Ce sera le premier parc éolien flottant sur les côtes françaises, alors, forcément, le projet d’installation de 13 éoliennes au large de Belle-Ile-en Mer dans le Morbihan suscite des inquiétudes. Pennavel, le consortium qui mène le projet, le préfet du Morbihan et la région Bretagne ont organisé une nouvelle réunion pour tenter d’apaiser les craintes.
"Le projet avance" se réjouit Pascal Bolot, le préfet du Morbihan, en ouvrant la discussion. Dans la salle, une centaine de personnes, habitants de Lorient ou des îles de Groix et Belle-Ile, des élus, des associations sont venues faire le point sur le parc éolien flottant de Belle-Ile-en-Mer.
13 éoliennes
En mai 2024, Pennavel a été retenue par l’Etat pour installer 13 éoliennes flottantes à 19 kilomètres à l’ouest de Belle-Ile. Elles produiront jusqu’à 270 mégawatts et alimenteront en énergie renouvelable quelque 450 000 habitants.
"En 2025, nous allons réaliser l’étude d’impact environnemental explique Aldrik de Fombelle, le directeur de la société. Nous allons étudier le milieu physique, la houle, les vents, la salinité de l’eau, mais aussi l’écosystème marin : le phytoplancton, les mollusques, les crustacés, les mammifères marins et les oiseaux, et étudier l’impact de ces éoliennes dans le paysage."
Viendront ensuite l’heure des choix techniques avant la construction et le début d’exploitation en 2031.
Des inquiétudes sur le modèle économique du projet
Dans la salle, les premières questions fusent. Pennavel est un consortium constitué d’Elicio, entreprise belge et de l’allemand BayWa RE. Une société qui a connu de grosses difficultés financières en juillet. "Que va-t-il se passer si la société mère s’écroule. Est-ce que cela ne risque pas de vous fragiliser ?" interroge un monsieur.
"Pennavel est une société indépendante, tranquillise Aldrik de Fombelle, le directeur. Elicio, exploite des éoliennes depuis 15 ans. À elle seule, c’est 2 200 mégawatts d’éolien en mer dont la moitié en exploitation dans la mer du Nord."
Un autre s’interroge sur le prix du rachat de l’énergie. "Votre tarif est critiqué même par le lobby européen Wind Europe. Vous envisagez de vendre à moins de 90 euros du mégawatt, quand les prix pratiqués au Royaume-Uni tournent autour de 230 euros, et même de 280 aux USA."
"Les installations sont différentes rassure le directeur de Pennavel, de l’autre côté de la Manche, les consortiums financent aussi le raccordement."
Et des craintes sur l’environnement
Mais ce sont surtout les risques environnementaux qui inquiètent l’association PIEBÎEM (Préserver l'identité environnementale de la Bretagne Sud et des îles contre l'éolien en mer).
"Les éoliennes seront amarrées, ancrées au large, s’alarme une dame. C’est un véritable danger pour les coraux et le maerl, très présent dans la zone. Quant aux pales, elles auront des impacts sur les espèces animales, les bruits et les vibrations désorientent les cétacés, l’attraction lumineuse attire et déboussole les oiseaux migrateurs. On n’industrialise pas impunément le littoral."
"Ces coraux sont hypersensibles au changement climatique, répond aussitôt Aldrik de Fombelle. Donc si on ne fait rien pour limiter les émissions de gaz à effet de serre à effet destructeur, ce sera la pire des choses pour les coraux ! Ils seront cartographiés pour ne pas les impacter."
Et il détaille," le bilan carbone d’un kilowatt/h fourni par nos éoliennes sera de 20 grammes équivalent, quand le même kilowatt/h produit dans une centrale à gaz consomme 400 grammes de CO2, plus de 1 000 grammes s’il sort d’une centrale à charbon."
"En Bretagne, on ne couvre que 15 à 20% de nos besoins en énergie ", rappelle Pascal Bolot, le préfet du Morbihan.
"Les trois quarts de l’énergie consommée en Bretagne sont producteurs de CO2 constate aussi Jean-Pierre Aubry, membre de France Nature Environnement et Clim'actions Bretagne. La bête à traquer c’est le CO2 ! C’est lui qui est responsable de dérives climatiques. Cette accumulation de CO2 est responsable de la disparition des espèces. Il ne faut pas faire n’importe quoi, n’importe comment avec l’éolien, mais il faut agir."
Lire : L'éolien en mer a-t-il du plomb dans l'aile?
Des garanties ?
"La Bretagne, c’est 5 600 kilomètres de côtes. Nous sommes riches de notre vent, de notre marée, de notre houle. Et nous pouvons, avec cette richesse, produire de l’électricité se félicite Daniel Cueff, vice-président à la mer de la Région Bretagne. Mais nous ne voulons pas que les parcs éoliens portent atteinte à la biodiversité. "
"Dans la baie de Saint-Brieuc, 30 études environnementales ont été menées, argumente-t-il, elles ont permis d’augmenter nos connaissances. Nous voulons que des études soient faites et qu’elles soient robustes sur le plan scientifique."
"Un diagnostic de départ a été fait, nous serons vigilants et le plus précis possible ", insiste le préfet du Morbihan.
"Je ne suis pas convaincu. C’est un débat mais il n’y a pas de dialogue, regrette Eric Sartori, membre de l’association PIEBÎEM (Préserver l'identité environnementale de la Bretagne Sud et des îles contre l'éolien en mer). Notre seule possibilité c’est de poser quelques questions auxquelles on n’a pas forcément de réponse. Nous n’avons aucun retour d’expérience sur ce que les éoliennes font sur les oiseaux, les poissons, les cétacés. Ça va être un massacre. Il y a un maître mot, principe de précaution."
"Et que deviennent les pêcheurs ? "s’interroge une voix dans la salle. "Il y a un coordinateur pêche dédié pour travailler en amont avec les Comités des pêches pour, là encore, tenter de limiter les impacts", répond Pennavel.
Un deuxième parc en ligne de mire
"Nous souhaitons développer une filière industrielle compétitive : les flotteurs seront construits à Brest, les éoliennes seront assemblées à Brest ou à Saint-Nazaire" poursuit Aldrik de Fombelle.
Dans la même zone, un deuxième parc de 25 à 30 éoliennes, capable de fournir 500 mégawatts est à l’étude. L’heure n’en est qu’aux appels d’offres, douze candidats ont déjà été sélectionnés.
Les deux sites produiront 750 mégawatts et seront capables d’alimenter 1 350 000 habitants, soit 14% de la population bretonne.
"Mais on n’en est pas là", soulignent les associations. Plusieurs ont saisi le Conseil d’Etat pour dénoncer les conditions d’attribution du parc à Pennavel.
La réunion a eu lieu, dans le calme… Mais après des heures de discussion, force est de constater que les opinions des uns et des autres ne se sont guère rapprochées !
( Avec Isablle Rettig)