"On voit émerger une sorte de sous-droit de l'Environnement", dépénaliser certaines infractions environnementales, la suggestion du Sénat qui choque

Plus de pédagogie, dépénalisation de certaines infractions environnementales, droit à l’erreur. Dans un rapport, le Sénat veut « rééquilibrer » les missions de l’Office français de la biodiversité. Une exigence du principal syndicat agricole lors de la crise de février dernier. Les associations écologiques et la gauche n’apprécient pas.

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Souvenez-vous, c’était février et mars 2024. Pendant la crise agricole l'hive, l'OFB, office français de la biodiversité,  avait été critiqué par certains syndicats agricoles et plusieurs antennes locales avaient vu leurs bâtiments dégradés ou bloqués par du lisier ou des feux de pneus.

La FNSEA et les Jeunes agriculteurs avaient demandé fin janvier de "désarmer les agents" de l'OFB pour réorienter son action vers "la pédagogie".

Dépénalisation de certaines infractions environnementales... 

Dans un rapport rendu public ce mercredi 25 septembre, écrit par le sénateur LR Jean Bacci, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat reprend quelques-unes des doléances.

Elle suggère de "rééquilibrer les missions de l'OFB au profit de la prévention".

Les sénateurs prônent ainsi "une réflexion visant à dépénaliser certaines infractions environnementales afin de favoriser un meilleur équilibre entre police judiciaire et police administrative".

Un aspect qui choque les défenseurs de l'Environnement. "Il faut au contraire donner plus de moyens aux agents de l'OFB pour accomplir leur travail"

La dépénalisation de certaines infractions environnementales, c'est ce qui m'a choqué le plus. Il faut au contraire donner plus de moyens aux agents de l'OFB pour faire leur travail.

Maître Dubreuil, conseil de "Eaux et rivières de Bretagne"

... et droit à l'erreur

Les recommandations émises dans le rapport reprennent aussi certaines dispositions du projet de loi d'orientation agricole adopté fin mai par l'Assemblée nationale, resté lettre morte après la dissolution. Un amendement gouvernemental avait déjà révisé l'échelle des peines en cas d'atteinte à l'environnement, réservant "la qualification de délit" aux atteintes intentionnelles.

Les députés avaient aussi fait un pas vers un "droit à l'erreur" des agriculteurs, approuvant le principe d'une bonne foi "présumée" de l'exploitant en cas de contrôle.

Colère des agriculteurs. "L'écologie est le bouc émissaire de l'agriculture" dénoncent les défenseurs de l'environnement après les annonces de Gabriel Attal (francetvinfo.fr)

Les sénateurs reprennent cette idée et prônent "des contrôles pédagogiques sans verbalisation, en partenariat avec les chambres d'agriculture" ou encore de "développer les mesures alternatives aux poursuites".

Un aspect qui choque, là aussi, du côté des environnementalistes. "Il y a un côté paternaliste de venir dire aux agriculteurs ce qu'ils doivent faire, estime Maître Dubreuil, conseil d'Eaux et rivières de Bretagne et de France Nature Environnement. C'est bizarre, on voit émerger une sorte de sous-droit de l'Environnement, parfois appliqué, parfois non. C'est un mauvais message".  

Un rapport qui ravive certains clivages politiques 

Le rapport, écrit par le sénateur LR Jean Bacci, a été adopté par la majorité sénatoriale, une alliance droite centristes, avec le soutien du groupe macroniste.

La gauche s'y est opposée, estimant qu'une "majorité des recommandations semble se borner à envoyer des gages à une partie du monde agricole et à remettre en cause le fonctionnement et le travail des agents de l'OFB sur le terrain", selon un communiqué du groupe socialiste.

"À l'heure où on a l'impression que la République a abandonné la biodiversité, c'est un coup supplémentaire pour venir fragiliser toute l'approche de conservation", a regretté Cédric Marteau, responsable de l'association de protection de la nature LPO et administrateur de l'OFB.

Crise agricole. "Ce n'est pas pour emmerder le monde". Les agents de l'environnement défendent leurs missions (francetvinfo.fr)

Une police environnementale  affaiblie?

L'OFB compte 3.000 agents, dont 2.000 sur le terrain. Parmi eux, 1.700 inspecteurs de l'environnement disposent de pouvoirs de police administrative et judiciaire. A ce titre, ils font respecter les règles en matière d'usage des pesticides, d'arrachage de haies ou encore de respect des arrêtés sécheresse.

"Il y a des lois, elles s'imposent à tous", estime pour sa part Cédric Marteau. "Imaginez le policier qui vous dit "vous avez un peu bu, vous n'avez pas la ceinture mais pour cette fois ça passe..."

"On parle d'éco-terrorisme d'un côté, complète Maître Dubreuil, mais on ne sanctionne pas les gens qui violentent les agents de la DREAL. Ce la donne une image de beaucoup de confusion, ça fait du mal."

L'an dernier, l'Etat avait été condamné par le tribunal administratif de Paris à réparer sous un an un "préjudice écologique" lié à l'utilisation massive des pesticides dans l'agriculture, accusée de causer un effondrement de la biodiversité.

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