"Je n'ai pas fait d'école de voile, j'ai appris sur le terrain". Eugène Riguidel, ce marin qui ne lâche jamais rien

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Eugène Rigidel, entre vents et marées, un film de Véronique Garcia
Extrait du film "Eugène Riguidel, entre vents et marées" de la réalisatrice Véronique Garcia ©FTV

Skipper de renom, grand marin épris de liberté, activiste et militant, le parcours d'Eugène Riguidel est parsemé de combats sportifs, et humanistes... À 83 ans, le marin s'est confié à la réalisatrice Véronique Garcia, dans un documentaire intitulé "Riguidel, entre vents et marées".

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Pour Eugène Riguidel, marin, citoyen et militant de 83 ans, Arradon, est "son berceau" et l'île Berder, "son Amérique".

Né dans le golfe du Morbihan, c'est là qu'il a appris à faire ses premiers nœuds et ses premières courses à la godille, vers l'île Berder. Pour lui, dans cet espace, tout était prétexte à évasions et découvertes.

Pupille de la nation à l'âge de cinq mois, il a grandi, élevé par sa mère et sa grand-mère. "J'ai eu la "chance" dit-il "de grandir en Bretagne. Mon père est mort brûlé pendant la guerre à Mers-el-Kébir, j’avais cinq mois, la flotte anglaise a bombardé la flotte française".

Il confesse qu'il porte en lui "l'horreur de la violence, de la bêtise, de la brutalité ".

L'île Berder, c’était mon Amérique à moi. Je n'ai pas fait d'école de voile, mais j'ai appris sur un terrain de jeux extraordinaire.

Eugène Riguidel

La voile, une ascension sociale

Avec ses frères, ils côtoyaient les plaisanciers et navigateurs qui venaient de Vannes ou de Nantes, en vacances sur le golfe. Ils étaient sollicités pour de petits services, comme celui de monter les sacs de voiles à bord, et ils les aidaient à partir en mer.

C’est ainsi que le futur vainqueur des grandes traversées, "a été embarqué", dit-il, "comme équipier sur des courses, à la Rochelle ou en Angleterre". Beaucoup de jeunes gens comme lui, devenaient skippers à cette époque. "C'était une ascension sociale" dit-il.

Naviguer avec lui, c’est scientifique, décomplexé, convivial, joyeux et ludique.

Bertrand Riguidel,

petit-cousin d'Eugène

Devenu skipper, il s'est lancé dans les compétitions, et les victoires ont suivi.

En 1979, il remportait la Transat en double. Avec Gilles Gahinet sur VSD, il battait le duo Éric Tabarly-Marc Pajot, sur Paul Ricard.

En 1981, il était le premier de la troisième étape de la Whitbread, une des plus célèbres courses à la voile, sur Mor Bihan.

En 1983, il terminait deuxième de la Transat en double Lorient-Les Bermudes-Lorient sur William Saurin, avec son équipier Jean-François Le Menec.

En 1984, il décidait de se retirer de la compétition nautique, "lassé de la course au sponsoring qu’impose le sport de haut niveau" explique-t-il.

L'âge d'or de la course au large

Avec ses amis, Eugène Riguidel se souvient des bons moments de l'âge d'or des grandes traversées.

À l’époque, ils se retrouvaient à la Trinité-sur-Mer, chez Jean Le Rouzi, un ami, médecin et marin également. Ces occasions étaient de véritables rassemblements d'énergies, d'amusements, mais aussi d'engagements. 

 "La Trinité sur mer, c'était une période extraordinaire, le début de ce phénomène de la course au large" dit-il.

Aujourd'hui encore, Eugène Riguidel et ses amis se retrouvent. "C’est indispensable, ces moments où on refait le monde, parce qu’il y a des fois où il va mal ! " ironise son ami, Marc Chapiro.  

Des projets saccageurs

Discret, mais franc parleur, Eugène Riguidel s'engage donc pour les causes humanistes, et elles sont nombreuses : contre le tout nucléaire, contre les antennes 5G, pour la préservation du littoral.

Les projets "saccageurs" de construction sur le littoral captent son attention, les privatisations et la bétonisation sur le golfe s'étant multipliées.

Avec son ami, Marc Chapiron, des centaines d’adhérents, des sympathisants et une vingtaine d’associations, ils créent, en 2016, l'association "Berder ensemble", qui s'oppose à la construction d’un hôtel cinq étoiles sur l'île Berder.

Et après huit ans de mobilisation, la justice administrative classera l'île Berder en espace remarquable. Une victoire de raison cette fois et un combat qui continu pour la nature.

Tout le littoral est totalement confisqué. Il n'y a plus que des complexes hôteliers où les gens arrivent en avion et repartent sans voir l’ile et ses habitants. On ne peut plus faire ça.

Marc Chapiro

Ami d'Eugène et co-président de "Berder ensemble"

Citoyen du monde

En 1991, c'est l’annonce d’un aménagement touristique du site de Carnac qui le lance, avec la population locale, dans le combat.

Eugène Riguidel et Christian Obeltz, chercheur et spécialiste des populations néolithiques, coprésident alors, l'association "Menhir Libre", née en 1993. Après 10 ans de lutte, cette fois, le projet de réaménagement du site sera abandonné grâce à la loi Littoral.

Pour son ami, Marc Chapiro, "Carnac, c'est un site emblématique qui a failli devenir un "menhir land". C’est grâce à Eugène que cela reste un lieu accessible, un lieu de poésie".

Je suis content d’être citoyen du monde et de fréquenter des citoyens du monde qui militent. Les marins, les autochtones, les petits pêcheurs ne peuvent plus habiter sur le littoral à cause de la spéculation. Le territoire est acheté et remplacé par le tout tourisme. C’est une vérole considérable.

Eugène Riguidel

Il y a un an, le combat continuait. Un collectif "soulèvement des pierres" s'organisait pour empêcher la destruction du patrimoine historique, à la suite de la destruction de monolithes pour laisser place à un commerce, à quelques kilomètres de Carnac, sur le site de Montauban

Eugène Riguidel, c'est une image indissociable de celle du golfe du Morbihan qui combat pour sa préservation, avec un seul mot d’ordre "Ne rien lâcher".

Le documentaire "Riguidel, entre vents et marées" sera diffusé sur France 3 Bretagne le 31 octobre à 22 h 50. Il est visible également, dès à présent, sur france.tv

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