Le tribunal de commerce de Rennes a prononcé le placement en redressement judiciaire de la Fonderie de Bretagne. Ce n’est pas une surprise pour les 350 salariés, qui avaient fait le déplacement en nombre la veille pour assister à l’audience et montrer leur détermination à sauver leur entreprise. Ils ont désormais quelques mois pour trouver un repreneur…
"Il y a déjà des noms de repreneurs qui circulent" rassure, ou tente de rassurer, Maël Le Goff. "Dont un qui est amené par l’État…" mais le secrétaire général de la CGT veut garder la tête froide après les semaines difficiles que la Fonderie vient de traverser.
"Le redressement, c’était la moins mauvaise des solutions" souffle-t-il. "Cela nous laisse une chance de trouver un potentiel repreneur. Jusqu’ici, il n’y avait qu’une négociation exclusive entre Renault et Private Assets, maintenant, le jeu est plus ouvert."
"On veut des garde-fous"
Le 5 décembre dernier, dans un courrier envoyé aux 350 salariés du site, la direction de la Fonderie de Bretagne avait dénoncé le rôle de Renault, créateur et principal client de la Fonderie, dans l’échec des négociations avec Private Assets, repreneur intéressé : "Renault condamne l'entreprise à très court terme". Le groupe automobile, dont les commandes représentent aujourd’hui 95 % de l’activité de la Fonderie, avait refusé de s’engager sur un volume de commandes pour les années à venir. Sans engagement du constructeur, le repreneur s’est retiré. Le 15 janvier 2025, la Fonderie a été déclarée en cessation de paiements.
"Alors aujourd’hui, on veut des garde-fous", prévient Maël Le Goff. "On souhaite un repreneur qui reprenne tous les emplois et qui diversifie notre activité pour ne pas retomber dans le travers de ce qui vient de se passer. Il faut qu’on ait plusieurs clients…"
Des obus à la Fonderie de Bretagne ?
"Ce redressement, c’est une chance qu’il nous faut saisir, affirme aussi Jean-Michel Jacques, député de la 6ᵉ circonscription du Morbihan. Tant que le match n’est pas fini, il y a de l’espoir. Il faut tout faire pour sauver la Fonderie et ses emplois."
"J’ai les délégués syndicaux au téléphone tous les jours, dit-il. Si la Fonderie disparaissait, ce serait un gâchis industriel, humain et un véritable problème de souveraineté pour notre pays. Un jour, la France n’aura plus du tout de fonderie. On fera comment ?"
Le député est aujourd’hui le président de la Commission de la Défense nationale et des forces armées. Dès 2022, quand les difficultés de l'atelier de Caudan sont apparues, il a fait le lien entre les problèmes de la Fonderie de son territoire et les soucis d’approvisionnement de la France et de l’Europe en obus. "J’ai contacté la Direction Générale de l’Armement et je leur ai dit, venez voir…"
"La Fonderie pourrait faire des obus… Et c’est là aussi une question de souveraineté, insiste le député, un pays qui ne peut plus fabriquer ses propres armes, il ne peut plus se défendre !"
Des garanties de Renault toujours nécessaires
"Mais pour que la Fonderie fabrique des obus, il faut que Renault continue à assurer une partie du plan de charge, précise l’élu. Ce n’est qu’en étant assurée d’avoir une activité de fond, qu’elle pourra se diversifier, trouver d’autres clients."
Le député reconnaît sans difficultés que des pressions sont exercées "au plus haut-niveau de l’Etat "sur le groupe automobile.
Nous refusons que la fonderie de Bretagne devienne le symbole de la désindustrialisation et de l’impuissance de l’Etat face aux grands groupes.
— Sophie Binet (@BinetSophie) January 2, 2025
Députés, syndicats et patronat : coalition inédite pour défendre les fonderies et appeler @EmmanuelMacron à intervenir sur @renault_fr pic.twitter.com/w5jkkehfBQ
"Nous attendons encore un miracle de Renault, espère Fabrice Loher, le maire de Lorient. Un courrier trans partisan a été adressé au président de la République. Renault n’est pas une entreprise comme les autres. C’était une entreprise nationale, elle ne doit pas oublier qu’elle a bénéficié d’argent public. On ne peut pas exclure qu’elle en ait besoin demain, si elle ne soutient pas la Fonderie, nous saurions lui rappeler et lui rendre la monnaie de sa pièce", menace à demi-mot le maire.
Un outil modernisé
"À un moment où le pays est engagé sur la voie de la réindustrialisation, poursuit-il, nous avons là une entreprise qui est sur le territoire, qui a une activité stratégique, pour la filière automobile et peut-être demain pour la défense et qui fait des efforts de modernisations, on ne peut pas s’arrêter là."
"C’est clair, on a un avantage, c’est que tout est neuf, précise Maël Le Goff… On est prêts à tourner. Il n’y a pas d’investissement à faire."
"La modernisation du site est un atout, confirme le député Jean-Michel Jacques. En termes d’économies d’énergie, on a déjà réduit de 12%. Et ce n’est que le début. Cela rend la Fonderie très compétitive sur le plan énergétique. Les fonderies allemandes sont beaucoup plus en difficultés que nous. Avec cette trajectoire vertueuse, la Fonderie pourrait même faire venir des plans de charge d’Outre-Rhin."
"On a même un projet d’installation de panneaux photovoltaïques sur le site pour alimenter la Fonderie, ajoute le maire de Lorient. C’est assez spectaculaire ce qui se passe. L’agglomération de Lorient et la Région Bretagne, sont prêtes à aider financièrement le projet. Il faut que la Fonderie poursuive son activité. On est au milieu du gué, il y a déjà eu tellement d’efforts accomplis."
Le tribunal de commerce de Rennes réexaminera la situation de la Fonderie de Bretagne le 12 mars, pour poursuivre la période d'observation ou décider d’une liquidation judiciaire si son redressement s'avérait impossible.
Ne pas baisser les bras
Demain, samedi 25 janvier, à 9h30 un rassemblement est organisé à Inzinzac-Lochrist, sur le site des anciennes Forges d’Hennebont," là où toute notre histoire a commencé, explique Maël Le Goff. On appelle la population et les élus à nous rejoindre pour défendre notre outil."
La Fonderie de Bretagne est menacée de fermeture suite à la décision de Renault de délocaliser sa production. Il faut agir pour préserver notre savoir-faire. Nous appelons l'État à intervenir pour garantir un avenir à ses 300 salariés ! Je serai à leurs côtés samedi ! https://t.co/zOTJzg9qcz pic.twitter.com/Pr0xKJzTuL
— Murielle Lepvraud (@MLepvraud) January 22, 2025
"Ici, la Fonderie, c’est comme l’Arsenal, toutes les familles ont un lien intime avec l’une ou l’autre, conclut Fabrice Loher… Nous serons là !