Une centaine d'agriculteurs bio se sont mobilisés, ce jeudi 11 avril 2024, à Rennes, pour dénoncer le non-versement d'aides de la PAC. Cet éleveur, installé à Parthenay-de-Bretagne, est contraint de puiser dans ses économies pour se maintenir à flot.
"En ce moment, il manque de l’argent sur notre compte qu’on attend de la part de l'État. Presque 12.000 euros qui doivent être versés au moins depuis février." Jacky Savin est inquiet. Ce producteur de lait, installé en agriculture biologique, voit ses comptes bancaires virer au rouge.
Une partie des aides de la PAC (politique agricole commune) en faveur de l'agriculture bio ne lui a toujours pas été versée. La goutte d'eau qui fait déborder le vase pour ce paysan qui est contraint de puiser dans ses économies personnelles pour se maintenir à flot. "Financièrement, on fonctionne avec l’ouverture de crédits, avec des agios et on peut mettre en attente quelques factures mais les traites à la banque, elles, sont prélevées, les cotisations de la mutualité sociale agricole aussi" déplore l'éleveur.
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"Problème de logiciel", selon le gouvernement
Les agriculteurs bio reçoivent une partie des aides en automne et comptent sur le deuxième pilier de la PAC, en fait la seconde partie de ces aides, au printemps, lesquelles doivent être théoriquement versées à la mi-mars.
Le 21 février 2024, lors de l’ouverture du Salon International de l’Agriculture de Paris, le Premier ministre, Gabriel Attal, a pourtant assuré que "99,61% des aides ont été versées aux agriculteurs et nous serons à 100% d'ici au 15 mars".
"Toutes les aides sauf les aides à l'agriculture biologique dans le cadre des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC)" souligne le Centre d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural (CIVAM) sur Facebook, "des aides qui permettent d’accompagner les exploitations agricoles qui s’engagent dans des pratiques durables".
L’État assure que ces mesures agro-environnementales ont été débloquées et qu’il ne s’agit que d’un "problème informatique". Il évoque un "problème de logiciel" et des paiements qui ne pourraient arriver qu'en juin, voire septembre.
Mais l’éleveur d'Ille-et-Vilaine s'impatiente. Les autres aides pour des pratiques agricoles moins vertueuses ont été versées. "C’est à tomber de sa chaise" s'indigne-t-il.
Une centaine d'agriculteurs manifestent à Rennes
Jacky Savin a fait le choix de l’agriculture biologique. Ses vaches sont nourries à l’herbe. Elles produisent moins de lait mais peut-être mieux.
Les mesures agro-environnementales sont prévues pour rémunérer ce service rendu à la nature. "C’est un système qui est vertueux parce qu’on ne laboure pas les sols tous les ans, explique le paysan. Quand on dit qu’une prairie stocke beaucoup de carbone, une tonne à l’hectare, il y a les haies aussi qu’on n’a pas rasées. On en a planté."
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L'exploitant a donc rejoint la centaine d'agriculteurs devant la préfecture de Rennes, ce 11 avril 2024, venus exprimer leur mécontentement et leur colère face à ce retard de paiement.
Cette manifestation était organisée à l'appel du collectif MAEC 35 qui rassemble la Confédération Paysanne, Eaux et rivières de Bretagne, l'association CIVAM Adage et Agrobio35. "Légalement, les aides devraient être versées depuis le 15 mars de cette année et on attend. On ne souhaite plus attendre. On demande à l'État que ces aides arrivent le plus vite possible" alerte Sébastien Vetil, membre du bureau de la Confédération paysanne.
L'absence de ces aides a des conséquences importantes sur certains élevages, notamment économiques.
Vers une mise en demeure de l'État
Une délégation d'agriculteurs a été reçue par le secrétaire du préfet et un responsable de la DDTM. Ils sont ressortis "très déçus et en colère".
Sébastien Vetil a pris le micro pour annoncer aux manifestants qu'il n'y avait "pas de proposition concrète pour trouver des solutions. Il n’y a eu aujourd’hui que l’annonce qu’il y avait un problème de logiciel".
Légalement l'État doit respecter des dates pour le versement des aides
Sébastien VetilConfédération paysanne
À partir du 31 mai, les membres du collectif envisagent donc de mettre l'État en demeure si les sommes ne sont pas versées. "On va être en capacité de faire des recours juridiques contre l’État pour non-paiement, prévient le syndicaliste agricole. On va les mettre en demeure de nous payer parce que légalement ils doivent respecter des dates pour le versement des aides. Aujourd'hui, ils ne sont pas au rendez-vous" constate-t-il.
En Bretagne, près de 1.500 fermes seraient concernées par ce retard de paiement.
(Avec Séverine Breton)