Alors que la majorité des Français se voit confinée une nouvelle fois, pour d'autres la rue reste le quotidien. Avec l'hiver qui approche, les difficultés se multiplient. Selon le dernier bilan de la nuit de la Solidarité (en 2019), 1076 sans-abri ont été recensés à Rennes.
"C’est la merde. La saison d’hiver commence et on a froid", lance Damien. Vagabond, c'est la façon dont se définit ce jeune Polonais, arrivé en Bretagne il y a huit mois. C'est vrai qu'avant d’atteindre notre région, il a arpenté de nombreux pays, comme l’Italie ou le Portugal.Le coronavirus, il le vit mal. Deuxième confinement... dans la rue pour ce jeune homme qui a pour seul compagnon, Fraya, sa chienne d’un an et huit mois. Depuis la crise, Damien sent la méfiance des passants.
Les gens ne donnent rien, peut-être à cause de la distanciation sociale, des règles d’hygiène… Avec les échanges de pièces de monnaies, les gens n’osent plus donner.
Une nouvelle précarité
Même s’il ne connaît pas grand monde à Rennes, Damien a remarqué que de nouvelles personnes faisaient la manche. La précarité, l’effet secondaire du coronavirus. Selon l’Insee, un million de Français ont basculé dans la pauvreté depuis le début de la crise.
C’est le cas d’Andreas, 45 ans. Papa d’une jeune fille au collège, il a accumulé les petits boulots : peinture, jardinage… Depuis mars, il est "dans la galère" et contraint de mendier. Pas facile pour ce père de famille, arrivé en France il y a trois ans. Il s'est installé à la sortie d'un supermarché et tente de recueillir quelques euros... pour manger.
Si Andreas et sa fille ont trouvé refuge en foyer, beaucoup de sans-abri à Rennes, dorment encore dans la rue, malgré le confinement.
Sur le terrain, les membres du réseau Entourage, association qui lutte contre l’isolement dans la rue, confirment la difficulté de ce deuxième confinement. "A l’approche de l’hiver, ce reconfinement est plus difficile, il y a des besoins spécifiques qui remontent", explique Quitterie Ducret, chargée de déploiement du réseau à Rennes. Les personnes sans abri "demandent des vêtements chauds, des couvertures, des chaussures".
L’association anime habituellement des événements de convivialité avec les personnes précaires. Depuis le confinement, impossible d’organiser ces atelier,s donc les bénévoles multiplient les actions sur le terrain, le mercredi et le samedi dans l’après-midi. "Pour combler les trous, ce sont des créneaux où peu d’associations circulent".
Après le confinement de mars, l'association a lancé en urgence “les Bonnes Ondes”. Le concept : une bande de voisins entoure une personne isolée et/ou précaire, grâce à des appels réguliers.On fait des rencontres nomades pour créer du lien social, on discute avec les gens qui en auraient besoin.
Les migrants sans-abri
Parmi les personnes en précarité, il y a aussi les personnes exilées..
"Lors du premier confinement, en quelques jours, tout le monde avait été mis à l’abri. Des hôtels avaient directement été mis à disposition pour les personnes à la rue. Il y avait eu un effort de fait. Là, ce n’est pas du tout le cas, il y a encore beaucoup de gens dehors malgré la période hivernale", confirme Carole Bohanne, militante du Mrap 35 (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples).
C’est plus difficile de faire comprendre ce deuxième confinement. Les gens continuent d’aller travailler, de sortir. Et les gens ne parlent pas tous français, certains n’ont pas d’attestations et se font donc verbaliser.
Des sans-abri à Rennes nous ont fait part de ce problème. "On m’a demandé de remplir mon attestation et d’indiquer une heure de sortie, mais c’est impossible vu que je vis dans la rue",
A l'approche de l'hiver, les associations attendent de nouvelles places dans les foyers d’urgence. Pour le moment,"il n’y a pas de place au 115, les services sont saturés, on espère que le 115 ouvre d’autres places", indique Perrine Créhen, coordinatrice de Utopia 56. Selon elle, des familles exilées sont encore à la rue.