Le RC Vannes joue ce samedi 8 juin pour son histoire et celle de sa région contre Grenoble. En finale de Pro D2, le club morbihannais pourrait atteindre le Top 14 pour la première fois de son histoire. Un parcours qui a permis à la Bretagne de se faire une place dans le rugby professionnel.
Elle a définitivement trouvé sa place dans le monde du rugby. Vannes joue son accession en Top 14, samedi 8 juin, contre Grenoble, au stade Ernest-Wallon, à Toulouse. Avec cette finale inédite en Pro D2, la Bretagne ouvre un nouveau chapitre de son histoire, restée jusqu'ici loin de l'ovalie.
Entretenant des liens culturels, commerciaux et touristiques forts avec la Grande-Bretagne, la région et ses terres aux racines gaéliques semblaient destinées à s'enticher du jeu à XV. Il a pourtant fallu attendre 2016 et la montée du RC Vannes en Pro D2 pour qu'un club breton accède au statut pro.
Bien implanté au tournant du siècle, "le rugby disparaît dans les années 1920, dans les années 1930 et après la Seconde Guerre mondiale", pointe Loïc Ravenel, chercheur au Centre international d'études du sport (CIES). L'explication la plus souvent évoquée est la défiance des patronages catholiques, très puissants en Bretagne, envers ce sport "jugé comme trop violent et comme un sport qui entraînait des contacts corps à corps, alors que le football avait empêché cela", affirme le chercheur.
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Le Sud-Ouest s'empare de la discipline
Mais à en croire Joris Vincent, maître de conférences de l'Université de Lille, spécialisé dans l'histoire du sport, l'enjeu était aussi "politique". "Les républicains, à partir de 1870, veulent reprendre le pouvoir sur la jeunesse (...) par l'intermédiaire de la mise en place et le développement des pratiques sportives" autour du rugby, avec les figures de Pierre de Coubertin, Georges de Saint-Clair ou Frantz Reichel. Le football est favorisé comme un "contre-pouvoir face à la République", en Bretagne et dans tout le nord de la France, avance le spécialiste.
Les échanges commerciaux seront aussi un vecteur important de diffusion du rugby. Si les ports comme Nantes ou Saint-Nazaire ont été des îlots rugbystiques, Bordeaux, le canal du Midi et les routes du commerce du vin l'ont finalement ancré dans le Sud-Ouest. Et le phénomène s'est accentué lorsque le rugby s'est doté d'instances dirigeantes. "À la création de la Fédération française de rugby en 1919, ce sont des dirigeants du Sud-Ouest, de Périgueux, de Toulouse, qui vont gouverner la fédération et (...) il va y avoir un investissement plus important autour des pratiques dans le Sud", résume Joris Vincent.
Le @RugbyClubVannes a bien mérité sa place en #FinalePROD2 💪
— Rugby PRO D2 (@rugbyprod2) June 8, 2024
Voici les meilleurs moments de la saison qui retrace cette aventure jusqu’en finale 🔥 pic.twitter.com/kDehtjwRrV
"Dans les années 1930 ou entre-deux-guerres, tout un tas de clubs en Bretagne, en Normandie, disent que ça devient trop compliqué d'aller jouer à Castres, à Montauban, à Toulouse parce que c'est loin et qu'ils n'ont pas les moyens ni le temps de partir là-bas", atteste Loïc Ravenel. "Que ce soit aux échelles nationales ou à l'échelle mondiale, le rugby a un peu cette idée de sport d'élite", poursuit-il en évoquant la première Coupe du Monde, en 1987, qui a eu plus de 50 ans de retard sur celle de football.
Développer le rugby en le féminisant
"On joue entre soi, on a des tournois, on fait des tournées, on rencontre les gens que l'on désire. On est entre gentlemen d'une certaine manière", énumère le chercheur du CIES. Mais avec le tournant du professionnalisme au début des années 1990, ce paradigme "isolationniste" vole en éclat. "Quand il a fallu trouver de l'argent, on s'est quand même rendu compte que c'est plus compliqué à Castres, à Montauban, à Agen, à Auch que dans d'autres métropoles où il va y avoir du public et plus de moyens."
À partir des années 1980, le développement doit donc se faire au niveau des licenciés de ces "régions désertiques", mais aussi du côté des joueuses féminines, pour "avoir des subventions de la part du ministère", renchérit Joris Vincent. Dans l'élite féminine, on trouve ainsi les équipes de Lille ou du Stade Rennais.
Après La Rochelle, qui, à l'époque, avait déjà fait figure d'ovni dans la galaxie ovale, Vannes petit à petit construit un projet viable pour viser le plus haut niveau. Une victoire en finale contre Grenoble, dans l'antre du Stade toulousain, permettrait une bonne fois pour toutes au rugby de devenir un sport vraiment national.