Alors que les négociations pour l'attribution des licences de pêches patinent entre Bruxelles, Paris et Londres, les pêcheurs se retrouvent dans un labyrinthe administratif et diplomatique qui leur échappe sans pouvoir plaider leurs dossiers.
Pierre Vogel, pêcheur malouin se désole; il se bat pour retrouver un accès aux eaux de Jersey et décrit un véritable labyrinthe administratif et diplomatique où tout lui échappe, sans aucune possibilité de plaider son dossier.
Voilà un mois qu'il est à quai, rongeant son frein en espérant sortir de la "liste rouge" sur laquelle les autorités de Jersey ont relégué son bateau. Sa licence de pêche, provisoire depuis l'accord post-Brexit de fin 2020, a été résiliée.
Un accord commercial entre Londres et Bruxelles qui n'aboutit pas
En vertu de cet accord, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans les eaux britanniques à condition de prouver qu'ils y pêchaient auparavant. Mais Français et Britanniques se disputent sur les justificatifs à fournir.
Paris réclamant encore une centaine de licences de pêche à Londres et aux îles anglo-normandes, le bateau de Pierre Vogel, le "welga" fait partie des dossiers jersiais jugés "prioritaires" par Paris, car ils concernent des pêcheurs dont l'essentiel de l'activité dépendait de l'accès aux eaux de l'île. En fait dans ce dossier tout le monde se renvoie la balle, les autorités de Jersey affirmant n'avoir fait qu'appliquer les règles, recalant les navires qui "n'ont pas été en mesure de justifier" une activité de pêche dans leurs eaux au cours de la période de référence fixée, du 1er février 2017 au 20 janvier 2020.
Pierre Vogel et son associé quant à eux ne savent pas "ce qui manque" à leur dossier. "Notre situation était compliquée parce que notre bateau [7 mètres, NDLR] n'avait pas de géolocalisation, pas obligatoire pour les moins de 12 mètres. L'ancien propriétaire était mort en septembre 2017. Il a fallu prouver que le bateau avait bien pêché auparavant dans la zone", explique Pierre Vogel.
Après l'accord du Brexit, le patron pêcheur a retrouvé les fiches de pêche prouvant une activité entre février et septembre 2017, dans la période de référence exigée. Son dossier est passé des Affaires maritimes à la Direction des pêches, puis à Bruxelles, seul interlocuteur de Londres et des îles anglo-normandes.
Et puis, après des mois d'incertitude, le couperet est tombé le 29 septembre 2021: liste rouge. Il doit cesser "toute activité de pêche dans les eaux de Jersey dans un délai de 30 jours".
Le casse-tête adminstratif
Pierre Vogel a aujourd'hui peu d'espoir.
Ma demande est légitime, affirme-t-il. Si je pouvais parler directement à Jersey, ce serait réglé, mais on nous interdit de le faire parce que c'est Bruxelles qui gère. D'autres pêcheurs, moins "bons élèves", sont allés à Jersey et ont vu leur dossier se débloquer. L'Europe n'arrive pas à nous défendre et ça fait peur.
la date limite pour les négociations est fixée au vendredi 10 décembre par la comission européenne.