L’arrêté interdisant la commercialisation et la consommation des coquillages dans une partie de la baie du Mont-saint-Michel a été levé, mais des zones d’ombres demeurent sur les causes de la contamination. Dans la ligne de mire des enquêteurs, une éventuelle fraude.
Une cinquantaine de personnes avait été intoxiquée fin décembre après avoir consommé des huîtres de Cancale. "Un coup de massue" pour Stéphan Alleaume, ostréiculteur aux Parcs Saint Kerber, alors que la profession souffrait déjà d’une chute des ventes liées aux contaminations en Vendée et en Loire-Atlantique.
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"Ça a mis le bazar partout", poursuit le producteur d’huîtres. "Nous avons perdu 30% de notre chiffre d’affaires par rapport à l’année dernière. Le consommateur a eu peur". Dans un premier temps, les regards se sont braqués vers les stations de traitement des eaux et les résidences secondaires, souvent responsables de la présence de norovirus, qui provoque notamment des gastro-entérites.
Enquête prioritaire
Mais, très vite, cette piste a été écartée par les services de l’Etat. Aucun rejet n’a été constaté dans les zones concernées. Les enquêteurs sont finalement remontés jusqu’à un producteur cancalais dont les huîtres seraient responsables de 8 foyers de toxi-infections alimentaires. Les quatre autres seraient liés à un lot venant de Normandie.
La direction départementale de la protection des populations (DDPP) prend cette affaire très au sérieux. C’est même "une priorité cette année". Deux services ont été mis sur le dossier et des agents viendront renforcer les effectifs en fonction de la progression de l’enquête. En plus des analyses microbiologiques mensuelles sur les 23 points de la baie du Mont-Saint-Michel, ainsi que des prélèvements pour les risques chimiques et phytoplanctoniques, la DDPP va effectuer des études aux cas par cas chez les ostréiculteurs.
La tentation de la fraude
Une enquête de longue haleine, comme le détaille Virshna Héng, le directeur adjoint de la DDPP : "Nous sommes en train d’analyser tous les documents depuis l’acquisition des produits. On remonte la chaîne sanitaire complète à partir du producteur qui vend les naissains, celui qui élève les huîtres, la mise en bourriche, le circuit de distribution et le consommateur...ça prend du temps".
Les enquêteurs n’écartent aucune piste mais ils vont aussi "décortiquer les comptes" de l’ostréiculteur à l’origine du foyer d’infection. Ce producteur a déjà été condamné par le passé pour braconnage de coquillages. Les autorités soupçonnent une fraude sur l’origine des produits.
"Dans les périodes de fortes consommations, il peut y avoir une tentation de faire venir des lots qui ne sont pas élevés ici et de les vendre avec une appellation « huîtres de Cancale », poursuit Virshna Héng. Notre but n’est pas de stigmatiser un ostréiculteur en particulier mais d’enquêter sur la filière complète".
Une pratique illégale ?
Importer des huîtres d’ailleurs et les vendre comme huîtres cancalaises n’est pas illégal à condition qu’elles passent plusieurs mois dans les parcs ostréicoles du secteur. 6 mois pour les produits venus de l’étranger. Si la réglementation n’a pas été respectée, c’est un danger pour toute la filière.
Les huîtres de Cancale ont une image de marque importante et extrêmement fragile. Si on met en doute l’origine des produits et leur qualité, tout peut s’écrouler.
Virshna Héng, directeur adjoint de la DDPP
Une telle fraude est un délit sanctionné par le code de la consommation. Mais c’est surtout la réputation de la cinquantaine de producteurs qui est en jeu. L’huître de Cancale, inscrite au patrimoine immatériel de l’Unesco, n’est en revanche protégée ni pas une AOP, ni par une IGP. Le comité régional de la conchyliculture se réserve la possibilité de déposer plainte dans les jours qui viennent.