Le Breton Nolwenn Courau va s'envoler pour Sacramento afin de représenter la France aux championnats du monde de boucherie. Déjà champion d’Europe et meilleur apprenti de France, le jeune boucher s'entraîne pour remporter le World Butchers Challenge. Rencontre.
Ne parlez pas de bidoche à Nolwenn Courau. Ce meilleur apprenti de France en boucherie, également champion d'Europe, porte haut les valeurs de la tradition de la découpe de viande à la française. Le jeune boucher s'entraîne pour la coupe du monde qui aura lieu à Sacramento du 2 au 5 septembre 2022. “Les autres nations redoutent la France dans les compétitions d’art de la bouche. Je suis le seul français dans ma catégorie. Je n’y vais pas pour regarder”.
Un champion taillé au couteau
Le parcours de Nolwenn Courau prend un virage en 2018 quand il remporte le prix du meilleur apprenti boucher de France.
“Une opportunité de dingue. J’ai gagné en visibilité et cela ouvre des portes” s'enthousiasme le jeune homme. “J’ai pu continuer ma formation chez des artisans bouchers de renom et découvrir leurs pratiques et les raisons de leurs techniques.”
Après un passage à Paris chez Romain Leboeuf, “je lui dois tant, pendant mes deux années avec lui j’étais une éponge pour apprendre le plus possible” souffle Nolwenn, le breton retrouve sa région pour une place chez Sylvain Desbois à Rennes.
“La maison Desbois, c’est le haut de gamme de la boucherie en Bretagne” tranche Victor Martinet spécialiste de la boucherie française. “Le jeune Courau est un futur grand talent de la boucherie française. Et il travaille avec une autre pépite, Paolo Desbois. L’énergie est bonne. Réunis, ces deux-là vont faire des étincelles.”
En équipe de France de boucherie
Nolwenn Courau fait partie de l’équipe de France de boucherie. Il a remporté en novembre dernier le titre de champion d’Europe par équipe. L’occasion d'échanger avec d’autres grandes lames de la profession. "Participer à des concours me permet de rencontrer des artisans bouchers de grand talent et de continuer à apprendre”. Continuer son apprentissage, toujours, et travailler ses points faibles. Nolwenn s'entraîne sous le regard de son ami et collègue Paolo Desbois. “Je lui dis où il y a du mou dans sa pratique. Là où il peut encore gagner en efficacité et en précision”. Paolo Desbois, médaille d’Or aux Olympiades des Métiers, connaît l’exigence des grandes compétitions.
Alors Nolwenn, aiguise, tranche, dispose, assaisonne les veaux, cochons et volailles qui seront demandés aux 15 candidats et candidates en lice pour le Graal dans le Golden Center de Sacramento, le stade de basket de la ville qui recevra la compétition.
Pour impressionner le jury américain, Nolwenn Courau a déjà réfléchi à ses préparations et à ses présentations. Pour son ami Paolo, “Nolwenn est parti sur une proposition très ambitieuse”. Le compétiteur, déjà excité par l’événement détaille “Je vais arriver avec un présentoir géant que j’ai conçu pour l’épreuve” confie Nolwenn Courau. “Si c’est parfait cela va impressionner. Mais si je rate une préparation, cela va se voir “.
La découpe au millimètre près
L’épreuve pour le titre meilleur apprenti du monde dure 2h30. Pour s’adapter à l’exigence de cette compétition, Nolwenn doit transformer sa technique. “La tradition française, c’est l’exigence, la précision, le tracé droit et la valorisation de chaque morceau” s’emballe Nolwenn.”Mais à l‘étranger, l’art de la boucherie passe par plus d’assaisonnement, de hachage, de marinade. Eux, c’est moins fin, ils tapent dedans.” Les délais pour la découpe ne sont pas sur les standards français. La compétition impose des temps extrêmement courts pour la préparation des pièces de viande.
Afin d’affiner chaque geste, Nolwenn Courau fait venir sur ses séances d'entraînements des experts. Pour cela, le jeune boucher peut compter sur la solidarité présente entre artisans bouchers et charcutiers. “De grands noms sont venus sur mes séances d’entraînements. Par exemple Monsieur Dumont qui prépare le meilleur ouvrier de France charcutier, m’a donné cette idée de la planche avec une règle”. Découper des morceaux à la vitesse imposée par le concours peut décaler une coupe d’un millimètre. Au bon ouvrier, les bons outils : Nolwenn Courau dispose donc sa règle devant sa viande, pour être certain que chacun de ses morceaux soit à la taille parfaite.
L’ambition de Nolwenn Courau est de conserver la précision et la finesse de la boucherie française en réussissant des découpes ultrarapides.
Ramener le titre en Bretagne, encore une fois
Lors de cette séance d'entraînement, sur le plan de travail méticuleusement préparé dans le laboratoire de la Boucherie rennaise, la carcasse d’agneau est découpée, hachée, embrochée, pendant une heure. “Six minutes de trop, lance Paolo, tu as pris trop de temps pour tes côtelettes. Tu as répété certains gestes.”
Pour être dans les meilleures conditions Nolwenn a reproduit, dans le sous sol des Halles centrales de Rennes, le futur plan de travail qu’il aura à Sacramento. “Je répète les gestes encore et encore pour être extrêmement précis le jour de l’épreuve. Je veux être dans les mêmes conditions. Ma chance est de travailler pour un patron qui me donne carte blanche pour ma préparation et dans mon métier. Cela me permet de m'épanouir."
La compétition du World Butcher Challenge est mixte. Face à lui Nolwenn Courau aura deux candidatures redoutées. L’Italie et l'Angleterre sont représentées par deux jeunes bouchères qui ne sont pas là par hasard.
Autre motivation pour le jeune boucher rennais, le dernier vainqueur du titre mondial était un breton, Thomas Guyomar. “Pas moyen de revenir sans la médaille d’or. Je compte bien ramener le titre en Bretagne”.
À partir de septembre, Nolwenn aura son premier apprenti. “Cela va être à mon tour de transmettre. Après toute la chance que j’ai eue dans mes rencontres et mon apprentissage, c’est bien normal” sourit le jeune boucher.