Elle a 25 ans et est à la fois flûtiste, batteuse, saxophoniste, rappeuse, danseuse, actrice et circassienne. Aloïse Sauvage manie aussi bien le verbe que le corps, et réussit à accorder tous ses talents pour la création des 40e Trans Musicales de Rennes.
"On n'a pas sorti d'album, on est tous nus, on a une certaine vulnérabilité, mais on est très touchés d'être là", résume Aloïse Sauvage, artiste en résidence des Trans 2018, qui sortira son premier EP au printemps. Habituée des "premières parties", la voilà aujourd'hui tête d'affiche, un an seulement après avoir commencé à "balancer des morceaux sur internet, dans l'esprit hip-hop".
Un défi qu'Aloïse, qui dit être "une acharnée du travail", a embrassé à bras le corps. "Il y a deux semaines, je finissais tout juste les maquettes de mes chansons et je rencontrais mes musiciens", raconte la "poly-artiste".
Sa création, présentée mardi lors de la générale, est un époustouflant mariage entre rap et contorsions dansantes, breakdance et corde lisse, l'artiste n'hésitant pas à instaurer un dialogue empreint d'humour avec son public. On la voit ainsi virevolter dans l'air, accrochée à son micro, le tout dans un habile jeu de lumières.
"C'est gagné, je le vois à la réaction du public, je suis très ému, d'autant qu'on a découvert ce soir des titres en avant-première", a confié Jean-Louis Brossard, cofondateur des Trans, à l'issue du spectacle.
Aperçue dans le film "120 battements par minutes", Aloïse Sauvage raconte avoir "lamentablement échoué" depuis un an à trouver "un quotidien régulier". Et de citer l'emploi du temps de ses folles semaines: "Il y a trois semaines, je tournais le lundi dans un film de Stanley Woodward, le mardi, j'étais en studio, le mercredi je tournais de nuit dans +Hors normes+, le jeudi j'auditionnais mes musiciens et le vendredi je faisais des répètes", énonce la rappeuse qui rêve d'une carrière où elle ne "s'enfermerait" pas dans un art.
"Enfance très remplie"
"J'aimerais être libre d'être qui je veux à tout endroit et à tout instant", assure la jeune femme, qui aspire à "proposer des concerts qui soient aussi des spectacles", dont on ressort "changé parce qu'il y a de la transpiration, du muscle, de l'envol".
Aloïse raconte volontiers son enfance "totalement normale" mais "très, très remplie" au Mée-sur-Seine (Seine-et-Marne). "Mon cerveau va très vite et peut faire beaucoup de choses en même temps", s'excuse-t-elle presque. "Mes parents, qui travaillent tous les deux dans l'Éducation nationale, ont été très aimants et très conciliants avec mes diverses activités".
D'abord la flûte à 7-8 ans, puis la "ribambelle" au collège: roller en skate park, breakdance, théâtre, batterie, saxophone... "C'était une volonté personnelle, mes parents ne m'ont jamais poussée", assure Aloïse, qui raconte avoir été baignée dans un univers à la fois très "hip-hop et banlieue" et très "classique", avec ses années de conservatoire.
"Enfant, j'avais déjà l'impression de rencontrer des gens très différents avec un brassage culturel qui m'a permis d'être à l'aise partout", estime-t-elle.
Parmi les artistes "inspirantes" qui l'ont marquée, la chanteuse cite Vanessa Paradis et Charlotte Gainsbourg. Pour les autres "références", elle préfère dresser un inventaire à la Prévert de peur d'être "enfermée" dans un style. Du chorégraphe suisse James Thiérrée, elle dit qu'il a "rendu possible" ce qu'elle avait "imaginé dans sa tête".
Sur le plan musical, celle qui dit porter une "attention particulière aux mots" écoute "de tout". Des rappeurs Luigi, Ichon et Jaden Smith, à Rosalia, Muddy Monk, Ibeyi ou Odezenne...
Chagrin d'amour, désir "dévorant", identité de genre ou sexuelle, Aloïse Sauvage raconte "sa vie" dans ses chansons. Certains combats lui tiennent particulièrement à coeur, comme la "lutte contre les discriminations" et la rappeuse admet volontiers son appartenance à la communauté "queer". Mais elle ne revendique pas pour autant de discours politique ou militant. "Je parle de ce qui me touche", assure-t-elle.