Témoignage. "On travaille au minimum 18h par jour quand on est embarqué", la pêche au chalut vit-elle ses dernières années ?

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Sébastien Leprince, patron du chalutier le Magellan décrit la diminution conséquente des bateaux de pêche ©France Télévision - Aligal production
Publié le Mis à jour le Écrit par Adelaide Castier
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Alors que la pêche au chalut est en pleine turbulence, le film "Chaluts en péril" donne la parole aux marins embarqués. Dix jours rythmés par les remontées de chaluts de jour comme de nuit. Dix jours au plus près de ces forçats de la mer et de leurs préoccupations. Entre les plans de casses successifs, les crises du gasoil et les critiques des organisations environnementales, la pêche au chalut, pierre angulaire des criées bretonnes, vit-elle ses dernières années ?

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Au nord du rail d'Ouessant, le bateau semble tanguer en permanence. Bienvenue à bord du Magellan, un chalutier dont le port d’attache est plus qu’un symbole pour la pêche au chalut en France : le Guilvinec, en plein pays bigouden, berceau de la pêche bretonne. À bord, il y a le charismatique patron Sébastien Leprince et trois hommes d’équipage.

Voilà pour le point de départ de ce film documentaire « Chalut en péril » à retrouver sur France.tv.

Une vie à bord rude

Cigarette sur cigarette, les hommes enchainent les gestes de travail. Jour et nuit, le bruit des alarmes et des chaines du chalut qui se baisse et se relève donne le rythme. Quand ils ne sont pas sur le pont, les marins se posent parfois en cuisine ou dans le carré, devant une série B qu’ils regardent désormais en solo sur le petit écran de leur smartphone.

À la passerelle, Sébastien Leprince jongle entre le commandement de son bateau de pêche et les réunions en visio auxquels ils participent avec les différents comités des pêches ou les instances nationales.

"Depuis qu'il y a internet à bord des bateaux, j'arrive à avoir deux métiers en un. J'ai mon métier de marin tous les jours et à côté de ça, je peux suivre les réunions, dire ce que je pense. Il y a plein de sujets sensible depuis deux ans. Que cela soit les crises répétitives du gasoil ou les anti-chaluts qui demande le 'déchalutage', le nouveau nom à la mode."

12 000 euros de crédit mensuel 

Pour faire tourner le bateau, le patron doit rembourser tous les mois 12 000 euros de crédit. Côté salaire, il ne s’en cache pas, la pêche fait exception. Mais à quel prix…

Une flotte divisée par deux

La pêche a subi cette année encore une crise importante. En 10 ans, dans de nombreux quartiers maritimes bretons, la flotte a été divisée par 2, parfois plus….

C’est un sentiment d’abandon qui prédomine dans les propos du Capitaine :

On nous parle de souveraineté alimentaire, de toute sorte de chose. Pendant le Covid, les marins, les agriculteurs ont été des héros parce que l'ont était là pour nourrir la France. Deux ans après, les héros sont mis dans le placard. On nous ressortira peut-être un jour, mais quand ? On ne sera peut-être plus là.

Sébastien Leprince,

patron-pêcheur du Magellan

À LIRE AUSSI : Crise de la pêche, à bord d'un chalutier: "pour s'en sortir, il faut travailler plus que les autres et faire des sacrifices"

Une méthode de pêche jugée destructrice

Durant le quart de nuit, le patron pêcheur se tient en éveil avec un débat télévisuel consacré à la pêche au chalut.

Ce type de pêcherie non sélective n’est plus du tout au gout des ONG environnementales. Elle est décrite comme la méthode de pêche la plus destructrice qui existe de nos jours.

Les engins traînants qui entrent en contact avec le fond marin sont considérés comme la plus grande menace pour la biodiversité. Ils sont aussi montrés du doigt dans le cadre des captures accidentelles de dauphins.

En 2024, une interdiction de pêche d’un mois dans le golfe de Gascogne a bloqué à quai 500 chalutiers pélagique, bolincheurs et fileyeurs. Ce sont aujourd’hui les aires marines protégées qui pourraient aussi être concernées par ces interdictions.

À LIRE AUSSI : Protection des dauphins, l'Europe fermera à nouveau le golfe de Gascogne à la pêche pendant un mois cet hiver

Et pourtant, Sébastien Leprince râle. Il estime que les efforts ont été nombreux du côté des pêcheurs : 

"On a beau faire tout ce qu'il faut pour essayer de faire de l'écologie, pour essayer de trier sur le fond, pour pas faire tout et n'importe quoi... on agrandit les chaluts, on agrandit la taille des poissons, il y a énormément d'effort qui sont faits et on se demande si on va dans le bon sens parce que malgré tout, on nous impose encore plus de réglementation. 

Le plus gros tonnage de pêche en France

Il faut savoir que la pêche au chalut représente en France les deux tiers des ventes en criée. Selon un rapport édité en 2022 par l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer France AgriMer, c’est la plus haute valeur marchande, mais aussi le plus gros tonnage avec près de 94 000 tonnes de poissons en provenance des chalutiers exclusifs et polyvalents.

En 2020, le même rapport fait état de 4000 navires de moins de 24 mètres en activité à la pêche. En 1995, ils étaient 6 500.

L’interdiction de pêche sera renouvelée en 2025 dans le golfe de Gascogne, entre le 21 janvier et le 21 février, ce qui forcément n’est pas du goût des pêcheurs. Une étude réalisée par Pélagis doit prochainement sortir concernant l’impact de cette interdiction sur les échouages de dauphins.

Un film à valeur de témoignage de notre époque 

L’enjeu du film documentaire « Chalut en péril » n’est pas de savoir qui a raison ou qui a tort, qui sont les bons et qui sont les méchants.

Il s’agit bien de poser un regard, avec ce huis clos tourné durant 9 jours exclusivement à bord du bateau, sur une profession que l’on voit si peu sur nos écrans, les marins pêcheurs…

Que l’on voit si peu, en tout cas, dans leur environnement de travail, c'est-à-dire en pleine mer. Autrement donc qu’en manifestation ou en réunion.

Ce film a une valeur de témoignage et de photographie de notre époque irremplaçable. Quels que soient nos positions concernant la pêche et plus spécifiquement le chalut, c’est un document essentiel que l’on se doit de regarder…

« Chaluts en périls » réalisé pour le magazine des gens de mer Littoral - réalisation Mathurin Peschet- en co-production avec Aligal production. À retrouver sur la plateforme France.tv  

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