En cette période de manque d'eau, les hydrologues de la DREAL surveillent les niveaux des cours d'eau. Leurs mesures aiguillent les préfectures dans leurs décisions face à cette crise. On les suit sur le terrain.
Munis de bottes et de radars, deux fonctionnaires multiplient les contrôles des cours d'eau d'Ille-et-Vilaine, département où la sécheresse est "exceptionnelle" en ce début août.
Leurs cuissardes remontées jusqu'aux hanches ne les protègeront pas plus haut que les chevilles : l'échelle graduée jusqu'à deux mètres et fixée sous un pont affiche pour la rivière Le Chevré, une profondeur de 98 mm, un niveau déjà observé mais "pas avant septembre" selon Fabien Simon, agent de la Direction Régionale de l'Environnement de Bretagne (DREAL), l'œil rivé sur un capteur de la petite station d'hydrométrie.
Tout part de nous.
David DanetDREAL
Son collègue David Danet enchaîne : "en juillet 2022, nous avons réalisé 132 jaugeages (en Bretagne NDLR), contre 39 l'an dernier", signe que la situation hydrique est critique en Bretagne.
Le jaugeage, comprendre le contrôle de la hauteur et du débit d'un cours d'eau, c'est la mission de ces deux hydrologues parmi les huit que compte la DREAL. "Tout part de nous", déclare M. Danet, qui se dit "bien équipé pour faire le travail".
Leurs outils ? Un radar installé sur le pont pour mesurer le tirant d'air, une sonde de pression pour le tirant d'eau, une canne équipée d'une hélice au prix d'une voiture neuve pour le débit, des planches flottantes équipées de doppler et un drone aquatique dont le coût dépasse les 100 000 euros.
Avec 200 collègues en France, David et Fabien effectuent des relevés adressés à l'Office Français de la Biodiversité (OFB), utilisés ensuite pour la prise d'arrêtés préfectoraux de restriction de l'usage de l'eau.
Sept mois déficitaires
David Danet refuse tout alarmisme et prévient qu'il faudra "des années" avant de pouvoir analyser la sécheresse 2022. Mais la préfecture d'Ille-et-Vilaine, elle, est inquiète. Contactée par l'AFP, elle assure que "sept mois globalement déficitaires en pluie à l'échelle régionale" ont été constatés depuis octobre 2021.
Et le mois de juillet a été catastrophique : les pluviomètres de Dinard et Rennes ont enregistré "un cumul de précipitations de 3% par rapport à la précipitation mensuelle moyenne".
Ces eaux de pluie ruissellent habituellement vers les barrages qui constituent 75% de la production d'eau potable en Bretagne, et dont les ressources "pour l'alimentation des réseaux publics est la plus préoccupante", toujours selon la préfecture.
Le retour à un écosystème normal après un assec prend des mois, voire des années.
Fabien SimonDREAL
Le regard perdu dans le Chevré amoindri, David Danet reconnaît "un petit risque que celui-ci s'arrête", comme un cours d'eau à sec près de Dol-de-Bretagne, le Guyoult, déjà tari en 2003 ou 2016.
Malheureusement, il ne suffit pas que l'eau revienne pour que la faune et la flore suivent : "le retour à un écosystème normal après un assec prend des mois, voire des années" prévient Fabien Simon.
Le Guyoult est en fait l'un des sept assecs (rivières ou étangs sans eau) du département en ce début août. Sans pluie d'ici à la fin de l'été, "il est possible" que l'on constate des assecs observés uniquement "lors de la sécheresse historique de 1976", dixit la préfecture.
Des stages en eau vive pendant les crues
Ils seront détectés par des stations automatiques comme celle du Chevré. Il en existe 170 en Bretagne, alimentant une base de données de hauteurs d'eau toutes les 6 minutes. Les binômes d'hydromètres quadrillent ce réseau pour vérifier le débit, inspecter les installations et les entretenir. Avec des risques liés à la circulation (ils travaillent souvent en bord de route) et à l'eau elle-même.
Pendant les crues notamment, auxquelles ils s'entraînent, conclut Fabien Simon: "on participe à des stages en eau vive, on nous jette à l'eau et il faut s'en sortir tout seul". A condition d'avoir de l'eau plus haut que les chevilles.