Dans son allocution du 13 avril, Emmanuel Macron a annoncé la reprise de l'école le 11 mai. Les parents d'élèves pointent du doigt des incohérences tandis que les chefs d'établissements attendent des directives claires.
L'école doit reprendre le 11 mai prochain, date jusqu'à laquelle doit durer le confinement lié au coronavirus, selon Emmanuel Macron qui a pris la parole ce lundi 13 avril. En Bretagne, cette annonce fait réagir et suscite de nombreuses interrogations.
"D’un point de vue sanitaire, cela me parait incohérent et incompréhensible !"
Magalie Icher, présidente FCPE 35 (Fédération des Conseils de Parents d'Elèves) et mère de cinq enfants souligne : "Certes, je suis soulagée d’apprendre que les enfants retourneront à l’école le 11 mai. Les parents, qui se sont retrouvés bien malgré eux à endosser le rôle d’enseignants, vont pouvoir retrouver leur place et c’est une bonne chose."
Elle relève des paradoxes : "Mais je note tout de même un certain flou et des contradictions dans les propos tenus par Emmanuel Macron. J’ai bien noté que le Président parle d’une "réouverture progressive". Que faut-il comprendre exactement ? S’agira-t-il d’un retour à l’école différent selon les régions ? L’autre point que je ne comprends pas c’est pourquoi autoriser les établissements à rouvrir dès le 11 mai tout en interdisant la réouverture des restaurants et bars. A Rennes, le lycée de Bréquigny accueille 3 000 élèves…D’un point de vue sanitaire, cela me parait incohérent et incompréhensible !"
Pascale Le Flem dirige une cité scolaire à Redon, qui inclut un lycée général, un collège, un lycée professionnel, soit 1800 élèves, auxquels viennent s'ajouter 250 membres du personnel (professeurs et agents). "Moi je suis dans l'expectative. L'école doit bien sûr reprendre, c'est ce que tout le monde souhaite mais là nous n'avons aucun élément concret de mise en oeuvre."Il y a des questions concrètes, auxquelles nous sommes confrontées et qui vont bien au-delà de la gestion de nos établissements. Pascale Le Flem, proviseur à Redon et sécrétaire académique du SNPDEN (Syndicat National des Personnels de Direction de l'Education Nationale).
Elle interroge : "Quels élèves allons-nous recevoir ? Tous ? Des petits groupes d'abord ? De quels tranches d'âge ? Quelle catégorie ? Ceux les plus en difficulté à la suite du confinement par exemple ? Nous n'allons pas décider de notre propre chef. "
Elle aussi se demande comment faire respecter les gestes barrières : "Ici nous accueillons des élèves âgés de 11 ans, jusqu'au BTS. Pour les petits c'est compliqué les gestes barrières. Dans les classes de lycée, ils sont 35, comment faire respecter les distances ? Nos élèves auront-ils des masques ? Le personnel devra-t-il en porter ?"
Pour l'hygiène et le ménage, quelles seront les consignes ? "Nous allons nettoyer oui, mais après, à quel rythme faudra-t-il re-nettoyer ?"
Elle remarque également que la reprise de la scolarité concerne aussi d'autres services : qui des transports en commun ? Vont-ils reprendre ? Et là encore, comment garantir la sécurité de tous. Et la cantine ? "Il faut des réponses tenables dans la réalité, pour les parents, le personnel, les chefs d'établissements."
"Un mois ça va être court pour rattraper ce qui a été perdu"
Francine Just Jourdren est psychologue Education nationale, au lycée Joliot-Curie, à Rennes. "Il y a des incertitudes sur des élèves en difficulté et qui étaient déjà repérés avant le confinement. Là, on n'a plus de nouvelles pour certains. Les inégalités sociales vont se creuser avec l'éloignement de l'école. On ne sait pas comment on va les retrouver le 11 mai. Certains pourraient être complètement perdus." "Pour les jeunes qui sont en mal-être, au sein de leur famille et pour lesquels l'école est un refuge, là aussi je me demande comment ils vont revenir."
Elle ajoute :"Pour certains le retour va être difficile, parce qu'ils ont pris un autre rythme. Il va y avoir de la réadaptation moins pendant une semaine, quinze jours. Pour ceux du lycée, il faudrait que tous les élèves aient cours jusqu'au 5 juillet et qu'il n'y ait pas de rupture de rythme, comme habituellement avec le baccalauréat, quand les cours s'arrêtent mi-juin."
"Vouloir faire rentrer tous les enfants, c'est une folie" lance Jean-Marc, professeur de mathématiques dans un collège à la Mézière. Il se dit partagé, avec une forte envie de revoir ses élèves mais il trouve la date du 11 mai prématurée : "Il faut d'abord que les structures soient prêtes et là..." Les pratiques des enseignants ont été bouleversées. "Pour ce retour, il va aussi falloir rassurer les élèves, leur redonner confiance."J'ai hâte de retrouver mes élèves mais pas dans n'importe quelles conditions, ni pour eux, ni pour nous. Jean-Marc, professeur de mathématiques