Moins de dealers, climat toujours électrique, la place n'est pas si nette dans le quartier du Blosne

Quel bilan tirent les riverains de l'opération "place nette" mis en place par la police pour faire revenir l'ordre dans leur quartier du Blosne à Rennes, miné par le trafic de drogue. Sur place, le sentiment est partagé. La tension est redescendue d'un cran, les dealers se sont déplacés mais leur pression est toujours présente. Témoignages.

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L’opération de police de grande ampleur pour rendre le quartier aux habitants est terminée. Pendant trois semaines depuis mi-avril, 60 forces de l’ordre étaient mobilisées chaque nuit à Rennes, sans compter les perquisitions menées en journée par le RAID, la BAC, la BRI, soutenues par les CRS pour interpeller des trafiquants de drogue dans le quartier du Blosne.

Si l'opération est terminée, un dispositif est toujours présent. Des voitures de police tournent près des arrêts de métro le long des canyons urbains. 

“L’opération de police a fait du bien”

Ce quartier du sud de Rennes est devenu le point de vente de drogue principal de Rennes. Il a fait la une de l'actualité avec une fusillade ou des individus vus avec des armes à feu près des écoles du quartier. Une dizaine de points de deal s’accumulaient aux pieds des immeubles et une lutte entre bandes rivales s’était installée.

Lire : “On va harceler les dealers” : 28 points de revente de drogue à Rennes sur les 32 du département

Alors qu'en est-il sur place après cette démonstration de moyen ? Nabil* et Sofiane*, deux hommes de quarante ans, vivent dans le quartier depuis leur enfance.

“Le trafic est revenu. Il a un peu bougé mais les dealers font toujours leur trafic et les consommateurs viennent tous les jours chercher leur anxiolytique” lâche Nabil, en regardant ces rues qu’il connaît depuis toujours.

“Les policiers ont fait du bien, la population est soulagée car le climat est moins électrique, il y a moins d’occupations d’immeuble par des dealers, sourit Sofiane mais le trafic continue, la place n’est pas ni nette”.

Depuis toujours mais en 20 ans leur quartier a changé. “Quand le préfet parle de narcotrafic, il a raison. Quand il envoie la police pour lutter contre les trafiquants, on se sent considéré mais les policiers ne restent pas. On attend du concret.” 

“Mais le trafic revient déjà”

“Cette réponse policière était nécessaire mais elle est ponctuelle. Pour rendre le quartier aux habitants, il faut s’impliquer sur le terrain et durablement” confie Nabil* qui s’excuse de ne pas avoir la solution miracle contre ce poison.

Les Haras résonnent. Ce cri qui surgit au pied de la place du Banat, point principal du trafic, indique aux vendeurs la présence d’intrus. Un journaliste n’est pas le bienvenu. Vouloir prendre une photo dans la rue n’est pas une action anodine. Ce geste naturel dans le centre-ville, ne l’est pas dans ce quartier.

Plus loin, Hamza*, 50 ans, cherche un peu de fraîcheur. Lui aussi a vu des CRS courir après des jeunes dealers autour des parcs et places du quartier. “Les CRS ne sont pas faits pour lutter contre les trafiquants. Ils ne sont pas assez rapides” regrette Hamza en prenant son café. “Je regrette la police de proximité. Eux, ils connaissaient le quartier, les habitants. Les parents étaient en confiance avec les agents. À l’époque, on ne laissait pas un dealer s’installer au pied d’un tour”.

Des investissements éloignés de la vie des riverains

Hamza* regarde le bâtiment flambant neuf financé par la ville. “Je crois que ça a coûté plus de 20 millions”. La ville de Rennes investit dans le quartier. Un centre culturel reluisant, un conservatoire de 5 000 m2 pour l’enseignement musical et l’accompagnement d’orchestre ou de danseurs est sorti de terre, à quelques pas de l’immeuble percuté par des tirs de kalachnikov. 

Pas certain qu’Hamza* estime que cet investissement soit celui dont le quartier avait besoin face aux dealers qui stressent encore les riverains. “C’est sûr que le quartier n’est pas oublié par les forces de l’ordre ou les gens de la mairie, mais ils n’y habitent pas. Face au trafic, c’est tellement compliqué que pour trouver un début de solution, il faut que cela passe par des actions auprès des besoins concrets des habitants”. Lui aussi souhaite du soutien aux associations de quartier et le retour d’une police de proximité. 

Lire : "C'est le vide qui permet au trafic de s'installer" Après la fusillade au Blosne, 200 habitants partagent un repas pour se réapproprier leur quartier

“La police ne peut pas toujours être là”

L’impression d’être guetté est prégnante au pied du métro. Difficile d'engager la conversation avec les riverains. Connaître leur sentiment sur leur vie de quartier pose problème à un groupe d’ados.

Arthur, 20 ans, s’arrête un instant à la descente du bus. “Les policiers sont partis et qui reprend l’espace…” constate l’étudiant en s’éloignant. “Si je pouvais, je prendrai un appartement ailleurs”

Tous refusent de voir la délinquance s’installer et regrettent que la police ne soit pas là en permanence. “Ils font du bon boulot, mais les consommateurs continuent à venir. Les policiers ne peuvent pas être toujours là. Si on avait plus de ponts entre la police, les actions des politiques locales et les besoins du quartier, cela pourrait aider” estime Hamza*, qui aime le Blosne.

L’opération “place nette” de la police a permis de redonner un peu d’espoir aux habitants. Ils espèrent que cette initiative soit le point de départ, précédant d'autres initiatives moins ponctuelles.
*Les prénom ont été modifiés

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