Lutter contre la disparition des terres agricoles et l’endettement des paysans. Tel est le but de l’association Terre de liens. Près de Rennes deux exploitants nous racontent leur installation et cette nouvelle approche du métier d'agriculteur.
Aujourd’hui, c’est ramassage de pommes de terre. À quatre pattes dans la terre, ils sont trois à remplir les paniers de patates. Demain, c’est le marché Sainte-Thérèse à Rennes où Erwann réalise 60% de son chiffre d’affaires.
Erwann Ravary s’est installé comme maraîcher bio à Boisgervilly en Ille-et-Vilaine il y a 2 ans et demi après une reconversion. Dans une première vie, il travaillait comme ingénieur industriel en Espagne pour le constructeur de bateaux Zodiac. "J’avais envie de changer. Ce n’était pas un ras le bol vraiment. J’attendais d’avoir une bonne idée", raconte le quarantenaire.
Une épargne solidaire
La bonne idée pour Erwann, ce sera l’agriculture biologique. Après une formation au Rheu, près de Rennes, il trouve une ferme à louer. Le précédent exploitant partant en retraite, les terres et le bâti agricoles sont à louer.
Ça me convient de ne pas être propriétaire, ça m’évite de m’endetter
Le loyer des 5 ha de terre et des bâtiments agricoles lui coûtent 1600 € par an. Le foncier agricole appartient à Terre de liens, une association nationale financée par des adhérents à hauteur de leurs envies. Une épargne solidaire.
En Bretagne, 54 fermes ont ainsi été achetées grâce aux fonds apportés par 4500 investisseurs. Pour louer ces terres, les agriculteurs s’engagent à respecter une charte, imposant du bio entre autres. Ce dispositif leur évite l’endettement d’un achat de foncier agricole. Le loyer en Ille-et-Vilaine se monte en moyenne à 105 € par hectare de terre et par an, selon l’association.
"L’agriculture est un métier de capitaliste, ironise Erwann Ravary. L’achat des terrains, des bâtiments et du cheptel sont vus comme un investissement pour la retraite. La revente de ces biens compte beaucoup au moment de la retraite, étant donné la faiblesse des pensions."
Grâce à nous, le paysan ne s’endette pas pour être riche à la retraite.
Éviter la spéculation immobilière
En achetant des terres agricoles, Terre de liens évite qu’elles ne soient dispersées au moment de la transmission de l'exploitation. Une fois propriété de l'association, ces champs ne peuvent plus être utilisés pour construire de l'habitat. Bloquer la spéculation immobilière, c’est ce qui a séduit Mathilde Simonneaux à Corps-Nuds, à une vingtaine de kilomètres de Rennes. L’agricultrice de 35 ans a repris la ferme de ses parents il y a cinq ans mais n’a pas racheté toute l’installation. Ses parents en ont vendu une partie à Terre de liens et leur fille en est devenue locataire.
Étant proche de Rennes, c’est un vrai enjeu de garder la ferme et qu’elle ne parte pas à l’immobilier.
La jeune femme y cultive des céréales, des pommiers et élève des moutons : "C’est important pour bien travailler d'avoir une unité agricole, que les champs soient groupés. Et il faut pouvoir garder des terres proches des grandes agglomérations pour nourrir les villes."