En France, 35% des agriculteurs seraient en risque de burn-out. Dans le Morbihan, Ludovic a fait appel à un coach agricole pour sortir la tête de l'eau et prendre du recul sur les difficultés de son exploitation laitière.
À Buléon, dans le Morbihan, Ludovic Massard a fait appel à un coach agricole il y a maintenant 4 mois.
Depuis l’automne, le producteur laitier installé en bio traversait une phase difficile. À 51 ans, celui qui n’était pas issu du monde paysan devait conjuguer la tenue de son exploitation, un projet potentiel de développement et des responsabilités au sein d’une coopérative.
Mais face à la surcharge de travail, au manque de main-d’œuvre pour lui prêter main-forte, l'éleveur a commencé à accumuler "des doubles, voire des triples journées". Et à perdre pied.
"J'ai fait comme une dépression"
"J’étais épuisé, mais je n’arrivais plus à dormir, confie-t-il aujourd'hui. Quand vous devez vous lever tous les matins à 5 heures, 7 jours sur 7, vous finissez par perdre votre discernement. J’avais le sentiment que la ferme commençait à payer le prix de mes engagements extérieurs, que ça partait en vrille économiquement. J’avais la conviction aussi de ne plus être à la hauteur de mes responsabilités au conseil d’administration. Familialement, c’était également compliqué, je m’étais séparé. Bref, je n’avais plus rien de solide dans ma vie, financièrement, il fallait jongler. Et dans ces moments-là, on finit par se dire qu’il vaudrait mieux tout arrêter. J’ai fait comme une dépression".
Redonner de la confiance à des agriculteurs épuisés
Pour Ludovic, c’est peut-être "le miracle d’un algorithme" qui a changé la donne. "J'ai découvert l'activité de Benjamin via un réseau social, je me suis rendu sur son site "Objectif Terre d’avenir". Et je me suis dit, c’est pile-poil pour moi, raconte l'éleveur, puisque c’est quelqu’un qui maîtrise la technique de l’agriculture, mais qui est aussi dans l’accompagnement plus personnel. On a échangé par messages pour évoquer ma situation, et on s’est rencontré".
Ingénieur agricole de formation, conseiller d'entreprise agricole pendant 20 ans, Benjamin Rolland a changé de voie en 2022 en se formant au métier de coach pour avoir "une approche plus globale du soutien aux agriculteurs".
Membre du réseau AgriCoaching, il a déjà accompagné une douzaine de professionnels sur son département. "En France, précise le coach, 35% des agriculteurs sont en risque de burn-out.
Le métier est est en pleine mutation. Faute de main d’œuvre, les agriculteurs sont souvent fatigués, épuisés. Il y a de la solitude, de la lassitude, et ça peut devenir pour certains très compliqué. Ils ne savent plus comment avancer. Moi, je me considère comme un spécialiste de la mise en mouvement
Benjamin RollandCoach agricole
"Dans ces situations, il faut leur offrir du recul, leur redonner de la confiance", poursuit Benjamin Rolland. "C’est important qu'ils puissent partager une réflexion sur leur situation, sur leur projet. Le dialogue avec un intervenant extérieur permet de sécuriser. Il faut formaliser les choses".
"On investit plus facilement dans un tracteur"
En fonction des situations, les accompagnements des agriculteurs en difficulté peuvent durer de six mois à un an, indique Benjamin Rolland. Avec des forfaits qui se situent dans une fourchette de 1.200 à 4.800 euros.
Ludovic reconnaît qu'il a beaucoup hésité avant de franchir le pas et faire appel à un coach.
"Au départ, ce n’est pas évident d’investir dans un coaching, surtout quand c’est déjà compliqué en termes de trésorerie, dit-il. Et puis j’ai compris que c’est aussi quelqu’un qui pouvait m’accompagner dans un potentiel projet de développement".
En fait en agriculture, on peut n’avoir aucun problème pour investir dans un tracteur, une machine ou un bâtiment. Mais investir sur soi, on a beaucoup de mal. C’est des choses qu’on refuse. J’ai des collègues qui y arrivent seuls, mais moi, j’avais besoin d’être accompagné.
LudovicAgriculteur
Pour le producteur de Buléon, l'accompagnement pourrait durer un an. "Ce n’est pas de la psychothérapie, souligne Ludovic, c’est de la discussion d’homme à homme. On pose son sac, on sait qu’il faut d'abord régler deux ou trois trucs. Et on avance".
"Cette expérience me permet d’être moins dans l’affectif, l’émotionnel, constate Ludovic. J’ai compris que ma situation n’était peut-être pas si catastrophique et qu'avoir des projets pouvait aussi me permettre de régler d’autres problèmes sur ma ferme. Que cela pouvait être une opportunité. Quand vous êtes seul et que vous avez la tête dans le guidon, c’est plus compliqué de voir le potentiel que vous détenez".
(Avec Krystel Veillard)