Depuis sa création en 1961, l'OABA protège les animaux d'élevage et lutte contre la maltraitance animale. L'association dispose même d'un réseau de fermes qui hébergent vaches, moutons et autres cochons victimes de mauvais traitements et retirés à leurs propriétaires. C'est elle qui est intervenue, ce 30 janvier 2024, sur l'exploitation de Meillac, en Ille-et-Vilaine, où 60 bovins vivaient dans une mare de lisier, à l'abandon.
Après avoir été retirés de l'élevage de Meillac où ils vivaient dans une mare de lisier avec peu de nourriture à disposition, les 60 bovins sont désormais au sec, chez un éleveur d'Ille-et-Vilaine qui a accepté de les accueillir temporairement. "Le temps que le parquet de Saint-Malo, qui a été saisi, décide de la suite, explique Frédéric Freund, directeur de l'OABA (Oeuvre d'assistance aux animaux d'abattoir). La priorité, c'était de sortir les vaches du bourbier et de leur trouver un refuge où elles seront bien traitées".
L'opération de sauvetage des 60 bovins, ce mardi 30 janvier 2024, fut complexe tant les animaux, apeurés et parfois impossibles à approcher, ont donné du fil à retordre aux équipes de l'OABA, des services vétérinaires de la préfecture et de la brigade animalière des pompiers d'Ille-et-Vilaine.
Troupeau du bonheur
Protéger les animaux d'élevage, c'est la mission que l'association s'est fixée depuis sa création en 1961. Elle intervient soit sur réquisition de la justice soit à la demande des directions départementales de protection des populations (DDPP), autrement dit les services vétérinaires.
Elle abrite aussi un réseau d'une quarantaine de fermes qui hébergent les vaches, bœufs, moutons, cochons victimes de mauvais traitements et retirés définitivement à leurs propriétaires sur décision judiciaire. Un dispositif baptisé le Troupeau du bonheur qui compte actuellement plus de 500 pensionnaires en France.
Cet éleveur finistérien est l'un de ces hébergeurs. Le seul en Bretagne. Il s'est engagé dans la démarche voilà une quinzaine d'années, "par conviction". Il a recueilli quatre vaches en 2018, "dont une qui vivait attachée toute la journée à un piquet" raconte-t-il.
Pas simple, à leur arrivée, de les "remettre sur les rails. Elles étaient très maigres et en piteux état" témoigne cet homme qui souhaite garder l'anonymat "pour ne pas être dans le viseur de ceux que cela dérange". Il fait ce qu'il à faire, "avec le cœur, dit-il. Ces vaches ont désormais une belle vie, avec un suivi vétérinaire et de quoi passer le restant de leurs jours tranquillement".
Terrain glissant
Frédéric Freund, qui dirige l'OABA depuis 2006, a bien conscience que le terrain peut vite devenir glissant pour les exploitants. Entre déni pour les uns de leurs difficultés et acceptation pour les autres, l'association est confrontée à toutes sortes de scénarios lorsqu'elle se rend dans les élevages.
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Quand on retire les animaux, on en prend pour notre grade, tout le monde nous tombe dessus. Mais ceux qui critiquent, ils ont fait quoi en amont ? Rien !
Frédéric FreundDirecteur de l'OABA
Ce mardi, le délégué dépêché à Meillac par l'OABA s'est retrouvé, par exemple, face à des amis de l'éleveur venus, disent-ils "le défendre". "Le défendre, ok, mais quelques semaines avant, quand ils ont vu dans quelles conditions se trouvait le troupeau, ils auraient pu l'aider, non ?, martèle Frédéric Freund. Quand on retire les animaux, on en prend pour notre grade, tout le monde nous tombe dessus. Mais ceux qui critiquent, ils ont fait quoi en amont ? Rien !".
Il y a peu, l'association est intervenue chez un éleveur, non pas pour lui retirer ses animaux qui, explique-t-elle, ne sont pas mal traités, mais pour livrer du foin. "Il s'occupe bien de ses bêtes, relate Frédéric Freund. Seulement, il est pris à la gorge financièrement, il n'a plus les moyens d'acheter de la nourriture. On lui a donc apporté un camion de foin pour lui remettre le pied à l'étrier et ne pas le laisser le bec dans l'eau".
"Des éleveurs souvent seuls"
L'OABA constate une augmentation ces six dernières années des retraits de cheptels. De quelques interventions par an, elle est passée à près d'une quarantaine. "Les éleveurs qui perdent pied et savent tirer la sonnette d'alarme à temps, ils s'en sortent en général, observe le directeur de l'association de protection des animaux de ferme. Mais la grande majorité n'appelle pas à l'aide quand elle est dans la panade. De délicate, leur situation vire à la catastrophe".
Frédéric Freund estime que les moyens de repérage des élevages à l'abandon sont "insuffisants". "On est dans un système où les éleveurs sont souvent seuls avec une rentabilité économique fragile, constate-t-il. Ils ont très peu de trésorerie en réserve. Ils peuvent donc dévisser très vite".
"La ligne rouge de la société, c'est la maltraitance animale"
Selon lui, mettre en place des assistants ruraux dans les Chambres d'agriculture reste la solution. "Trois par département, cela coûterait entre 12 et 15 millions par an" indique celui qui rappelle aussi que les cellules départementales opérationnelles créées en 2018 pour suivre les exploitations agricoles en difficulté "ne fonctionnent pas comme elles le devraient. Pour la simple et bonne raison qu'elles ne disposent pas de moyens dédiés et qu'aucune embauche spécifique n'a été faite".
Un cheptel qui va mal, c'est souvent un éleveur qui va mal
Frédéric FreundDirecteur de l'OABA
Frédéric Freund pointe l'absence de volonté du gouvernement "qui préfère balancer de l'argent pour éteindre l'incendie plutôt que de travailler sur les causes. On a compris que sa ligne rouge, c'est d'éviter l'occupation de Paris" affirme-t-il, en référence à la colère des agriculteurs, lesquels resserrent l'étau autour de la Capitale. "Or, poursuit le directeur de l'OABA, pour la société, la ligne rouge, c'est la maltraitance animale. Mais, un cheptel qui va mal, c'est souvent un éleveur qui va mal. Ceux qui laissent crever volontairement leurs animaux, il n'y en a pas beaucoup".