Le nombre d'avortement a progressé en Bretagne comme sur le plan national selon les chiffres du ministère de la santé. Mais en 2022, la région reste l'une où l'interruption volontaire de grossesse est la moins pratiquée. L'IVG est entrée dans la constitution mais les femmes ont-elles accès facilement à cette liberté ?
Le nombre d’avortement augmente en Bretagne. En 2022, 8761 femmes ont eu besoin d’une interruption volontaire de grossesse, contre moins de 8000 en 2021 ou 2020 dans la région.
Au regard des chiffres du ministère de la Santé, la hausse des IVG se constate également sur l’ensemble du territoire national.
L’année 2022 dénombre le plus haut taux de recours à des IVG depuis 1990. Précisement, 16,2 femmes sur 1000 femmes ont eu recours à une interruption volontaire de grossesse.
C’est dans les Pays de La Loire et en Bretagne que les femmes ont eu le moins recours à des IVG, seulement 12,9 pour mille.
Alors que le 8 mars 2024 la loi sur la liberté de recourir à une IVG est rentrée dans la constitution, l’avortement est-il accessible à toutes les femmes en Bretagne ? Notre journaliste Krystel Veillard a mené l'enquête. Voici son reportage.
L'avortement un sujet encore tabou
Dans notre région les chiffres diffèrent d’un département à l’autre. C’est dans les Côtes d’Armor que le recours à l’IVG a été le plus important de Bretagne en 2022 avec un taux de 14,9 pour mille quand l’Ille-et-Vilaine connaît le taux le plus faible, 11,8 pour mille femmes
Au planning familial, le téléphone résonne. L’une des professionnelles de l’association militante présente à Rennes prend le temps d’écouter une femme enceinte malgré l’usage d’un stérilet. Dans la salle voisine, Zoé, une jeune femme de 21 est enceinte depuis quelques semaines. Cette grossesse n’est pas envisageable actuellement. Elle consulte en vue de la stopper.
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En 2023 pour le département de l’Ille-et-Vilaine, près de 3700 femmes ont pris rendez-vous dans les bureaux du Planning familial de Saint-Malo ou dans les nouveaux bureaux de l’association à Rennes, au 35 bvd de la Tour d’Auvergne. Le but de ces demandes ? Apprendre, questionner autour de la santé sexuelle. L’avortement fait partie des raisons pour lesquelles des femmes et des couples ouvrent la porte du lieu.
Zoé est en rendez-vous avec Lucas, son compagnon. Le sujet reste délicat. Le couple préfère témoigner de façon anonyme. Si pour eux, les démarches s’avèrent assez simples, la décision n’est jamais facile à prendre. Un choix pour lequel les femmes attendent surtout d’être accompagnées, sans être jugées. “C’est déjà assez dur de faire cette démarche très importante. C’est dommage que cela soit autant tabou” soupire le jeune homme.
Une tendance à faciliter les IVG
Pour Céline Magne, sage-femme, il est important d’important au mieux les femmes qui font ce choix. “Nous pouvons proposer des contacts de psychologues en cas de besoin, ou une hospitalisation si cela est mieux pour la patiente”.
Depuis quelques années, les conditions d’accès à l’IVG se sont assouplies. “Nous sommes dans une tendance en France à faciliter l’IVG” assure le docteur Simon Girault, gynécologue à Saint-Brieuc. “Durant le Covid, il y a eu beaucoup de mesures pour permettre la réalisations des avortements, beaucoup de simplifications qui sont restées par la suite.”
Les IVG chirurgicales sont désormais possibles jusqu’à 14 semaines de grossesse, contre 7 semaines pour la méthode médicamenteuse.
Pour Alice Pasturel du planning familial de Rennes “les modifications vont dans le bon sens pour l’allongement des délais et le fait que les sages-femmes puissent pratiquer l’IVG instrumentale”.
Une méthode d’IVG qui peut se dérouler à l’hôpital, en clinique ou dans des centres agréés.
Des territoires oubliés
Mais si l’accès est garanti par la constitution à toutes ces pratiques, les territoires ne sont pas tous égaux. Des villes ne disposent pas d’hôpital, les formations de sages-femmes ne sont pas toujours au rendez-vous et le répertoire des professionnels pouvant pratiquer une IVG n’est pas toujours actualisé.
Si avoir accès à l’avortement est plus facile aujourd’hui que par le passé, il n’est pas aisé partout. À Rennes, en 2023, 24 femmes ayant consulté le planning familial ont dû avoir recours à des IVG dites “hors délai” à l’étranger. Elles ont dû se rendre le plus souvent en Espagne, en Belgique ou en Grande-Bretagne. Si en France les IVG sont remboursées à 100% par l’assurance maladie, pour une intervention à l’étranger le coût varie entre 2500 à 3000 euros. A cela il faut ajouter déplacement et hébergement.