Harcèlement scolaire. "Poil de carotte", "tu pues"... Ces roux qui ont souffert à cause de leur couleur de cheveux

Théo a été victime de harcèlement scolaire parce qu'il est roux. Insultes, coups, isolement ont émaillé ses années au collège. Aujourd'hui étudiant à Rennes, il revendique sa singularité. Tout comme le photographe Pascal Sacleux, qui a réalisé une série de clichés sur les rousses et roux de Bretagne. Pas simple de combattre les préjugés et les discriminations, même en 2023. Et même si ce 12 janvier invite à embrasser un roux avec le #KissAGingerDay.

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"Poil de carotte", "tu pues". Ces insultes, Théo les a subies au quotidien lorsqu'il était collégien. Des mots violents assortis de coups et de brimades diverses. "J'étais mis à l'écart, confie-t-il. On me prenait mes affaires pour les cacher. C'était devenu la norme".

Ses cheveux roux font de lui le souffre-douleur des autres élèves. Le harcèlement scolaire, dénoncé par sa mère, ne s'arrêtera qu'à son entrée au lycée. "Je n'avais qu'un seul ami, au collège, explique Théo. Un gars qui, comme moi, était moqué mais pour d'autres raisons. On se soutenait tous les deux". 

"J'ai songé à teindre mes cheveux"

L'adolescent vient en classe "la boule au ventre", se retrouve souvent "tétanisé par la peur", encaisse la discrimination. Il serre les dents. Jour après jour. À l’époque, il vit près de Pau et dans ce collège, se souvient-il, "nous étions 3 roux sur 1.000 élèves. Je vous laisse imaginer"

Être roux, comme il dit, il ne l'a pas choisi. Il a mis du temps avant d'aimer la couleur de ses cheveux. Avant de s'aimer. "J'ai même songé à les teindre pour être tranquille, sourit celui qui, aujourd'hui, est étudiant en master de psychologie à Rennes. Et puis, j'ai eu le déclic. Je me suis dit qu'il fallait que je sois fier de mes cheveux, que ça serait difficile mais que je n'avais pas à me sentir coupable"

Son arrivée en Bretagne sonne comme un épanouissement. Sa chevelure flamboyante est une singularité qu'il revendique. Mieux : il se porte volontaire pour être photographié par Pascal Sacleux, lequel édite, en 2018, un ouvrage entièrement dédié à la rousseur. Etre(s) roux rassemble des centaines de portraits réalisés sur le territoire breton ainsi que des témoignages. "Ce travail m'a aidé, souligne Théo. Il a contribué à me libérer, à me sentir mieux, à respirer enfin"

"Embrasse un roux"

Il n'y a pas de hasard : l'étudiant en psychologie est actuellement en stage dans une association rennaise qui lutte contre le harcèlement scolaire. "Tout ce que j'ai vécu m'a donné envie de comprendre ce qui se passe dans la tête des harceleurs, remarque-t-il. Nous n'avons pas tous la même capacité à résister face à ce que l'on subit. Il faut agir et faire réagir car le harcèlement scolaire reste, selon moi, encore trop tabou au sein de l'Education nationale".

Quand on lui demande ce qu'il pense du Kiss à Ginger day - la journée internationale pour embrasser un roux qui intervient chaque 12 janvier depuis sa création en 2009 -, Théo hésite. Puis finit par lâcher : "Ce genre d'événement, ok, seulement si cela peut donner de la visibilité à ce que les personnes rousses endurent".

Pascal Sacleux, lui, s'interroge. "Le 12, tu embrasses un roux. Et le 13, tu lui jettes des pierres ?". Le photographe rennais rappelle que cette journée a été créée en réaction au "Kick a Ginger day" développé dans la série animée South Park. "Dans un épisode, raconte-t-il, les gens descendent de leur voiture pour donner des coups de pied à des roux. Après sa diffusion, certains l'ont mis en pratique. Un Canadien a donc décidé de lancer le "Kiss a Ginger day" pour protester".

"Le roi du peuple des écureuils"

Pascal Sacleux a, lui aussi, connu les moqueries et sait les blessures qu'elles provoquent. "J'avais 17 ans, un âge où l'on est bien vulnérable et où l'on veut plaire aux filles. Je me souviens avoir entendu quelqu'un dire haut et fort devant tout le monde : 'les roux, c'est comme les noirs, quand il pleut, ça sent le chien mouillé'. Sur le moment, je n'ai pas compris. Mais très vite, j'ai compris".

Dans sa famille, tout le monde a les cheveux noirs et le teint mat. "Je suis le seul roux depuis mon arrière-grand-mère paternelle, relate-t-il. J'étais orange, petit. Désormais, à 58 ans, ça tend vers le châtain selon la lumière. Mais, pas de doute, je suis roux !".

Quand il sillonne la Bretagne pour réaliser ses portraits singuliers, le photographe devient le réceptacle de la souffrance vécue par celles et ceux qu'ils croisent. "J'ai photographié 1.057 personnes rousses et toute ou presque ont au moins souffert une fois à cause de la couleur de leurs cheveux. Je pense à cette femme qui s'est détestée jusqu'à la quarantaine et qui n'apparaissait pas sur les photos de famille parce qu'elle était rousse ".

Dans ses souvenirs, il en pioche quelques-uns, plus heureux. Comme cet enfant qui lui lance un jour : "Pascal, c'est le roi du peuple des écureuils" !

Préjugés

L'homme, qui est également à l'origine du festival Red Love, le premier rassemblement de rousses et roux en Bretagne,  constate que les préjugés sur la rousseur restent vivaces. "Dans les films, les dessins animés, le méchant est souvent roux. Ravaillac, qui était roux, ne nous a pas aidés non plus, s'amuse-t-il. Brice Hortefeux, c'est très moyen. Quant à Trump, ça n'a vraiment pas aidé du tout"

L'odeur, la sorcellerie, l'esprit tordu sont des marqueurs associés à la couleur rousse. "Ça remonte à l'antiquité égyptienne, relève Pascal Sacleux. Le frère d'un pharaon devenu lui-même pharaon après avoir trahi....Il est puissant, craint, roux et traître donc méprisé".

La rousseur, chez une femme, est apparentée à la luxure, explique-t-il encore, "depuis le règne de Saint-Louis. À l’époque, les prostituées devaient se teindre en rousse pour les distinguer des autres femmes".

Le photographe rennais, qui précise que "non, il ne bronze pas à travers une passoire", non, ce ne sont pas des taches de rousseur qu'il a sur la peau mais des éphélides, "taches, c'est péjoratif", que rouquin est un mot insultant, "ça veut dire chien rouge", prépare un nouveau projet avec les rousses et roux de Bretagne.

L'idée ? Retrouver les enfants et adolescents qu'il avait photographiés en 2015 et les mettre une nouvelle fois en lumière.

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