vont déclencher des réactions d'urticaire, avec sensations de brûlures et réactions locales allergiques" prévient le docteur Marion Fournier, généraliste à Lanester dans le Morbihan. Un médecin qui conseille de "consulter en cabinet médical ou en pharmacie en cas de doute" en fonction de l'évolution des réactions.
Même si cela est compliqué, ne pas se démanger. Car cela a pour effet de briser encore davantage ces petits harpons et de libérer davantage de toxines.
Des campagnes de lutte biologiques de plus en plus nombreuses
Une chenille processionnaire du pin et sa cousine des chênes qui créent des désordres toujours plus importants. Conséquence, de plus en plus de communes bretonnes sont contraintes de mener des campagnes d'éradication des chenilles. Et les propriétaires de pins et de chêne sont invités à participer à ces opérations qui sont à leur charge le plus souvent. "Ce que nous recommandons, ce sont des campagnes de lutte biologique. On pulvérise sur les arbres un produit naturel qui contient une bactérie, le bacille de Thuringe. L'ingestion de cette bactérie va tuer l'insecte." conseille Patrice Emeraud de la FDGDON 56.
Les mairies mettent en place des campagnes de lutte pour lesquelles les particuliers sont invités à s'inscrire en mairie
Patrice EmeraudConseiller technique FDGDON 56
Mais d'autres méthodes existent. Le piégeage des papillons mâles grâce à des phéromones, l'échenillage qui consiste à couper les branches d'arbres où sont installés les cocons, ou encore les écopièges qui visent à ceinturer les troncs des arbres infestés. Lorsque les chenilles sortent de leur nid, elles sont conduites vers une gouttière qui les dirige vers un sac rempli de terre. Les insectes vont croire qu'elles s'enterrent dans le sol. Le contenu du sac est ensuite détruit.
La mésange peut consommer 500 chenilles par jour
Reste la méthode la plus naturelle en installant dans son jardin des nichoirs à mésanges. L'oiseau est un redoutable prédateur pour la chenille processionnaire. Il est capable d'en consommer 500 par jour en période hivernale et surtout quand il doit nourrir ses petits.