Essai clinique à Rennes : le protocole du laboratoire Bial sujet à controverse

Le Figaro s'est procuré le protocole de l'essai clinique qui a provoqué la mort d'un volontaire à Rennes et l'hospitalisation de 5 autres personnes. Ce protocole du laboratoire portugais Bial a été soumis à des experts qui se posent "des interrogations quant au sérieux de l'essai".

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Le protocole que s'est procuré Le Figaro est un document de 96 pages. Il détaille les phases de l'essai clinique qui a pour objectif d'évaluer la tolérance et l'absence d'effets indésirables d'une nouvelle molécule du laboratoire Bial, censée lutter contre la douleur et l'anxiété.

La phase 1 de l'essai clinique, pendant laquelle s'est produit l'accident, a été validée, au préalable, par deux instances indépendantes : l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM) et pour le reste des représentants de la société civile. Pour des raisons de "secret de l'instruction", l'ANSM n'a pas dévoilé le protocole établi par le laboratoire Bial.

Un volontaire décédé

C'est la semaine dernière que 6 volontaires du centre d'essais privé rennais Biotrial, qui avaient participé avec 84 autres personnes aux tests de cette molécule, se retrouvaient hospitalisés au CHU de Rennes. Un des patients s'était rapidement retrouvé en état de mort cérébrale avant de décéder dimanche dernier. 4 des 5 autres patients hospitalisés souffraient de troubles neurologiques. Depuis, leur état de santé s'est amélioré. Ces patients ont quitté l'établissement rennais et sont soit rentrés chez eux ou alors suivi dans des hôpitaux proches de leurs domiciles. Les autres volontaires passent une batterie d'examens mais n'ont pas révélé d'anomalies similaires à celles relevées chez les patients hospitalisés.

Une précipitation dans les différentes phases?

Pour les trois experts auxquels Le Figaro a demandé d'étudier le protocole, ce dernier s'apparente plus à un empilement d'études différentes où l' "on peut commencer la seconde étude avant même la fin de la première". Pour un des experts : "Cette étude mélange plusieurs objectifs en même temps". Pour un autre "on a le sentiment que le laboratoire a voulu gagner du temps et passer en phase 2". Cet expert s'étonne également que la phase préclinique de tests sur les animaux n'ait pas été publiée par le laboratoire portugais Bial. 

Accumulation de la molécule dans le corps ?

L'accident est intervenu dans une phase de l'essai où des groupes de 6 personnes devaient prendre un comprimé quotidien pendant 10 jours. Le volontaire décédé avait pris un comprimé dosé à 50 mg pendant 4 jours. La dose cumulée était donc de 200 mg. Les experts se demandent si l'accident ne serait pas justement lié au cumul des doses dans son corps.

Le Pr Jean-Claude Alvarez, Président de la Société Française de Toxicologie Analytique, interviewé par Sciences et Avenir, explique que "Plus on augmente la dose, plus le risque croît que la molécule puisse interférer avec d’autres systèmes ! Et entraîner des effets indésirables au niveau d’organes ou de tissus se situant hors de la cible initiale, avec des réactions secondaires inattendues, violentes et soudaines". Pour le professeur de pharmacologie, "Il aurait peut-être fallu prendre des précautions draconiennes, redoubler de prudence".

Trois enquêtes ouvertes la semaine dernière sont en cours pour déterminer les failles potentielles de cet essai clinique et ce qui a amené à la mort d'un des volontaires. 
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