Il est beau, rond, vert et sucré et il aime la pluie... C'est le chou de Lorient. Chouchou avant-guerre, il s'exportait jusqu'en Allemagne puis a failli disparaître. Aujourd'hui, il revient en force sur les étals du Morbihan.
Couteau à la main, ciré de circonstance, Philippe Larboulette arpente son champ de choux. Se baissant pour les admirer, il en parle avec une passion qu'on attendrait plus d'un amateur de rosiers. "Vous voyez, il n'y a pas un chou qui se ressemble, en taille, en couleur… Il y a des variantes de vert."
Ce chou, ce n'est pas n'importe lequel : c'est un enfant du terroir, le chou de Lorient. Installé à Plouhinec, ce maraîcher bio fait partie de la quinzaine de paysans qui a relancé la culture de ce légume au début des années 2000.
Boudé par la grande distribution, il avait quasiment disparu
Car il s'en est fallu de peu pour que ce chou, inventé vers 1890 par un croisement du chou de Milan et certainement du chou de Vaugirard, ne disparaisse définitivement. Dans les années 1980, la grande distribution le boude et lui préfère le chou frisé.
Il faudra attendre 20 ans pour que des producteurs locaux, pressés par la demande d'amateurs, le remettent au goût du jour. "On est allés fouiller au fond de nos congélateurs, se souvient Jacques Le Serrec, président du Syndicat des producteurs de chou de Lorient. On a retrouvé des vieux fonds de semence et on est repartis là-dessus."
800 wagons de chou en trois mois avant-guerre
Pourtant, ce chou avait eu ses heures de gloire dans la région de Lorient. Entre Guidel et Plouhinec, jusqu'à 400 hectares de culture lui étaient consacrés dans la première moitié du XXe Siècle. Pour la consommation locale mais aussi pour l'export.
En Alsace et en Allemagne, il servait à la fabrication de la choucroute. "Il y a eu des saisons où 800 wagons partaient en trois mois, relate Pierre Mayol, ancien grossiste et historien du chou de Lorient. Et puis en 1936, Hitler commence à vouloir vivre en autarcie, donc finis les choux de Lorient."
Une surface cultivée divisée par 100
La production redémarre après-guerre pour s'effondrer à nouveau dans les années 1980. Aujourd'hui la culture du chou de Lorient se contente de quatre hectares, 100 fois qu'avant-guerre.
Adepte des sols sableux, des climats doux et humides, le chou est tout à son aise dans le Morbihan. Il y est apprécié pour son goût sucré et a ses inconditionnels.
Pour l'instant, le chou de Lorient ne possède pas d'IGP (indication géographique protégée). Le Syndicat des producteurs de chou de Lorient y réfléchit mais la démarche a un coût élevé.
Avec Isabelle Rettig