Des incendies qui ravagent des hectares entiers, des arbres qui perdent leurs feuilles en plein été. Les coups de chaud de cet été 2022 et la sécheresse ont fait souffrir les forêts bretonnes. En 50 ans, la température dans la région a grimpé d’un degré. Les arbres sont à la peine.
Après quelques kilomètres sur un chemin de pierre, Alain de Rengervé stoppe sa voiture. L’entrée de ses bois se trouve là. Une belle allée s’ouvre. Mais après quelques centaines de mètres, il se retrouve au milieu de troncs nus, d’arbres qui dépérissent.
Un jour, en 2018, le propriétaire forestier est venu voir comment ses arbres résistaient à la chaleur. Il a eu un choc. La cime des arbres était toute déplumée, les feuilles tombaient, les branches étaient malades.
Ses châtaigniers souffrent de la maladie de l’encre. Ils sont attaqués par un micro-organisme invisible à l’œil, le phytophthora.
Ce faux champignon dévore les petites racines qui permettent à l’arbre d’aller puiser l’eau et les oligo-éléments dans le sol. Privé de ses ressources, l’arbre n’arrive plus à monter sa sève jusqu’à son sommet. Sa tête dépérit, puis le reste suit. La châtaigneraie est condamnée, il faut l’abattre.
Le réchauffement climatique et son lot de maladies
"Ces dernières années, explique Jean-Marc Carreau, technicien forestier Centre Régional de la Propriété Forestière Bretagne - Pays de Loire, l’encre s’est trouvé un redoutable allié : le réchauffement climatique. Les hivers doux l’aident à survivre dans le sol. Quant aux étés de plus en plus chauds, et de plus en plus secs, ils affaiblissent les arbres et facilitent donc ses attaques. "
Cela fait des années que les forestiers ont vu les effets du changement climatique. Cet été, ça a simplement été encore plus terrible. Dans le Morbihan, le thermomètre est monté jusqu’à 42 degrés. Le déficit en pluie est, suivant les zones de 40 à 60%.
"Quand ils sont en stress hydrique, les arbres commencent par se mettre en mode économie, décrit Jean-Marc Carreau. Ils laissent tomber leurs feuilles parce que c’est par là qu’ils transpirent. En temps normal, il puise l’eau dans le sol par ses racines puis la sève monte. Un chêne, par exemple, a besoin de 150 litres par jour. Quand il n’y a plus assez d’eau, il réduit sa surface de transpiration en se débarrassant de ses feuilles et stoppe sa croissance. Les arbres sont fragilisés et évidemment, les prédateurs en profitent."
La théorie du boxeur
Et le forestier poursuit, "quand un boxeur monte sur le ring, il prend un coup, puis deux, puis trois... à un moment, il tombe. Ce n’est pas le 6ème ou le 7ème coup qui le font tomber, c’est la succession de tous ceux qu’il a pris. Les arbres, c’est pareil, résume Jean-Marc Carreau. Ils peuvent supporter un épisode de chaleur, un moment de sécheresse, une attaque d’insectes ou de champignon, mais à un moment, ils succombent."
Dans la parcelle de Campénéac, le phytophthora est dans le sol. Impossible d’envisager y replanter des châtaigniers ou des chênes, ce serait trop risqué.
Des arbres méditerranéens à la rescousse des forêts bretonnes
Alors, quitte à reboiser, Alain de Rengervé envisage de planter des pins laricio et des cèdres de l’Atlas. Des essences venues de Corses pour les premières, du Maroc et d’Algérie pour les autres. "Ces arbres seront plus résistants à la chaleur et à la sécheresse et ne sont pas touchés par l’encre", rassure Anne-Pernelle Duc, ingénieure forestier au Centre Régional de la Propriété Forestière Bretagne - Pays de Loire.
Alain de Rengervé a déjà planté une parcelle avec ces espèces. Il surveille leur croissance de ses arbres. Ils poussent bien, se réjouit le propriétaire forestier. Ils ont 6 ans et font déjà une bonne taille.
Anne-Pernelle Duc s’occupe de l’étude sur l’évolution du climat en Bretagne-Pays de la Loire et de ses conséquences sur la forêt régionale. "On se projette dans l’avenir en se disant, si on a plus un ou plus deux degrés, quelles essences sont les plus à même d’être bien climatiquement ? "
"Des changements climatiques, la terre en a déjà connu, mais c’était à une autre échelle, continuent les forestiers. Les arbres peuvent migrer de 100 mètres par an vers le sud ou vers le nord pour s’adapter aux conditions météorologiques. Le souci, c’est que là, ça va trop vite, il faut qu’on aide les arbres à se déplacer. "
Mais ils préviennent, si les pins laricio ou les cèdres de l’Atlas supportent mieux sécheresse et coups de chaud, il faut tout de même que l’on fasse attention. Un jour, la nature ne pourra plus corriger nos excès.