Dans notre époque qui prône le développement de soi, les retraites de silence suscitent un vif intérêt. Le principe : partir en laissant de côtés ses habitudes, son travail, sa famille. Se taire en groupe pour s'apaiser, l'expérience tient-elle ses promesses ? Dans ce second volet sur le silence nous partons à la rencontre d'une coache et de participants.
"Nous n'avons plus conscience que nos corps sont en surégime, en hypervigilance. Il y a en nous quelque chose de toujours attiré par l'extérieur. Nous courons conditionnés par un objectif, confondant la quête du plaisir et celle du bonheur. A peine sommes-nous satisfait que nous nous demandons à quand notre prochaine glace ?
Dans ma pratique je clame ce non-sens" explique Françoise McLean, coache en pleine conscience et retraite de silence.
Arrêt sur silence
"Nous sommes rarement à l'écoute du silence. Inlasssablement nous l'occultons par nos pensées et notre agitation. Mais il est toujours là, comme un grand ciel bleu, accessible et ressourçant. Il nous ramène à la confiance et la tranquilité. Pour y accéder, la méditation de pleine conscience est une voie. C'est un apprentissage, une dépose, une déprise. Il requiert le courage d'interrompre la fuite en avant dans le faire, ou la fuite en arrière dans le regret ou le reproche. En s'entraînant il s'apprivoise graduellement" explique la coache.
C'est une rééducation, il faut se reformater.
Françoise McLean
Ancienne sportive de haut niveau, l'hyperactive Valérie Tiberghien ne se posait jamais. "Je n'écoutais pas mon corps. Il fallait avancer. A l'annonce d'un cancer du sein j'ai brutalement compris que mon corps disait stop. Stop, pose-toi. Je suis allée voir Françoise McLean pour apprendre à m'arrêter. Aujourd'hui je m'octroie naturellement des pauses plusieurs fois dans la journée. Certains jours cette quête est difficile, je ne trouve que du bruit. Mon esprit part à droite à gauche, pense aux soucis. Il faut me reconcentrer sur mon attention et ma respiration. L'apprentissage est technique. C'est un travail. Respire, écoute ce qui se passe autour de toi, que ressens-tu ? Tes pieds, tes mains, ta bouche, ta langue... ce scan corporel, vous pouvez le faire n'importe où, n'importe quand, même en réunion parmi plein de monde." exprime t-elle enthousiaste.
Je suis avec moi-même, je m'écoute. C'est stop aux pensées, c'est juste ressentir.
Valérie Tiberghien
"Lorsqu'un événement me submerge, par exemple une réflexion désagréable, je ne me sens plus obligée de réagir, de répondre à chaud. Je suis capable de décider d'un stop. Je me lance un signal qui me fait quitter l'environnement autour de moi, entre dans un silence intérieur pour prendre du recul" poursuit-elle.
"Lorsqu'on arrive à une retraite de silence, repas, chambre, tout est prêt. ll n'y a plus rien à faire, mais beaucoup à défaire" explique l'instructrice MBSR - Mindfulness-Based Stress Reduction (Réduction du stress basée sur la pleine conscience). Ce programme laïque créé en 1979 par Jon Kabat-Zinn, docteur américain en biologie moléculaire introduit la méditation et le silence dans le champ de la médecine.
Depuis 10 ans l'instructrice termine le cycle de ces formations, 30h de méditation pleine conscience sur 8 semaines, par une journée de silence. Sourire aux lèvres, elle nous le définit :
"Quand ton esprit n'est plus préoccupé alors c'est la plus belle saison de ta vie"
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L'épreuve du silence
"Lors des retraites, nous recherchons le Noble Silence, le Silence Intérieur. Aux inscrits je demande des connaissances en méditation et une bonne santé psychologique. Je déconseille de participer en période de deuil ou de dépression. La veille de la journée de silence nous dinons ensemble, nous échangeons, la confiance s'installe. Le lendemain. Première difficulté : en groupe se familiariser au silence en restant immobile, en déjeunant, en méditant" explique la coache.
Les participants racontent :
"Je me suis retrouvée en tétanie à la première séance, corps plaqué au sol, incapable de chasser des pensées envahissantes. J'étais engluée dans ma vie en mode pilotage automatique. Aujourd'hui la méditation et le silence insufflent plus de conscience à mon existence, m'éveillent. J'observe, prends le temps de réfléchir, analyse. Je cultive ce silence de manière formelle, 45 minutes par jour, et de manière informelle, portant mon attention délibérément à ce qui se présente. C'est un effort" développe Laurence Leguiffan, professeur d'anglais à la retraite.
Entrer dans le silence, c'est constater que quand je chante je chante... c'est apprendre à diriger son attention à une chose. C'est être dans l'instant présent.
"Il permet d'être, d'arrêter de faire, de se recentrer." explique la coache.
Peu à peu j'ancre des réflexes pour retrouver un alignement.
Emmanuel Delcourt
"Lentement un silence tranquille et une paix intérieure me rattrapent" poursuit Emmanuel Delcourt, entrepreneur dans la distribution agricole.
"Une retraite de silence peut aussi ne pas répondre à vos attentes. "Forte d'une expérience positive, je me suis inscrite à une retraite de silence plus longue. Son extrême rigueur m'a fait vivre des moments d'ennui et d'angoisse, de longues heures d'immobilité, aucune activité, aucun contact, aucun conseil... " déplore Mélodie Klein, accompagnante IMP.
Le silence m'a souvent pesé.
Mélodie Klein
Percevoir, accepter, ne pas juger
"Trouver de quoi être heureux durablement et de manière autonome est la deuxième motivation des inscrits. Nous sommes cablés pour survivre mais pas pour être heureux. La question de fond est : qu'est-ce qui rend véritablement heureux ? Pour moi c'est d'être en paix avec ce qui est. Je ne suis ni indifférent, ni blasé, ni éffondré. Je vois et accepte ce qui est réellement et non pas ce que je voudrais voir. J’apporte ce changement de regard" expose Françoise McLean.
"Le silence me donne une force pour faire un pas de côté. Je me laisse traverser par des difficultés sans forcement tomber avec elles" ajoute Emmanuel Delcourt.
Le silence m'apporte de la résilience et du goût à la vie.
Emmanuel Delcourt
"On apprend à se gérer seul. On sait que l'on ne changera pas les autres. On ne cherche plus à les changer" exprime convaincue Laurence Leguiffan.
C'est le non-jugement, on accepte.
Laurence Leguiffan
"Peu à peu j'ai compris que je réagissais inconsciemment tenant pour acquis des croyances même si elles étaient fausses. Mes pensées déformaient la réalité. J'ai vraiment changé mon comportement vis-à-vis de mon entourage. Je l'admets tel qu'il est. Ce bienfait est énorme" poursuit-elle.
La magie d'un espace
"Le silence n'est rien de plus que ce qui est contenu entre une note et une autre" disait Claude Debussy. De sorte qu'il accorde encore plus d'élan et de beauté à n'importe quel morceau de musique.
"Dans le silence, il y a une beauté à habiter, une disponibilité. Il y a le silence intérieur, ou celui qui ponctue nos conversations et laisse émerger de nouvelles idées. Le silence est un espace universel que nous partageons sans s'encombrer de parole. Un espace infini" exprime la coache.
"Quand j'ai rencontré Françoise McLean, elle a commencé par me définir le stress comme une relation particulière entre soi et son environnement. J'étais éprouvé, en danger moral et physique. Septique, je me suis inscrite au stage. Nous parlions de nos réactions, de nos comportements. Stressée et agressive je ne laissais aucun espace entre moi et des évènements. Le silence m'a révélé, j'ai réalisé que j'avais des ressources innées en moi pour arrêter ce schéma de pensée et cette façon d'être. Je me suis ouverte à un "désapprentissage". Ce que je pensais savoir m'empêchait véritablement d'apprendre. Connais-toi toi-même disait Socrate, enfin j'étais sur le chemin de la clairvoyance et reprenais les rennes de ma vie" dépose Laurence Leguiffan.
Le silence permet de trouver la bonne version de soi-même.
Laurence Leguiffan
Témoignage : Ni "frime, ni"mensonge", pour Guirec Soudée les cures de silence sont essentielles pour se retrouver face à soi-même.
Silence thérapie
Le silence serait bon pour la santé.
Pratiquer des moments de silence nous entraîne à un bien être émotionnel, à de l'empathie et de la compassion.
"Si par exemple des nuits, je ne dors pas, j'essaie de retrouver mes sensations de silence intérieur. Il a consolidé mon sommeil et ma zénitude. Je suis plus calme et ne me laisse plus complétement envahir. Je me sens plus en appui dans la vie, moins déstabilisé" explique Emmanuel Delcourt.
Le silence est une arme pour réagir, rebondir et se protéger.
Emmanuel Delcourt.
"Souvent tendue, aujourd'hui j'arrive à faire le vide grâce à mes techniques de respiration. Le silence a quelque chose de préventif. Mon système immunitaire s'est vraiment renforcé. Je suis beaucoup moins malade physiquement et mentalement. A l'école on apprend aux enfants à prendre soin de leur corps par de l'éducation physique, pourquoi pas des cours, pour apprendre à se connecter à leurs propres émotions. Ce sport mental participe à une hygiène de vie" exprime Laurence Leguiffan.
"Le silence, c'est une guérison de l'âme, en libérant ma parole il m'aide à me reconstruire" confie Marie-Claire Jourdan, cheffe d'entreprise d'une pépinière." "Difficile de comprendre tout ce qu'il vous arrive lors d'une première retraite de silence. Ce n'est qu'à ma deuxième, cadeau de mon époux à mes 50 ans, que j'ai réalisé que dans ce moment privilégié il se passait beaucoup de choses aussi bien dans ma tête que dans mon corps. L'esprit se range, peu à peu j'ai modifié mon comportement, abandonné des relations toxiques et réussi à me montrer tel que je suis véritablement. J'ai aujourd'hui une meilleure image de moi-même" poursuit-elle.
"Le silence efface la notion d'urgence. Il m'a fait prendre conscience que souvent je m'imposais des contraintes qui en finalité pouvaient se gérer différemment et plus rapidement. Et ce temps gagné je le dédie à ne rien faire. Je fais des choix de vie moins stressants" développe amusée l'artiste Anita Niera.
Nous sommes des éternels apprentis. "Il faut de la tendresse, de la bienveillance, de la compassion avec soi même et plutôt que de se blâmer, il faudrait dire j'ai fait de mon mieux. Une retraite de silence n’est pas une psychothérapie. Je ne garantis pas un résultat. C’est juste une autre manière d’être, c'est souffler sur la braise de la vie, porter son regard au-delà de son petit-moi, se mettre " au service du monde" et à son tour le transformer en remerciant, s'écoutant et s'aimant" conclut philosophiquement Françoise McLean.