Par voie de presse interposée, l’université Rennes-2 n’a pas apprécié les propos du préfet d’Ille-et-Vilaine Philippe Gustin, qui a dénoncé la présence de « terroristes » dans la fac rennaise. Cet échange discordial intervient juste après une autre polémique, entre le préfet et la maire de Rennes cette fois, après la manifestation contre la loi Immigration qui avait donné lieu à de nombreuses dégradations en ville, jeudi 25 janvier.
Tout a commencé jeudi 25 janvier. Une manifestation non-autorisée rassemble 450 personnes contre la loi immigration, en plein centre-ville de Rennes. Une manifestation qui a dégénéré vers 22 heures, avec des feux de poubelles et des magasins pillés.
Aussitôt, la maire de Rennes, Nathalie Appéré critique via les réseaux sociaux l’absence de réaction des forces de l’ordre.
Notre ville et nos commerces doivent être protégés. Les Rennais en ont assez ! Les moyens nécessaires au maintien de l’ordre et à la protection des biens et des personnes doivent être déployés.
— Nathalie Appéré (@nathalieappere) January 25, 2024
Piqué au vif, le préfet, Philippe Gustin, réagit devant la presse, le vendredi 26 janvier, en fin de journée. Il suggère à la police municipale d’intervenir. Problème : "Les textes interdisent purement et simplement aux polices municipales de se voir confier des missions de maintien de l’ordre", rappelle la municipalité.
Mais déjà, la polémique s’est déplacée sur un autre terrain. Le préfet s’en prend à l’Université Rennes 2, qui abriterait selon lui les agitateurs qu’on retrouve dans les manifestations rennaises.
"Les terroristes de Rennes 2". Le préfet tape du poing sur la table
"Ces terroristes ont pris leurs quartiers dans une université qui s’appelle Rennes-2. On savait exactement ce qui était en train de se préparer. On avait prévenu, en particulier le président de l’université, qui n’a pas jugé bon d’agir ", avait alors affirmé le préfet.
Dans une tribune publiée sur le site de Ouest-France ce mardi 30 janvier, Vincent Gouëset, le président de Rennes2, défend l’établissement de toute complaisance vis à vis des casseurs, comme l’a laissé entendre le préfet. "Toutes formes de violence, contre les biens et les personnes, ont toujours été condamnées et il est inconcevable de soupçonner les équipes de direction de les cautionner, voire de les encourager, alors même que l’université Rennes 2 est la première à en souffrir", écrit-il notamment dans cette tribune, co-signée par ses prédecesseurs à la tête de l'Université.
Un échange vif entre les deux camps
Les deux parties, préfet et président de la fac de sciences humaines, se sont rencontrées ce lundi 29 janvier.
Dans la foulée, l’université a déploré "les propos choquants qui ont stigmatisé toute sa communauté". Elle évoque également la consternation des personnels et étudiants et assure qu’elle veille à "préserver la sécurité des personnes et l’intégrité des biens". Enfin, elle déplore que les déclarations "portent atteinte à l’image de l’établissement", surtout à la veille de portes ouvertes.
Rennes 2 la rouge
Depuis une vingtaine d’années, l’université Rennes 2 jouit d’une réputation sulfureuse. CPE, Loi LRU, Parcoursup, de nombreux combats étudiants ont pris naissance ou ont connu un fort impact dans les allées du campus de Villejean.
Des groupuscules d’extrême gauche, souvent actifs en marge des manifestations rennaises lors de grandes batailles sociales et sociétales, sont bien implantés à Rennes2. C'est pourquoi le préfet a demandé au président de faire un peu le "ménage" sur son campus.
"Il y a un toujours eu un lien dans l’histoire entre les mouvements sociaux et l’université, concède Nathan Guillemot, vice-président étudiant à l'université Rennes 2 et membre du syndicat Union pirate Rennes. Maintenant, la présidence de l’université n’a pas vocation à faire du maintien de l’ordre, et donc à tout savoir ce qui se passe sur son campus (...). S’il y avait des activités de ce type-là, évidemment qu’elles ne se déclareraient pas auprès de la présidence de l’Université".
Le préfet est là depuis peu de temps et comprend mal comment fonctionnent les mouvements sociaux à Rennes.
Nathan Guillemot, vice-président étudiant à l'université Rennes 2 et membre du syndicat Union pirate Rennes
"Admettons qu’on ferme le campus et qu’il n’y ait plus du tout d’activité militante ici, les gens ne vont pas disparaître, ils vont s’organiser ailleurs, c’est donc juste repousser le problème" fait remarquer Nathan Guillemot. .
À noter que « DefCo » ou « Défense collective », que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin souhaitait dissoudre, tiendrait régulièrement séance sur le campus de Villejean. Et dernièrement, un atelier de « formation juridique » afin de savoir « comment se préparer pour une manif » et quoi faire « en cas d’arrestation » s’est tenu dans les locaux de l’université.
Rennes 2 est aussi l'un des plus importants centre de recherche et d’enseignement supérieur en sciences humaines et sociales, lettres, langues et art de l’Ouest de la France. Un lieu d'étude pour 22000 personnes.
La provocation du préfet, nommé à Rennes en août 2023, pourrait avoir des répercussions. Y compris sur sa carrière personnelle. A noter que ce haut fonctionnaire était candidat Les Républicains aux législatives de 2017, dans la 7ème circonscription des Français de l’étranger.
(Avec Eric Pinault)