Rennes : vis ma vie d'étudiant confiné

Fac fermée, resto U fermé, bibliothèques fermées... Les étudiants confinés doivent bosser leurs cours à distance. Pas simple quand on est confiné en cité U dans un studio de 12 mètres carrés. Plus de job étudiant, pas de sous, juste les cours, rien que les cours, et des examens en approche...

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On connaissait la méthode Assimil : apprendre une langue tout seul, chez soi, avec des bandes enregistrées, qu'on recevait par la poste... Oui, ça c'était avant. Sauf que maintenant,... bah c'est pareil.

Les étudiants d'aujourd'hui, confinés dans leur studio, assimilent tant bien que mal des kilos de PDF.
 

Ding ! Vous avez un mail... Boum ! 100 pages.


Oh maintenant on a internet. C'est rapide, c'est moderne, mais au fond, c'est pareil. Le télétravail, la panacée pour certains (terminé les transports, oubliée la cravate), une plaie pour d'autres (horaires à rallonge), une nécessité aujourd'hui au beau milieu d'une crise sanitaire. Et une galère pour étudier. 

Mathilde est étudiante en L1 en Aministration Economique et Sociale à Rennes 2. Elle est confinée depuis 14 jours dans son petit studio en résidence universitaire à Villejean. "Je ne suis pas sortie depuis le 17 mars, pas une seule fois."
 

J'avais un peu de nourriture d'avance, et mes seules courses depuis 15 jours, c'est l'association d'entraide "coeurs résistants" qui m'a livré, chez moi, des paniers repas de l'épicerie gratuite.


Elle n'a pas bougé de chez elle, parce que ok, c'est la règle, mais surtout, elle n'a fait que bosser, ou déchiffrer. "Je reçois des cours bruts, pas d'explication, rien. Vraiment c'est dur. Il m'arrive d'être désespérée."

Elle n'a contacté un prof qu'une seule fois, qui l'a aidée sur un point de cours qu'elle ne comprenait pas. "Je ne peux pas les appeler tous, ce n'est pas possible. Celui-là m'a donné un coup de main, c'est vraiment sympa. J'ai deux autres profs dont nous n'avons aucune nouvelle, aucun cours, aucun contact". 
 


Alsace, morne plaine deux point zéro


En face de chez Mathilde, un autre bâtiment de la cité U "Alsace", il y a des centaines de fenêtres. "Le soir je ne vois que deux ou trois fenêtres allumées, c'est tout. Tous mes voisins sont partis. Au bout du couloir, il y a une étudiante tchadienne, bloquée ici. Nous ne nous croisons jamais".

Mathilde aura vécu une première année de fac étrange, à distance. Fac bloquée à la fin de l'année dernière par le mouvement contre la réforme des retraites, mais aussi par un mouvement social des personnels enseignants-chercheurs, elle a passé ses examens du premier semestre en février, tous en distanciel, épreuves à rédiger depuis chez soi, en un temps limité.
 

On a déjà certaines dates pour les examens du 2ème semestre, et là encore, on passera ces examens à distance... On a l'habitude maintenant.


Isolement, solitude, et même parfois détresse psychologique, seuls devant la charge de travail brute, les étudiants confinés dans leurs petits appartement ne vivent pas des jours faciles. Plusieurs numéros d'appels ont été mis en place par des associations étudiantes, pour un peu de soutien et d'entraide, comme par exemple celui de la Fédération syndicale étudiante (FSE), ou par le service santé des étudiants de Rennes 1 / Rennes 2
  

Le nerf de la guerre


Plus de job étudiant, plus d'argent. Cela a été le cas pour Salomé, étudiante L2 en Histoire, elle aussi confinée dans un petit studio du domaine privé, à Rennes Villejean. Salomé travaille habitellement en intérim, mais là tout s'est arrêté.

Elle ne réside pas en cité U, donc pas de possibilité de report de loyer pour elle. "Je dois me débrouiller pour payer le propriétaire de l'appartement que j'occupe, et manger aussi, mais comme je n'ai plus de job, j'ai eu besoin d'aide."
 

Une aide qu'elle a trouvé auprès du CROUS, qui dispose d'un fonds d'urgence pour les étudiants en difficulté, qui peuvent toucher jusqu'à 1700 euros sur l'année. Pas facile à joindre, car les assistantes sociales du campus télétravaillent elles aussi, "mon dossier a quand même été approuvé rapidement. Je vais toucher une aide de 280 euros, ça me permet de voir venir" nous dit Salomé.

 
Autre action mise en place pour aider les étudiants, le sac de courses solidaire. Le bureau de l'Association de la vie étudiante de Rennes 2 (AVE) propose une aide de 10 euros pour faire quelques courses, remboursement sur facture.
 

Le risque des études à deux vitesses


Jeanne Thomas est étudiante en Master 2 à l'Institut d'Etudes Politique de Rennes, elle représente également les étudiants au conseil d'administration du CROUS de Rennes, pour le syndicat Solidaires. "Les dossiers se mettent peu à peu en place nous explique-t-elle, de l'argent arrive pour aider les étudiants les plus en difficulté."

100 000 euros versés par la région Bretagne, et 10 millions d'aide d'urgence annoncés par Frédérique Vidal, la ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche. De quoi parer au plus pressé. Reste un problème structurel d'inéquité entre un étudiant en précarité, qui doit travailler pendant ses études, et celui qui est confiné chez ses parents. Le confort n'est pas le même.

"Le confinement accentue les inégalités, explique Jeanne. Certains perdent un petit job, et se retrouvent sans ressources. D'autres sont appelés en renfort dans les supermarchés par exemple, pour remplacer des personnels absents.
 

Ceux-là croulent sous le travail, ils font des heures à rallonge, et doivent continuer de suivre leurs cours, parfois lire sur une tablette des PDF de 100 pages. Ils sont surchargés, stressés par des examens à venir dont les modalités ne sont pas encore clairement définies. 


 


Examens, discussions en cours


Sur la page Facebook des étudiants de Rennes 2, les échanges vont bon train. C'est une plateforme de publication d'informations utiles, de solidarité, ou même de partage de travaux universitaires et d'études. Les représentants des étudiants au conseil d'administration y publient régulièrement des informations.

Vendredi 2 avril se tenait une commission paritaire Formation et Vie Etudiante, en visio-conférence, comme il se doit. Orde du jour, les examens à venir : quand, et comment. Y siègent un collège d'enseignants, des représentants d'étudiants (Solidaires Etudiants, Union Pirate,...) et l'administration.

 
Ce premier cadrage rejette la possibilité d'une validation automatique du semestre 2, une proposition défendue par l'Union Pirate "compte-tenu de la situation exceptionnelle", explique le syndicat dans son compte-rendu. Puis vient la question du report des examens, d'une dizaine de jours, du 12 au 19 mai, au plus près du calendrier d'origine, "adopté par une large majorité". Puis vient le gros morceau : la modalité des examens.
 

C'est la que ça se corse. En gros la proposition de base c'est de convertir les examens terminaux écrits en examens à temps limité et à date/horaire fixe, tout en laissant la possibilité aux enseignant.e.s de convertir en devoirs maisons ou en oral. - Extrait du compte-rendu des représentants étudiants de l'Union Pirate - Armée de Dumbledore.


Une proposition controversée, devant les risques d'inégalité de traitement. Examen écrit, oral, durée limitée, étendue, problèmes de connexion, équité de la charge entre examens en ligne et devoirs maison... La situation est inédite même si Rennes 2 commence à accumuler un peu d'expérience en "examens distanciels".

Un consensus s'oriente vers une petite majorité de "devoirs maison", sur une période de 25 jours, dans un volume raisonnable pour chaque matière. Une satisfaction pour le collège étudiant, qui reste malgré tout  méfiant. "La première partie du cadrage est adoptée même si on laisse déjà entendre que le Conseil d'Administration de la Fac pourrait revenir dessus" précise le compte-rendu, ponctué d'un smiley dubitatif.

 

Une enquête sur le confinement


Le 26 mars dernier, l'université de Rennes 2 a ouvert une enquête anonyme en ligne sur les conditions de vie et d'étude de ses étudiants. Elle vient d'en publier la synthèse sur son site.
 

3468 étudiants ont répondu à l'enquête, soit 16% de l'effectif total de l'université Rennes 2 (21500 étudiants). Plus de 10% des répondants sont seuls dans leur confinement, et entre 10 et 15% ont des difficultés d'accès aux outils numériques (matériel, connexion).

Parmi les chiffres à retenir : 10% disent se sentir mal, ou très mal. Plus de 50% déclarent avoir des difficultés scolaires (35%), psychologiques (27%), pratiques (17%), et financières (14%).

Deux tiers d'entre eux se disent malgré tout satisfait par la continuité pédagogique de leurs enseignants- [Source enquête Rennes 2 : C. Piquée, P. Legris, F. Caillé, C. Gautier]
 

Les points d’alerte


Les enquêteurs ne se satisfont pas pour autant d'un résultat plutôt positif sur les questions de continuité pédagogique. Ils alertent sur le fait que les difficultés "scolaires, pratiques et financières signalées sont à mettre en lien avec la proportion importante d'étudiant.e.s (27%) mentionnant des difficultés psychologiques".  
 

Concrètement, les réponses font état de stress, voire de situations d'épuisement, en particulier pour les étudiant.e.s qui travaillent, ou ceux qui sont parents.


"Au-delà de l’anxiété liée à l’épidémie (peur pour soi et pour ses proches), la vie se trouve bouleversée et certain·e·s étudiant·e·s se disent débordé·e·s, perdu·e·s et inquiet·e·s. Et l’absence de visibilité sur les conditions de déroulement des examens a un effet amplificateur." [Source enquête Rennes 2 : C. Piquée, P. Legris, F. Caillé, C. Gautier]

Une décision sur la modalité des examens devrait intervenir en milieu de semaine, vers le 8 ou 9 avril.

 
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