La fin du masque signe- t-elle la fin des usines de masques ? La Coop des masques en redressement judiciaire

Il y a deux ans, jour pour jour, le 17 mars 2020, la France vivait sa première journée de confinement et de panique. Alors que les premiers cas de Coronavirus étaient diagnostiqués dans le pays, les masques chirurgicaux et FFP2 faisaient cruellement défaut. Il n’existait plus une seule usine de masques ! Aujourd’hui, la Bretagne à elle seule en compte cinq. La Coop des masques est en difficulté. Elle vient d’être placée en redressement judiciaire.

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"C’est fou, il y a deux ans, tout le monde cherchait désespérément un bout de tissu à placer devant son nom et sa bouche, et aujourd’hui, on se demande s’il n’y a pas surproduction" s’étonne Patrick Guillemot, directeur général de la Coop des masques.

Le 23 février, la coopérative a été placée en redressement judiciaire par le Tribunal de commerce de Saint-Brieuc.

Une aventure industrielle

Au tout début de la crise sanitaire, le projet de coopérative de masques est lancé par d’anciens salariés de l’usine de Plaintel fermée en 2018 par Honeywell. Un millier de citoyens répondent à l’appel et achètent des parts dans la société.

En juin 2020, la future Coop s’installe dans ses locaux à Grâces, près de Guingamp et commence à recruter. En janvier 2021, elle produit ses premiers masques chirurgicaux et FFP2.

Mais les difficultés ne tardent pas. Les hôpitaux, premiers consommateurs de masques chirurgicaux, continuent d‘acheter des masques en provenance de Chine. La coopérative bretonne ne peut pas rivaliser avec les tarifs asiatiques.

En septembre 2021, la Coop des masques appelle à l’aide. Sans commandes rapides, elle devra déposer le bilan. Cette fois, les collectivités jouent le jeu. En aout, le chiffre d’affaires ne dépassait pas 70 000 euros, en octobre, il grimpe à 200 000.  La société sait qu’elle n’est pas sauvée pour autant.

Un investissement trop lourd ? 

En ce début d’automne 2021, La Coop des masques a investi plus de trois millions d’euros dans une machine pour fabriquer le meltblown, ce textile non tissé, qui sert de filtre dans les masques.

La machine a été livrée, mais, six mois plus tard, elle est toujours dans les cartons. Pour la monter, la mettre en route, effectuer quelques semaines de tests, la coopérative aurait besoin de fonds. Un million d’euros qu’elle n’a pas.

"L’objectif de cette machine explique Patrick Guillermot, le directeur général de la coopérative, c’était de sécuriser nos approvisionnements. On aurait utilisé un quart de sa production pour fabriquer nos masques et on aurait revendu le reste à d’autres entreprises. Cela nous permettait d’être indépendants. "

Le Tribunal de commerce de Saint-Brieuc accorde six mois à l’entreprise pour trouver des investisseurs et des industriels pour mettre en route la machine.

Le grand inconnu

"La difficulté c’est que l’on ne sait pas où on va " témoignent les fabricants de masques. "Il n’y a pas si longtemps, personne ne trouvait de meltblown. Aujourd’hui, dans différents pays d’Europe, en Allemagne, en Espagne, au Portugal, plusieurs installations de meltblown sont à l’arrêt parce qu’il y en a trop. Chaque état européen a encouragé ses industriels à investir, et maintenant, nous sommes en surproduction."

"Mais ce qui est compliqué, déplore Patrick Guillermot, c’est que notre atelier masques fonctionne très bien. Nous avons plein de commandes de collectivités qui ont décidé de privilégier l’achat de masques locaux dans leurs appels d’offre. Nous avons donc signé beaucoup de contrats mais nous sommes en redressement !"

Un regain de l’épidémie

Au téléphone, Serge Avetand, le directeur commercial et technique de Protect-Me à Ploudaniel dans le Finistère, qui fabrique les masques Diwall, a la voix prise et s’interrompt parfois pour tousser. "J’ai le Covid avec tous les symptômes qui vont bien, s'excuse-t-il. Je ne suis pas sûr que c'était vraiment le moment d'enlever les masques, on voit bien qu'on en a encore besoin !". 

Depuis le 14 mars, le port du masque n'est plus obligatoire dans la plupart des lieux publics. Aujourd’hui, Diwall produit 55 000 masques par jour. "Le marché va se réguler" analyse Serge Avetand, persuadé que les masques ont un avenir. "Même si le coronavirus nous laisse un jour tranquilles, il y aura toujours besoin de masques chirurgicaux et FFP2. La question, c’est de savoir si on souhaite qu’ils soient fabriqués chez nous ! Aujourd’hui, dans tous les appels d’offre, la priorité c’est le prix et pas l’origine du produit. "

Ré-industrialisation en cours

Pour ses masques Diwall, l’entreprise a sourcé des fournisseurs français, à Melrand dans le Morbihan, à Lyon ou Saint-Etienne. " Notre volonté c’est de produire un masque 100% bleu-blanc-rouge. Nous avons commencé à ré-industrialiser, il ne faut pas lâcher maintenant "insiste le directeur commercial qui y voit une question de souveraineté, de sécurité, d’emplois et d’écologie. "Pourquoi aller chercher à des milliers de kilomètres des produits qui peuvent être fabriqués à notre porte ?"

"Maintenant conclut le directeur commercial, la balle est dans le camp des pouvoirs publics quand ils passent commande. Il ne s’agit plus de s’interroger : est ce que les entreprises vont tenir, mais sommes-nous prêts à payer le prix ?"      

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