Quelques jours après l'agression au couteau d'une professeure d'anglais au collège des Hautes Ourmes à Rennes, Christine Moulin, membre du syndicat national des médecins scolaires, dénonce un manque d'effectif dans ces services médicaux, qui ont pourtant "un rôle important dans le suivi individualisé des élèves, et en particulier en ce qui concerne la santé mentale"
Quelques jours après l'agression au couteau d'une professeure au collège des Hautes Ourmes à Rennes, la question du suivi médical des enfants est au cœur des débats. Après son arrestation, l'adolescente, auteure de l'agression a fait l'objet d'un examen psychologique et "son état nécessitait des soins en milieu spécialisé" a expliqué le procureur de la République, lors de sa conférence de presse du 15 décembre.
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La santé mentale des plus jeunes fortement dégradée
Depuis la pandémie de Covid, toutes les études montrent que la santé mentale des plus jeunes s'est fortement dégradée. En 2023 elle ne s'est pas beaucoup améliorée.
Une étude nationale inédite sur le bien-être et la santé mentale des enfants de 3 à 11 ans scolarisés en France métropolitaine, publiée en juin 2023, révèle que 13% des enfants en élémentaire présentent un trouble probable de santé mentale.
La dégradation de l'état de santé mentale concerne aussi les adolescents (11-17 ans) et les jeunes adultes (18-24 ans).
Selon Santé Publique France, "en septembre 2023, les passages aux urgences pour geste et idées suicidaires, troubles de l’humeur (épisodes dépressifs notamment) et troubles anxieux, ainsi que les actes médicaux SOS Médecins pour angoisse ont augmenté chez les enfants de moins de 18 ans et en particulier les 11-17 ans, comme habituellement en période de rentrée scolaire".
Un niveau excessivement élevé des troubles anxieux dans les établissements scolaires
Christine Mouin, est membre du bureau national du Syndicat National des Médecins Scolaires et Universitaires. Elle aussi constate la détérioration de la santé mentale chez les élèves. "On constate un niveau excessivement élevé des troubles anxieux, dépressifs, des idées noires et des idées suicidaires, même chez les plus jeunes" alerte la médecin scolaire. "Avant, ces diagnostics étaient à la marge, or depuis la rentrée on est beaucoup appelés pour cela. On pourrait même ne faire que cela ! " s'alarme la représentante syndicale qui ne cache pas son inquiétude pour cette génération qui donnera les adultes de demain.
Quel dépistage ? Quel suivi ?
En théorie, tous les enfants de 6 ans rencontrent une puéricultrice et un médecin dans le cadre scolaire. La réalité est tout autre. "Vus le nombre de médecins scolaires, on ne voit plus tous les enfants. Les enseignants réalisent des tests sur les prérequis, et les médecins ne rencontrent, la plupart du temps, que les enfants les plus en difficulté" explique Christine Moulin. L'état psychique des enfants est systématiquement abordé, assure, cependant, la médecin scolaire.
Les élèves de collège ou de lycée d'enseignement général, quant à eux, ne voient de médecins que lorsqu'une demande de consultation est effectuée par un membre du corps enseignant, un psychologue ou la direction. Christine Moulin regrette cette situation. "À force de ne pas avoir de médecins, les établissements font sans eux" constate-t-elle amèrement. "Pourtant, ça fait partie de nos missions de diagnostiquer les troubles psychiques."
Concernant l'affaire du collège des Hautes Ourmes, la syndicaliste explique ne pas connaître le dossier, mais elle estime, cependant, que "c'est une enfant avec des particularités et on aurait dû la voir".
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Seule exception, les élèves des lycées professionnels qui manipulent des machines potentiellement dangereuses. Ceux-là ont systématiquement rendez-vous avec un médecin qui leur établit un certificat d'aptitude. Là encore, la représentante des médecins scolaires indique que la santé mentale de ces jeunes est toujours abordée.
Dans les Côtes d'Armor, 67 % des postes de médecins scolaires ne sont pas pourvus
En Bretagne comme ailleurs, les services de santé scolaire vont assez mal, même si la situation diffère beaucoup d'un département à l'autre.
Les Côtes-d'Armor connaissent le pire sort, avec deux postes de médecin scolaire sur trois qui ne sont pas pourvus. En Ille-et-Vilaine, la moitié des postes sont vacants. Dans le Morbihan 1/3 des postes sont à prendre.
Seule exception à ce sombre tableau, le Finistère qui fait figure de cas d'école au niveau national. Car dans ce département tous les postes sont étonnamment occupés.
Les médecins scolaires sont les postes de médecins salariés les moins bien payés en France
Christine Moulin, syndicat national des médecins scolaires et universitaires
Pourtant les budgets sont là. Le problème est, en réalité, qu'il n'y a pas de candidat.
Pour le Syndicat National des Médecins Scolaires et Universitaires, il n'y a pas de secret "ce sont les postes de médecins salariés les moins bien payés en France".
Résultat : aujourd'hui, un médecin scolaire peut avoir entre 10 000 et 50 000 élèves à gérer dans son secteur.
En outre, les médecins doivent assurer un nombre considérable de missions. Pour Christine Moulin, il n'est donc pas étonnant qu'il n'y ait pas de candidat : "Les conditions de travail sont dégradées. Les médecins scolaires sont débordés, ne peuvent pas répondre correctement à leurs missions, et vont mal".
Les syndicats professionnels demandent donc une transformation du système et une amélioration de l'attractivité des métiers pour pouvoir recruter de jeunes médecins.