Des coups de feu ont été tirés dans un bus au centre-ville de Rennes, lundi 6 juin vers 20h. Un mineur a été blessé à la main. Encore choqué après plusieurs jours, le jeune chauffeur de 23 ans témoigne.
"J'ai entendu une détonation, j'ai cru à un pétard jeté dans le bus par des gamins" Fabien* était au volant de son bus ce lundi 6 juin place de la République à Rennes. Il est environ 20h, le jeune conducteur de 23 ans va entamer sa dernière tournée de la journée. Il entend un premier coup de feu puis un second dans son bus.
J'ai vu le sang par terre, le jeune de 15 ans blessé et deux douilles au sol.
FabienConducteur du bus
"J'ai plus entendu le deuxième tir, témoigne le jeune homme. En même temps j'ai entendu des coups de poing, ça résonnait dans les sièges." Une mère de famille se met à hurler. "Elle était accompagnée d'un enfant de 8-10 ans et appelait 'à l'aide', c'est elle que j'entendais le plus."
Au début, Fabien pense à "une femme battue". Dans la panique, les passagers descendent. C'est là que la scène s'éclaircit pour le jeune chauffeur. "J'ai vu le sang par terre, le jeune de 15 ans blessé et deux douilles au sol."
Tétanisé
Un souvenir de ces quelques instants qui restent, même après plusieurs jours, un peu flou dans son souvenir. Choqué, Fabien reste tétanisé durant quelques secondes.
Impossible pour lui d'agir. "Les gens hurlaient de faire quelque chose, se rappelle Fabien. Moi, j'avais le doigt sur le bouton d'appel, mais j'étais paralysé."
Une fois, l'appel passé au PC de la STAR, l'opérateur de transports publics rennais, "le temps m'a paru très long", se souvient-il. L'adolescent blessé est descendu du bus puis est remonté. Il s'est assis dans le bus pour perdre moins de sang."
Règlement de compte
Au bout d'une dizaine de minutes, qui a un goût d'éternité pour Fabien, du personnel de la STAR arrive pour le soutenir. Suivent la police nationale et les pompiers.
"D'après ce que m'ont raconté des passagers du bus, les jeunes qui ont tiré étaient déjà dans le bus depuis quelque temps. Apparemment, ils étaient deux, poursuit Fabien. Ils voulaient régler des comptes et ont disparu très vite."
Crises d'angoisse
Fabien, lui, se remet comme il peut de ce choc. Les crises d'angoisse sont toujours là. "Ça va mieux, je ne suis pas en super bon état, mais mon sommeil s'améliore." Il envisage de reprendre ce métier qu'il exerce depuis seulement deux ans.
Mais il ne sait pas quand il en sera capable parce que "pour l'instant, même quand je conduis ma voiture, je ne suis pas à l'aise", explique-t-il.
Dans cette épreuve, Fabien a reçu beaucoup de soutien. "Je suis très bien suivi. Beaucoup de gens sont venus vers moi : des collègues, des chefs. Des collègues ont exercé leur droit de retrait dès qu'ils ont été au courant de ce qui m'était arrivé, se console-t-il. Un soutien énorme, c'est génial !"
"Une figure d'autorité à bord des bus"
Aujourd'hui Fabien insiste sur la nécessité d'"une figure d'autorité à bord des bus". Car malgré des modules de formation à la gestion de situations de crises - théorique - "c'est autre chose lorsque cela arrive vraiment".
Dans son récit, le jeune-homme tient à saluer ce collègue du Mans, victime d'une violente agression le 1er juin.
On n'est pas des super-héros.
FabienChauffeur du bus
Et puis, il se rappelle la remarque d'un de ses formateurs : "Il nous disait 'La conduite, c'est 40% de votre métier. 60%, c'est du social.'" À l’époque, il en souriait. Depuis, il en a pris conscience.
Depuis ce lundi 6 juin, cet adage résonne pour lui d'une nouvelle manière. "On ne peut pas nous demander de nous assoir derrière un volant en espérant que la journée se passe bien. On n'est pas des super-héros."
*Le prénom a été modifié.