"Il y a un trop-plein de vêtements, car la filière est en crise". Pourquoi les bennes de collecte de vêtements débordent

Depuis quelques mois, la filière de récupération et de recyclage des vêtements est en surtension. Un surplus conséquent d'habits usagés collectés met la filière en difficulté. Il n'est d'ailleurs pas rare de voir des conteneurs de collecte complètement pleins avec des sacs de vêtements à côté, signe visible de cette surcharge. Pascal Milleville, le directeur de Le Relais Bretagne, acteur majeur de cette filière, nous explique cette crise inédite et tente de répondre à la demande dans l'attente de mesures gouvernementales.

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Dans les locaux de l'entreprise Le Relais à Acigné près de Rennes, les tapis roulants ne cessent de déverser des vêtements de façon ininterrompue. Tout au long de ces tapis, des salariés s'affairent à trier les habits. Un tri pour différencier les vêtements selon les textiles qui les composent et leur état. Car l'état général d'un vêtement déterminera la manière dont il sera recyclé.

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Un afflux de dons

Après nous avoir montré l'atelier, Pascal Milleville, le directeur général de Le Relais Bretagne, nous emmène vers un hangar de stockage. Là, des montagnes de vêtements issus de la collecte dans les conteneurs de la région sont pleins à ras bord. 

Depuis le mois de juillet, c'est 20 % de collecte en plus.

Pascal Milleville directeur général de Le Relais Bretagne

directeur général de Le Relais Bretagne

Et le responsable de l'antenne Bretagne le concède : "c'est vrai qu'avec cet afflux de 20 % de dons supplémentaires, il arrive que certains conteneurs soient pleins et que l'on retrouve des sacs à côté. Mais nous faisons en sorte d'accentuer les rotations des camions pour éviter de telles situations". 

Car, que ce soit en Ille-et-Vilaine, dans les Côtes-d'Armor, dans le Morbihan et dans la Mayenne, les départements couverts par cette antenne, de Le Relais, c'est le même phénomène depuis des mois : un trop-plein de dons.

"Il faut reconnaître que l'on a un peu de mal à suivre, car, quand vous prenez 20 % d'augmentation des volumes à traiter, on ne peut pas mettre tout de suite en place des équipes et vu que l'on collecte environ 9 000 tonnes sur notre secteur, faites le calcul du surplus". Calcul fait, cela représente 1 800 tonnes de vêtements supplémentaires à traiter.

Mais pourquoi les conteneurs débordent-ils ?

À cette question, le responsable de Le Relais répond par un mot : "la crise sans précédent" qui touche la filière textile et de recyclage du vêtement. "Il faut savoir que la filière textile est percutée par des crises assez régulièrement, donc il y a des hauts et des bas dans la filière. Par contre, ce qui est remarquable actuellement, c'est qu'on a une crise qu'on n'a jamais vécue. Moi, ça fait 27 ans que je suis sur ce secteur-là, et d'autres collègues depuis plus longtemps que moi, mais c'est la première fois qu'on a une crise aussi forte, et si forte que plusieurs opérateurs, qu'ils soient français ou même européens, sont impactés. On a par exemple le plus gros intervenant au niveau mondial, une entreprise allemande, qui est percuté également par la crise actuellement, puisqu'elle est en procédure de sauvegarde."

Une crise qui fait que tous les marchés de recyclage sont très tendus "principalement par des phénomènes qu'on ne vivait pas avant."

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Il y a une prise de conscience écologique de la part des donateurs.

Pascal Milleville

directeur général de Le Relais Bretagne

Reste à savoir pourquoi les bennes de collecte se remplissent en un rien de temps. Pascal Milleville explique que si les apports des donateurs sont plus importants, c'est parce que l'on constate "une prise de conscience écologique" qui fait que les donateurs estiment de plus en plus que l'on ne doit pas jeter des vêtements à la poubelle alors qu'ils peuvent avoir une deuxième vie et servir à d'autres ou alors être recyclés.

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Le textile chinois et la fast fashion dérèglent les marchés

Le spécialiste du recyclage explique également que les vêtements collectés sont répartis en plusieurs catégories.

Tout d'abord, les vêtements de bonne, voir de très bonne facture qui vont sur le marché local et qui sont vendus dans les boutiques Ding Fring que développe l'entreprise. Il y en a 75 en France dont 8 en Bretagne. "Des boutiques qui fonctionnent bien car la seconde main a le vent en poupe actuellement". Cela ne représente qu'une toute petite partie de la collecte.

La part la plus importante, plus de 50 %, correspond aux vêtements de moins bonne facture et qui peuvent servir encore. Ils sont vendus à la tonne à l'exportation, principalement en Afrique pour être vendus en "friperie" ou sur des marchés africains. Des vêtements qui seront valorisés par des structures sur place qu'encadre, entre autres, Le Relais : "on a développé trois Relais en Afrique pour développer de l'emploi" explique Pascal Milleville. "Il ne faut pas oublier que dans l'ESS, l'économie sociale et solidaire, et en particulier, nous, dans l'insertion, l'intérêt, c'est de développer de l'emploi à partir de l'activité" ajoute le chef d'entreprise.

Or, avec la crise actuelle et l'augmentation de la production chinoise dont la fast fashion, "ces vêtements à pas cher achetés sur internet et qui sont de mauvaise qualité car vous les portez une fois, deux fois et après avoir été lavés, ils ne ressemblent plus à rien et sont donc jetés", les stocks de vêtements à recycler sont énormes. Les Chinois commencent également à envoyer de la friperie en Afrique également. Cette surabondance fait que les prix de revente sur le marché africains se sont effondrés, surtout que la population de ce continent commence, elle aussi, à acheter de la fast fashion. "Alors que l'on valorise la tonne de vêtement recyclé à 7 000 € dans nos boutiques, elle n'est plus aujourd'hui que de 400 à 500 € la tonne sur les marchés africains" explique Pascal Milleville.

De plus, les négociants qui achetaient des stocks aux associations qui récupèrent, elles aussi, des vêtements, n'ont plus les moyens d'acheter ces stocks car les marchés de type africain sont engorgés. Les associations vont alors chercher à se débarrasser de ces stocks qu'elles ont sur les bras et "parfois, elles le font dans nos bennes" explique Pascal Milleville, "d'où cette accumulation dans nos Conteneurs".

Actuellement, Le Relais doit stocker des montagnes de vêtements dans des entrepôts, des stocks qui lui coûtent cher en attendant de pouvoir augmenter la capacité de sa chaine de recyclage : "Il faut dire aux donateurs que tout ce qui est collecté est recyclé à 99,5 %, vendu en local ou à l'exportation, ou transformé en isolant ou brûlé pour produire de l'énergie" tient à rappeler le spécialiste.

Du personnel supplémentaire à recruter

Même si le responsable de l'entreprise reconnait que les collectivités sont "plutôt, en général, assez compréhensives", se rendant bien compte que la filière textile est percutée par une grosse crise, il conçoit que la période est difficile à gérer. Il lui faudrait tout d'abord augmenter le nombre de Conteneurs pour éviter d'avoir des bennes pleines. "Actuellement, on a 25 000 bennes sur le territoire, on représente environ 55 % de la collecte en France. En Bretagne, c'est 1 900 bennes. Par exemple, on en a 350 sur Rennes Métropole alors qu'il nous en faudrait 500 à 600 actuellement" détaille Pascal Milleville.

Autre impératif : augmenter le parc de véhicules pour la collecte et le personnel pour absorber la masse de travail supplémentaire. L'entreprise n'a pas d'autre choix que d'embaucher des salariés [Le Relais Bretagne, c'est 190 personnes dont 145 sur le site d'Acigné, NDLR] afin de faire face, mais pour cela, il faut que l'État prenne en compte la situation de crise de la filière et accompagne l'entreprise avec les subventions nécessaires à l'embauche des salariés en situation de réinsertion.

Le Relais, membre d’Emmaüs France, est en effet un réseau d’entreprises qui agit depuis 40 ans pour l’insertion de personnes en situation d’exclusion, par la création d’emplois durables. Des emplois subventionnés à environ 50 % du salaire. Et là, même si des réunions ont lieu au niveau des fédérations et des instances de l'Économie Solidaire et Sociale et que des mesures devraient être prises, on sent que le responsable régional s'impatiente. "On tient, mais ce n'est pas facile" lâche Pascal Milleville.

Les consignes de dons

Petit rappel de ce que vous pouvez donner comme vêtement pour alimenter cette filière vertueuse du recyclage et de l'insertion prônée par Le Relais.

Vous pouvez déposer dans les conteneurs de petits sacs, remplis de vêtements et linge de maison, chaussures et petite maroquinerie (sacs à main, ceintures).

Le Relais demande, afin de préserver la qualité de vos dons et leur assurer une seconde vie, d'utiliser des sacs de 30 litres maximum (afin qu’ils puissent entrer dans les conteneurs), des sacs fermés, de donner des vêtements propres et secs.

Surtout, il ne faut pas déposer les sacs à côté des bennes car ils risquent d'être souillés, mouillés et moisis et ne seront donc plus recyclables. Si un conteneur est plein, repoussez à plus tard votre dépôt. Un message que Pascal Milleville nous demande de bien faire passer : "on a besoin, effectivement, déjà que les personnes qui nous mettent des vêtements dans les Conteneurs prennent en compte que quand il est plein, ce n'est pas la peine de déposer les sacs à côté, qu'ils attendent que le Conteneur soit vidé, ça générera moins de difficultés, ça permettra de préserver aussi l'image des collectivités qui reçoivent nos Conteneurs, et ça permettra également de préserver notre image à nous, parce que nous, on fait le boulot, mais on ne peut pas faire l'impossible".

L'emplacement du conteneur de Le relais le plus proche de chez vous est consultable ICI.

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